Une telle mobilisation est assez inédite par son ampleur et son caractère intersyndical et interprofessionnel. Mais qu’est-ce qui a pu mettre le monde de la Justice dans un tel émoi ?

Parmi les pays du Conseil de l’Europe, sur le plan budgétaire, la justice française se classe 14ème sur 28 avec 72 euros par habitant et par an, soit deux fois moins qu’en Allemagne (146 euros) et loin du haut du classement où figurent le Royaume-Uni (155 euros) et le Luxembourg (179 euros).

Les effectifs du système judiciaire français comptent 10 juges professionnels pour 100  000 personnes, alors que la moyenne en Europe est de 21 juges pour 100 000 personnes.

Il faut attendre 304 jours en moyenne pour obtenir une décision de justice, contre 19 jours au Danemark.

Pour tenter de répondre à ces difficultés, le gouvernement a donc lancé les « chantiers de la justice » il y a plusieurs mois et a finalement présenté un projet de loi de programmation pour la justice le 9 mars, ce même projet a été transmis au Conseil d’Etat le 21 mars.

Et c’est ce projet de loi qui suscite, aujourd’hu, des critiques quasi-unanimes du monde judiciaire.

Dématérialisation, déshumanisation, contradictions, suppression des tribunaux d'instance fusionnés avec les tribunaux de grande instance, installation de tribunaux criminel pour soulager les cours d'assises, plateformes et algorythmes pour traiter les différents, fixation des pensions alimentaires par les caisses d'allocation familiales...

Les droits de la défense et les libertés publiques seraient largement affaiblis notamment par un élargissement considérable des « interceptions par la voie des communications électroniques » (c’est-à-dire des écoutes téléphoniques), la régression du débat judiciaire devant le Tribunal criminel, la généralisation du juge unique et le recours de plus en plus fréquent à la visio-audience.

Le projet de loi actuel n’est que la partie émergée de l’iceberg de la réforme de la justice  : si les grandes lignes de la réforme sont définies, l’essentiel des mesures qui l’accompagneront seront fixées par décret ou ordonnances, c’est-à-dire sans débat.

Le projet de loi de réforme de la Justice doit être examiné en Conseil des ministres le 11 avril.

 

Maître Béatrice Carlo-Vigouroux, bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau d'Auxerre (DR)