" Voila l'homme que je suis, je ne suis qu'un enfant du désert. Je suis l'enfant de deux cultures, la culture arabo-berbère,qui est la mienne, et la culture occidentale (D.Mokaddem- Press'Papiers Agence)

 

 

En prélude de la 5ème édition du festival international du livre qui aura lieu du 18 au 20 mai 2018 à Auxerre, Mr Yasmina Khadra était l’invité de la librairie indépendante Obliques à Auxerre, pour une première fois le jeudi 10 mai, dans le cadre du Festival Caractères, pour une séance de dédicaces puis une présentation publique, à l’occasion de la sortie de deux livres. Deux livres qui sont un peu à part, car ce sont des romans qui viennent de paraitre.

Le premier est « Ce que le mirage doit à Oasis » écrit par Yasmina Khadra et calligraphié par Lassâd Métoui (Ed.Flammarion,2017).  

Lassaâd Métoui est un immense calligraphe tunisien qui sera présent au festival caractères le samedi 18 mai, à 15h30 pour la masterclass de calligraphie à Auxerre au cellier de l’abbaye St-Germain. Il a collaboré avec les plus grands auteurs comme Yasmina Khadra, Alain Rey, Amélie Nothomb et illustré des livres majeurs (« Le prophète » de Khalil Gibran) et une exposition de ses œuvres est programmée à l’Institut du monde Arabe prochainement.

 

«  Ce que le mirage doit à l’Oasis » est un ouvrage très touchant,  bouleversant, qui sort du romanesque et se dirige plutôt vers le conte.

Le deuxième ouvrage présenté est « Le baiser et la morsure » aux éditions Bayard - L’atelier de l’enfance - est une série d’entretiens avec Catherine Lalanne. Catherine Lalanne est rédactrice en chef à l’hebdomadaire  Pèlerin. Elle a publié, dans la même collection, un livre d’entretiens avec l’écrivain Eric-Emmanuel Schmitt : « Plus tard, je serai un enfant »

Dans ces deux ouvrages, Yasmina Khadra revient sur des passages de sa vie depuis son début, de cette naissance dans le désert.

« Ce que le mirage doit à l’oasis » est une évocation du désert qui commence où Y.K apparait dans un petit village du Sahara algérien Kenadsa.

 


M. Khadra fait part d’ une anecdote en préambule de sa présentation publique dans le secteur piétonnier du quartier horloge au cœur du bas des marches de l’hôtel de ville d’Auxerre. Avant tout , Mr Khadra tient à souligner que l’équipe de football de l’AJA Auxerre a été l’équipe préférée des algériens pendant très longtemps en raisons de deux joueurs algériens de figure internationale qui jouaient dans cette merveilleuse équipe et «  on était toujours fiers de voir les nôtres qui donnaient un peu de leur générosité et de leurs talents sous d’autres cieux » affirme-t-il avec la ferveur déclamée d’un supporter enjoué.

Mais pour revenir à ce travail d’écriture, ceux-ci sont des livres qu’il n’avait jamais envisagé d’écrire.


 

Comment vous-il venu l’écriture de ces  deux livres Mr Khadra ?

 

«  Je suis quelqu’un qui est beaucoup plus l’auteur de sa propre inspiration que à la disposition d’une quelconque commande. Mais avec Lassaâd, que je connais depuis une dizaine d’années, c’est un personnage fantastique, merveilleux et il est entier, j’aime ce qu’il a d’essentiel, c’est un débat de sincérité. C’est quelqu’un qui n’a pas de masque, qui est lui-même et il m’avait demandé de faire un travail il y a une dizaine d’années avec lui et j’ai toujours par politesse reporté ce projet là jusqu’en cette année 2017. J’avais décidé de faire la grève de la publication et là, il a profité justement de ce blanc là pour mettre en valeur son travail fantastique de calligraphe et de peintre. »

Pour l’autre ouvrage, c’est un livre d’entretiens. «  Là aussi, je suis quelqu’un qui n’arrive pas à dire non.

« Quand Catherine Lalanne m’avait demandé de faire ce livre d’entretiens après celui écrit avec l’écrivain Eric-Emmanuel Schmitt « Plus tard, je serai un enfant », elle voulait lancer un atelier d’écriture de l’enfance chez Bayard, j’ai essayé de me défiler mais c’était pas possible, elle revenait sans cesse et comme je ne sais pas dire non aux femmes qui insistent, alors  je lui ai dit oui »,  confie-t-il avec tendresse et humour à son public auxerrois épris, d’un rire complice avec l’auteur.

« Mais attention, nous dit Y.K , ce n’est pas seulement un livre d’entretiens, c’est surtout un livre d’évocation. Je n’ai pas essayé d’être dans la cuistrerie ou dans le pédantisme. J’ai essayé d’être dans la sincérité et ce livre « le baiser et la morsure », je l’ai écrit comme un roman ; c’est-à-dire que quand vous vous baladez à travers mes tribulations, à travers mes rêves, à travers mes défaites, mes échecs, ma solitude, vous êtes quelque part dans mon roman à moi, c’est-à-dire d’où sont nées toutes les fictions que j’ai proposé aux lecteurs . Donc, finalement j’ai trouvé qu’elle avait fini par me convaincre parce que quand même je suis quelqu’un qui est resté  une sorte de nébuleuse mais pas pour enténébrer les gens.  Vous savez à Paris, c’est très difficile de ne pas être dans les réseaux et de ne pas être dans les lobbys, moi je suis un peu dans ma bulle, je n’aime pas beaucoup être embrigadé. Et donc, depuis dix-huit ans, on a raconté n’importe quoi sur moi, vraiment des choses insensées. Et, j’ai trouvé que le fait de me raconter aujourd’hui, c’est une manière aussi de rassurer un peu mon lectorat. »

 

Mr Khadra, qui êtes vous et en quoi consiste votre travail d’écrivain ?

