SOCIETE
Samuel, Yoann... sur un autre chemin, une même tragédie
le mercredi 23 août 2017, 19:06 - SOCIETE - Lien permanent
Deux très jeunes gens dont les décès tragiques nous imposent de constater qu'il y a plus d'un chemin sur la carte de la vie. Samuel, 24 ans, un Auxerrois est tombé à travers la verrière du marché couvert à Auxerre voilà trois mois déjà , le 4 juin. Yoann, Aubois de 20 ans, a été retrouvé au fond du canal à Migennes, les mains ligotées
Il était venu à Migennes pour voir des amis. Le corps de Yoann, 22 ans, a été retrouvé, jeudi dernier, dans le canal de Bourgogne. Le jeune homme, décrit par ses amis comme "drôle, généreux et gentil", était connu par la justice pour des faits d'usage de stupéfiants (DR)
Samuel, la joie de vivre. Il est passé à travers le toit en plexiglas qui couvre le marché couvert place de l'Arquebuse. Le drame s'est produit aux alentours de 19h45, dimanche 4 juin. Sam n'avait que 24 ans (DR)
Samuel Stuckatch, bonne humeur, gentillesse extrême. Un sourire que certainement on n’oubliait pas, un vrai sourire. Une enfance difficile avec la perte de la mère à 10 ans. Sa disparition a ému et provoqué une incroyable mobilisation de solidarité.
Yoann lui, était drôle, généreux et gentil. Livré à lui-même depuis l'âge de 13 ans, à Troyes. Il s'installe un an dans l'Yonne pour tenter de repartir du bon pied. Seul et sans emploi, il accumule les dettes. Sa disparition dans des circonstances tragiques, les mains ligotées, son corps au fond du canal, ont ému. Le drame pas encore élucidé, suscite bien des questions sur les réseaux sociaux où les partages explosent.
Pourquoi, ces jeunes marginaux, interpellent-ils ainsi les consciences ?
Des vies éphémères, des vies-éclairs, bousculées, faites de déceptions, d’amitiés certainement fortes avec des gens qui, pensaient-ils, les comprenaient, étaient comme eux. Mais est-on jamais vraiment comme quelqu’un d’autre sinon superficiellement ?
Des enfances difficiles, des parcours en zig-zag, le flirt avec le danger, peu d’intérêt face à l’itinéraire « de tout le monde », l’attirance pour l’intense, les chemins de traverse, les défis.
La drogue. Pas forcément la grosse drogue mais la drogue fuite, la drogue qui fait croire que tout va bien, la drogue piège. Car autant l’on peut fermer la porte à ses parents, ses études, son patron, son conjoint, autant l’on ne quitte pas la drogue comme on le voudrait. Il y a le plaisir facile qu’elle procure, et puis les liens que l’on a formés avec « les autres », que l’on a un jour crus légers comme la fumée d’une cigarette et sincères comme un joyeux trip. Et qui serrent de plus en plus. On ne se désengage pas tout seul, et on a fermé la porte à ceux qui pourraient aider.
Des proies
Ils étaient livrés à eux-mêmes. Sans les bases d’une famille construite.
Et donc proies faciles pour ceux qui rodent, et ils rodent. Un jour ou l’autre ils arrivent. Bien mis, comme le Grand Coquin de Pinocchio. Tu ne vas quand même pas t’emmerder à aller aux cours ? Tu veux vraiment te faire ch… à l’anniversaire de tes vieux ? Ne me dis pas que ça te fait peur de dealer et devenir riche ?
Accuser « la société » est stérile. La société certes est souvent impitoyable, mais c’est là que les forces personnelles de l’humain interviennent. Les gens s’aident, les gens ont du cœur. Pas tous, loin de là. Mais tout comme le Grand Coquin trouve sa proie, des mains se tendent ici et là. Et on les saisit ou pas. On a envie de les saisir ou pas. Grand Coquin regardait ailleurs ou pas.
On se sent bien désemparés devant ces jeunes vies sacrifiées par de compliqués concours de circonstances. Et, dans le cas de Yoann, le concours de circonstances fut particulièrement cruel. Venu pour repartir à zéro, ralenti et sans doute démoralisé par les difficultés, et puis la très mauvaise rencontre avec des monstres.
Il y en a d’autres. Ceux-ci sont les nôtres, nos jeunes vagabonds dont on évoque la gentillesse, la bonne compagnie. Ils sont comme tous ceux que nous ne connaissons pas et que d’autres parents, amis, voisins regrettent.
Beaucoup auraient voulu aider, l’ont tenté. Et n’y sont pas arrivés. Pensons à eux aussi, qui se demanderont longtemps ce qu’ils n’ont pas fait, ou ont mal fait, et se souviendront de temps où peut-être… tout aurait pu changer si seulement ...
Suzanne DEJAER
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"Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants,
Lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles,
Lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter,
Lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus au dessus d’eux l’autorité de rien ni de personne,
Alors c’est là, en toute beauté et en toute jeunesse, le début de la tyrannie."
Platon, la République
Commentaires
Très bien résumé "Pimoulle". l'état devrait protéger ses citoyens en offrant une régulation controlé, et au lieu de cela, c'est tout le contraire avec le libéralisme et la dérégulation à outrance. Nous savons ce que nous avons eu avec l'état providence juste après la guerre qui permettait la vrai devise "liberté - égalité - fraternité -". Et pourtant aujourd'hui, beaucoup ne veulent plus de ce temps "révolu" ou la majorité d'entre nous était heureux. On préfère que ça soit les "riches" qui tiennent l'économie à la manière d'un état anglophone qui met de côté tous les "exclus et personnes à non valeurs ajoutés". avec un état fort socialement et des fonctionnaires plus nombreux, nous sommes capable de remettre toutes ces personnes dans le droit chemin. comme le disait notre maire, c'est la privatisation des bénéfices et la mutualisation des pertes qui rend notre état plus faible encore et la finance plus forte..
Ces tragedies sont le produit des choix politiques de nos gouvernements successifs: le liberalisme, la "culture du resultat", "l'ouverture" a la "concurrence non faussee", l'Etat-providence qui nuit a la competitivite des entreprises, l'Europe qui "recommande" ceci et cela, etc, etc. Dans ce monde ouvert, il n'y a pas de place pour ceux qui ne savent pas saisir les "immenses opportunitites" que leur offre la glabalisation: les vieux, les pauvres, les malades, et bien sur, les ados en manque d'affection; ils peuvent et ils doivent disparaitre.
C'est pourquoi l'abstention d'abord, l'insurrection ensuite sont les imperatifs de notre temps. Les Francais l'ont compris; le reste n'est plus qu'une queTion de temps.