Elle est Auxerroise dans l'Yonne, pays profondément marqué par le jansénisme où seule la grâce divine permet de gagner son salut. Les jansénistes se distinguent notamment par leur rigorisme spirituel et leur hostilité envers la compagnie de Jésus (les jésuites), comme envers un pouvoir trop puissant du Saint-Siège. Ce courant spirituel se doublait d’un aspect politique, les opposants à l’absolutisme royal.

Comment exhumer des limbes l'oeuvre de celle qui est considérée par beaucoup comme la plus grande poétesse du XXème siècle ?

Sachant qu'elle a été sous-estimée sauf par les plus grands, façon de dire ? Par exemple le Général de Gaulle, Aragon, Mauriac, Montherlant, Cocteau, Paul Guth, le roi Albert des Belges et la reine Astrid, ou encore Hugues Aufray, Jean-Pierre Soisson dont la préface au livre "Marie d'Auxerre", (éditions de l'Armançon) du journaliste Icaunais Jean-Claude Charlet, est un morceau d'architecture.

Sachant qu'elle était discrète, en retrait, ce qui ne l'empêchait pas de cultiver une joie de vivre, une gaieté communicative et une coquinerie étonnantes qui retentissaient dans le timbre de sa voix musicale, à l'opposé de l'image de bigotte que certains projettent à tort, car elle était tout le contraire.

Sachant que son oeuvre a été cadenassée longtemps. Enfermée dans des armoires tenues secrètes et bien protégées par Melle Autissier qui lui voua une quasi dévotion jusqu'à sa mort, récente.

Sachant que tout semblait s'aligner comme les astres, pour garder silencieuse et discrète la Marie Noël. Elle repose dans le caveau des Rouget dans la partie des Capucins du cimetière Dunand, le plus ancien d'Auxerre où fut une abbaye, après celui des Cordeliers qui gît en profondeur sous la place du même nom et est l'objet d'une vaste concertation pour définir son devenir. Au cimetière, trouver la tombe de Marie Noël est une aventure hasardeuse. Itou pour le capitaine Coignet et Paul Bert. Pas d'indications, il faut arpenter sans relâche, les allées principales et de traverses, sans garantie aucune de trouver. La tombe familiale des Rouget est au milieu d'un chemin secondaire.

Sachant que la poésie n'est apparemment plus en grâce, la poésie des gens de peu, celle du peuple populaire. Non plus que l'art épistolaire. Marie Noël a écrit des milliers de lettres et entretenu des correspondances volumineuses et lumineuses, notamment pendant la guerre 14-18, la grande guerre, qui sont en cours de découverte, de lecture avant d'être classées et exploitées.

Comment donc ?

Eh bien la Société des Sciences de l'Yonne emmenée au fil du temps par ses maréchaux divers puis enfin par l'empereur soi-même, a préparé l'affaire grâce à un plan stratégique digne du grand maréchal d'empire l'icaunais Davout (statue en haut du boulevard Vaulabelle) qui n'a jamais perdu une bataille de Napoléon.  La stratégie consista à introduire dans la maison de la poète (on écrit poète et non poétesse car nous trouvons que poétesse ça sonne laid, excusez-nous et sans vouloir blesser personne)  au 2 rue Marie-Noël à Auxerre, le siège de la plus ancienne société de l'Yonne qui fête, parallèlement son 150 ème anniversaire.

Ainsi fut fait et le cheval était dans Troie. 

 

Le cru Sainte-Geneviève 1893

 

Dès lors, pendant des mois, des années, un temps séculaire, de minuscules actions en minuscules actions menées par des femmes et des hommes de bonne volonté, malgré tout marqués eux-aussi par l'esprit janséniste force est de le constater, d'avancées et de replis, de contournements en circonvolutions, de conférences en éditions, de courriers en discussions, gonfla une armée de bénévoles. Qui se mit à creuser sous la voûte sacrée à la recherche des écrits, en somme, la parole perdue, de Marie Noël.

Il y a des dossiers dans des cartons partout, dans les annexes, dans les caves car Auxerre terre calcaire initiatique est aussi vigneronne. Et Marie Noël y travaillait avec ses mains dans la petite vigne familiale à Sainte-Geneviève, dont le cru 1893 reste dans les annales.

Depuis un an, ces bénévoles sont pro-actifs comme des pro-biotiques pour rétablir la poésie intestinale d'Auxerre. La maison est l'objet de travaux de restauration, modestes certes mais essentiels. Elle deviendra, officiellement, une maison de l'Écrivain au mois de décembre avec la signature d'une convention l'instituant. C'est d'ailleurs au mois de décembre qu'auront lieu les manifestations les plus poignantes, dans le cadre de la commémoration nationale du 50 ème anniversaire de la mort de la poète, couronnées par l'hommage du 23 décembre, date de sa mort. Mais pssschut.

