Claude Leclerc était une figure, oui. Un homme solide, costaud, toujours en mouvement. Souriant, déconnant, généreux, attentif, travailleur, tendre derrière sa faconde dont il ne se départissait pas sauf pour dormir. Il avait la pêche, ce fervent de la marine et admirateur du Général de Gaulle, dont il fut le chauffeur du fils Philippe, pendant son service militaire, dans la Marine.

Né le 15 septembre 1945 à Alfortville dans le Val de Marne, il fut apprenti chez Petit à Sens dans la rue piéton où la poissonnerie faisait recette.

Son père était maréchal-ferrant à Aufferville dans le Loiret. La famille s'installa à Migennes. La grand-mère possédait une boutique de glaces faisant aussi épicerie rue Aristide Briand. L'activité poisson du vendredi se développa avec Claude qui spécialisa le magasin dans la poissonnerie. Il n'hésitait pas à monter à Sens à vélo sous l'oeil de son grand-père qui ne s'est jamais déguisé même à carnaval. L'enseigne devint vite un lieu incontournable dans les années 70. Copains et convivialité furent aussi sa marque et son empreinte.

Claude Leclerc faisait également les marchés de la région et ne ménageait pas sa peine se dépensant sans compter. Deux autres magasins ouvrirent ensuite au centre Leclerc aux Mignottes à Migennes et à Joigny sur les quais, tenu par un de ses deux frères, Christian.

Des années plus tard alors que nombre de poissonniers avaient investi dans des infrastructures adaptées, les nouvelles normes en vigueur les y contraignant, arriva ce que personne n'avait jamais vraiment cru possible. La généralisation des rayons poissonnerie, marchandise fraîche, dans les grandes surfaces, ce qui paraissait impossible à l'époque. Ce phénomène démantela les petits commerces et provoqua des désastres humains, Auxerre peut en témoigner. Seuls ceux qui n'avaient pas investi réussirent à tirer leur épingle du jeu en se contentant des marchés.

Claude Leclerc fut touché, résista et rebondit. Homme de caractère.

Il masquait une humanité et une tendresse rare. À l'aise parmi les humbles, il rendait service en permanence comme si c'était naturel et aidait les gens à s'élever, à grandir. En amitié c'était un fidèle.

 

Moriond et "La Plaine"

 

Le Claude m'a appris à skier sur le tard, la trentaine plus qu'entamée. Il réussit là où le professeur de ski échoua. En une seule leçon, je descendis, en chasse-neige certes, du sommet de Moriond petit village familial à l'époque, au pied de la vallée de Courchevel, jusqu'à la station où le modeste chalet de Fédéric, à côté de la cahute de l'école de ski, était le centre du monde.

Ce fut un moment inoubliable qui reste gravé dans ma mémoire et celle des membres de ma famille. Ça m'a coûté une bière redoublée en terrasse au retour. Ingurgitée en quatre lampées tant j'avais transpiré sur les pistes. Claude était ravi et heureux.

Pédagogue Claude Leclerc ? Peut-être. Mais ça c'était de l'amour, tout simplement. Comme celui qu'il vouait à "La Plaine (lune)", Michel, aujourd'hui disparu, le père de Patrice Lagisquet, ailier avant de devenir entraîneur des arrières de l'équipe de France. Le lendemain midi de sa première sélection en tricolore au Parc des Princes, Claude m'invita par surprise à Appoigny pour déjeuner avec la nouvelle petite merveille du XV de France accompagnée de Mimie sa maman et de son innénarable papa aux cannes de feu. Et au bagoût rugbystique impossible à plaquer.

Claude savait que j'aimais comme un fou les compétitions de l'ovalie inventée par William Webb Ellis, avec un parfait mépris pour les règles du football tel que joué à son époque. Il fut le premier à prendre le ballon dans les bras et courir avec, créant ainsi le caractère distinctif du rugby, selon la légende tenace.

À Maryse son épouse, à Virginie, Emmanuelle et Olivier, ses enfants, à toute la famille et aux proches, je présente mes condoléances émues et attristées.

Salut l'ami.


Pierre-Jules GAYE

 

 

 

Claude Leclerc à Auxerre le 18 novembre 2016, lors de l'animation commerciale "Tulipe nouvelle et Beaujolais nouveau" (Photo Auxerre TV)

 

Claude et Maryse, c'était le bicentenaire de la Révolution

 

 

L'angle de la prise de vue est trompeur : Claude Leclerc était une force de la nature

 

Des étals comme on n'en voit plus. Une autre époque qui témoigne de la générosité et du partage

 

 

Claude dans la boutique familiale à Migennes, une enfance, une destinée