Le Dr Aurélia Schneider (capture d'écran La Cinq)

 

 

"Un concept émerge depuis quelques temps sur les réseaux sociaux : la charge mentale que certaines femmes doivent gérer. Des tâches domestiques aux charges administratives, en passant par les rendez-vous médicaux, les contraintes s'accumulent et envahissent l'esprit pour ne plus le lâcher.

Épuisées de penser à tout et de faire beaucoup de choses, elles risquent leur santé psychique et physique.

Aujourd'hui, les femmes en couple gèrent 71% des tâches ménagères et 65% des tâches parentales."

C'est ainsi que le site Allodocteur.fr introduit la problématique de l'ouvrage écrit par Aurélia Schneider publié prochainement chez Larousse. La psychiatre y développe cette problématique en l'expliquant à la lueur de ses analyses cliniques et témoignages divers.

"Et si les femmes étaient une réincarnation de Shiva, aux multiples bras ? Elles pourraient l'être tant elles ont de choses à organiser et à faire : leur métier, les tâches domestiques et culinaires, la logistique scolaire, les rendez-vous médicaux, la coordination du planning familial,… Le cerveau est submergé par tout ce dont elles s'occupent !"

Aurélia Schneider, la chercheuse, a baptisé cela la "charge mentale", ou "charge émotionnelle".

Les femmes sont très souvent surchargées et elles disposent de très peu de temps pour elles, voire pas du tout. "La charge mentale est pour moi aussi physique et physiologique, notamment quand elles sont enceintes, ou, pour nombre d’entre elles au moment du syndrome prémenstruel. Il s’agit donc d’une charge globale, commente le Dr Aurélia Schneider, psychiatre. Femme surmenée est un pléonasme ! Au sein d’un couple hétérosexuel, surtout s’il y a des enfants, elle s’occupe de la maison et doit penser à tout, ce que l'homme ne gèrera jamais, ou très rarement."

Les femmes au foyer ne sont pas non plus à l'abri de ce surmenage "et quand elles ne travaillent pas, elles n'ont pas d'alibi et elles ne sont pas pardonnées lorsqu’une tâche ménagère n’est pas effectuée." Les hommes sont souvent incapables de comprendre cet épuisement puisqu'ils ne mesurent pas ce que représente la gestion d'une famille et d'une maison. Et même si les jeunes hommes participent davantage que leurs ainés aux tâches domestiques, les chiffres sont clairs : les femmes sont toujours en charge du foyer. Depuis 25 ans, et d'après les chiffres de l'INSEE, les hommes s'occupent un peu plus de l'éducation des enfants, mais leur contribution aux tâches domestiques est restée relativement stable. Ainsi les femmes gèrent-elles 71% des tâches ménagères et 65% des tâches parentales ...

 

..."Fallait demander ... "

 

Les conséquences peuvent être multiples : retentissement sur la santé et sur le couple, burn out, manque d'estime de soi des exigences trop fortes ...

Dans la BD "Fallait demander", publiée sur Facebook, l'illustratrice Emma met en scène sa vie de mère, de femme et de salariée avec "un partenaire qui attend qu'elle lui demande de faire des choses", la voyant "comme la responsable en titre du travail domestique". 

"Cette charge mentale je la vis, comme beaucoup de femmes, et j'avais envie d'en parler. C'est sorti tout seul", explique cette ingénieure en informatique de 36 ans, qui dessine sur son temps libre. 

Plus de 200.000 partages plus tard, une traduction en anglais : "You should've asked", et des centaines de commentaires, souvent féminins, saluant "la justesse" du propos, la féministe se réjouit d'avoir aidé à une "libération de la parole" et "un éveil des consciences".  

La charge mentale est "difficile à définir mais se perçoit dans le vécu quotidien", François Fatoux, juriste et consultant, la rapprochant de la "charge mentale professionnelle", ou "syndrome de débordement".

Pour cet ancien membre du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, auteur de "Comment en finir avec la ménagère?", cela se définit par "la gestion, l'organisation et l'anticipation" de la vie quotidienne, autant d'actions qui peuvent apporter du stress et empiéter sur le travail et les loisirs. 

"Cette BD en est un bon support pédagogique, analyse-t-il. Le ton de l'humour, sans culpabilisation, permet une prise de conscience plus légère".

Dans une enquête de 2009, deux chercheuses de l'Ined, Ariane Pailhé et Anne Solaz, soulevaient que "la charge familiale et domestique des femmes les accompagne même au travail". Selon elles, alors que l'implication féminine dans le foyer est "constante et durable", l'implication masculine est plutôt "temporaire et occasionnelle". 

Selon l'Insee, les femmes consacrent quotidiennement quatre heures aux tâches ménagères et parentales, contre 2H13 pour les hommes.

"Il se cache souvent des problèmes d'estime de soi, des exigences internes élevées d'obligation de perfection (comme une maison impeccable, un dîner fait maison,…). C'est souvent très fort chez les femmes, cette obligation de tout faire soi-même", analyse le Dr Schneider.

 

RESTIF

 

 

Le Dr Aurélia Schneider est la fille des Joviniens Clotilde et François Schneider, entrepreneur, homme d'affaires, fondateur du Domaine du golf de Roncemay dans l'Yonne et de la Fondation d'utilité publique qui porte son nom à Wattwiller en Alsace où sont ses racines familiales (DR)