En attendant, samedi soir au théâtre, le spectacle en hommage à Marie Noël a mobilisé une foule compacte d'Auxerrois qui ont fait la queue avant de se masser au parterre et au balcon, à défaut de baignoires, dont même des marches furent spontanément exploitées par des spectateurs qui ne voulaient pas être en reste quitte à y laisser les reins.

L'ensemble vocal d'Auxerre, la chorale Au temps de l'escale et la Fédévoix donnèrent du volume et de la profondeur à une soirée insigne.

4h30 durant, contre 3 heures annoncées avant d'être verbalement comprimées à 2h30, les saynètes, lectures de texte, chants choraux, histoires et anecdotes, bourrées limousines (Marie Noël y avait des aïeux), chansons, poèmes, rythmèrent une soirée qui a fait battre les coeurs, remuer les tripes et fait monter des sanglots contenus et des larmes coulant des yeux sur des joues immobiles. Certes long mais personne ne bouda son plaisir et ce n'est que minuit s'approchant que les premiers spectateurs s'éclipsèrent, sans compter le député Guillaume Larrivé échappé à l'entracte. Première de longue date, le président du département, Patrick Gendraud, élu de Chablis était présent pour ce qui constitua un grand moment, unique.

Le chanteur poète compositeur Hugues Aufray qui enchanta enfances et jeunesses, a tenu à participer - sans cachet comme Gérard André qui chante Brassens et Ferrat, le troubadour basé dans le sud de l'Yonne et Christelle Loury qui chante Piaf, dans le nord - à l'hommage à la petite dame d'Auxerre. À 88 ans, oui vous avez bien lu, 88 ans, Hugues Aufray entretient depuis longtemps une relation intime avec les vers de la poète Auxerroise qu'il a découverte retour d'Espagne où il a passé son bac.

Son passage fut puissant. L'homme à la crinière blanche comme Stewball, évoqua Marie Noël et ses merveilles de mots, son amour, et adressa un message à tous, surtout les gens de peu, pour faire vivre la poésie celle qui vient d'en bas plutôt que des directeurs de stations. Les petites gens et les gens en souffrance qui inspirèrent tant Marie Noël.

Sa voix harmonieuse plus que jamais, forte, qui porte en douceur, semble avoir gagné en profondeur, se firent certains la réflexion. Le chanteur chanta un poème de Marie Noël, un de ceux qui peuvent vous faire pleurer et vous troublent définitivement. Avant d'entonner Céline.

Cette vieille, soeur, auxerroise. Aînée.
Une Marie Noël libre et amoureuse. Au piquet.

 

 

Pierre-Jules GAYE

 

 

 

 

Suite du spectacle en hommage à Marie Noël dans le cadre du 50è anniversaire de la disparition du poète Auxerrois. Troisième partie, avec Gérard André, Christelle Loury, jean-Claude Lavergne, Danièle Pangrazi, Jean-Guy Bègue, Alain Grivel, Marie Noël (Ann Grivel) et les chorales

 

 

 

Le final

 

 

Le théâtre municipal d'Auxerre était plein à craquer, samedi soir, pour le spectacle "Mes amies les roses" dédié à la poète Marie Rouget dit Noël dans le cadre de la commémoration nationale du 50è anniversaire de sa mort. La même année que Charles Baudelaire.
Un spectacle inédit aux multiples facettes débuté à 19h15 qui aura duré 4h30. Hugues Aufray, Gérard André, Christelle Loury furent des témoins de proue parmi d'autres personnalités fortes. Organisé par la Société des Sciences de l'Yonne, ce moment unique fut un triomphe.

AUXERRE TV est ravi de vous avoir proposé le spectacle dans son intégralité. Et plus.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Avant le rideau final, minuit approchant, Marie Noël parle encore

 

Jean-Guy Bègue au centre, enlaçe la petite dame d'Auxerre, Marie Noël (Anne Grivel) montée sur scène, sous le regard de la chanteuse icaunaise de Villeneuve-sur-Yonne Christelle Loury (en robe rouge) qui a fait fondre la salle en entonnant "La vie en rose ...Quand tu me prends dans tes bras..." gestuelle comprise,  et ceux de Yannick Petit animateur de la soirée chroniqueur sur RadYonne qui diffusait en direct et Alain Grivel, dont la voix de baryton a enchanté le théâtre

 

À droite Alain Cattagni, président de la société des sciences naturelles et historiques de l'Yonne, remercie Hugues Aufray qui a voulu participer gracieusement à cette soirée commémorative. Alain Cattagni lui a fait visiter la Maison de Marie-Noël toute proche, dans l'après-midi. Il a glissé dans le coffre de la voiture du chanteur poète et compositeur, un flacon du jus de vigne du terroir