Il aimait tout, ce merveilleux passager de la planète. Les femmes, les voyages, la musique, les mots, les baignades, la malice et la gaité. Il aimait tout, et son départ nous laisse sans voix, oui, mais émerveillés devant une vie qui fut tant aimée et célébrée et dont l’amour éperdu est toujours remonté à la surface quelles que soient les malignités du sort. Curieux, enthousiaste, gourmand de toutes les belles et bonnes choses.

Un exemple.

C’est au château de Saint-Fargeau, le berceau maternel – sa mère est une descendante de Le Peletier (qui fut guillotiné pour avoir voulu tuer le roi) -, qu’il s’engage dans les méandres de la lecture, celle des grands auteurs qu’il faut avoir lus, et que son célèbre et magnifique Au plaisir de Dieu plante ses racines, nourri du terrain fertile des fins de fortunes et de mondes auquel il assiste dans sa famille. Et rien ne vous rend plus fort que d’avoir compris et accepté le fait que ce que vous êtes aujourd’hui n’est que provisoire, et que le mieux ou moins bien ne sont que des mesures dérisoires, puisque les épreuves portent aussi leur récompense.

Heureux ceux qui les cueillent.

 

Le château de Saint Fargeau (D.R.)


C’est en 1973 que cet homme de droite qui a beaucoup d’idées de gauche succède à Jules Romain à l’Académie française.

Ce grand monsieur qui parfois ressemblait à un surprenant Jiminy Cricket avec son clin d’œil plein de complicité joyeuse, qui se définissait comme une personne pas optimiste mais gaie, et maniait la phrase lapidaire sans se soucier du politically correct, avait aussi le plaisir de citer Jules Renard. « La punition des paresseux, c’est le succès des autres ». « La fausse modestie, c’est déjà très bien ».

 

Jean d'Ormesson Prix Clara 2015

 

Laissons la douleur acérée de la perte à ses proches, et quant à nous, soyons heureux d’avoir partagé le monde pendant quelques temps avec ce prince des mots plein de charme et de charmes, et ne ternissons pas son image de joyeux impertinent avec des regrets. Nous avons eu la chance de vivre en même temps que lui et de l’avoir apprécié au présent.

 

                                                                                                  Suzanne DEJAER