 

« Nous vivons une époque où le mensonge est devenu roi. Nous sommes dans un monde d’illusionnistes. Il y a des gens qui viennent nous montrer un canasson  et qui disent ça : c’est une licorne et on y croit !!! Et ils sont capable de faire de n’importe qui ce qu’ils veulent et on m’a trainé vraiment très longtemps dans des endroits où je suis incapable de figurer et j’ai été solide pour dire : voila l’homme que je suis, je ne suis qu’un enfant du désert qui a eu la chance d’avoir un petit don qui s’appelle écrire et qui essaie de partager parce que pour moi la littérature c’est une espèce de sonde que je lance dans le cosmos humain en quête d’échos. Et quand il y a un écho, c’est qu’il y a la vie, il y a aussi le rêve, il ya la possibilité de partager  et de s’entendre. Tout mon travail consiste justement à me prouver à moi d’abord que l’humanité est attentive à toutes les générosités de la terre et que l’on soit japonais, ou que l’on soit chinois, ou que l’on soit asiatique ou de l’Amérique latino-africain, quand on est face à l’émotion, on réagit en tant qu’être humain et il faut rester dans l’émotion. Voila tout mon travail d’écrivain consiste justement à faire prévaloir l’émotion.»

 

Pourquoi écrivez vous Mr Khadra ?

 

« C’est vrai que l’époque est très dangereuse, c’est une époque cauchemardesque ; elle ne nous mérite pas cette époque parce que quand on interroge l’humanité, c’est quand même une aventure extraordinaire à travers tous les cataclysmes, à travers tous les désastres, à travers toutes les guerres… Et pourtant, nous sommes toujours là, friands de rêves …On est prêt à l’émerveillement, donc j’écris pour essayer de garder cette part d’humanité qui est en nous.»

Et c’est vrai que dans ce livre d’entretiens écrit avec la journaliste Catherinne Lalanne,  Yasmina Khadra révèle un véritable parcours d’émotions qui est le sien propre.

Ce livre est souvent bouleversant car la vie de l’auteur y est retracée par différents jalons existentiels dans des chapitres allant de : « Le fils d’une lignée de poètes », « Le cadet et l’écrivain », L’héritier d’un islam fraternel ou bien entre autres cet album de treize photos qui sillonnent et montrent des phases successives de la vie de l’auteur soit dans le désert enfant à Kenadsa en 1956. L’enfant choyé ou bien de cette photographie en 2015 à Oran avec sa mère, dans la maison que l’écrivain lui a fait construire (photo capturée par son épouse Amal pour montrer cet instant de bonheur).

Dans ce livre d’entretiens fantastiquement bien écrit, Mohamed Moulessehoul, de son véritable patronyme (qui signifie « le maître des plaines »), le lecteur pourra apprendre que les Moulessehoul sont les descendants des Doui Menia, «  une lignée de pionniers qui s’est implantée au XIIIème siècle dans la Saoura, au nord-ouest du Sahara algérien » et plus loin d’évoquer «  La Saoura fut un carrefour de civilisations, une terre de rencontres et de partage, avec des havres de paix et d’ascèse où apprenaient à se reconstruire les consciences ».

Puis un peu plus loin, l’auteur nous transmet les origines généalogiques de sa tribu des Doui Menia : « lignée d’érudits réunissant poètes, philosophes, mathématiciens et théologiens, les Doui Menia ont beaucoup contribué à la diffusion du savoir….Leur confrérie avait formé d’éminents savants et des patriarches venus de la Mauritanie, du Mali, du Niger, du Tell … »

 

C’est quoi Mr Khadra la civilisation ?

 

Yasmina Khadra confiera à ce public auxerrois venu l’écouter dans une configuration siégée en arc de cercle et  face à l’hôtel de ville d’Auxerre dans le continuum de la librairie Obliques, qu’il détient «  une chance inouie à savoir qu’il « est l’enfant de deux cultures, la culture arabo-berbère, qui est la mienne, et la culture occidentale. Et cette alchimie là m’autorise à croire que je suis capable de comprendre les uns et les autres. Donc, quand je vais au Moyen-Orient, par exemple, je parle de l’occident. Je leur pose la question de savoir : qu’est-ce que l’Occident ?et les gens me regardent avec de grands yeux , je dis l’Occident c’est l’Orient d’en face, c’est tout. Et l’Orient, c’est l’Occident d’en face. Nous sommes tous les mêmes. Certes, nous avons des problèmes de communication, on ne sait pas se parler, nous avons des cultures, des mentalités différentes mais nous sommes tous les enfants d’une même civilisation. C’est pour ça que je suis outré d’entendre certains parler de choc de civilisations. La civilisation, c’est l’être humain. La civilisation, c’est la trajectoire de l’homme à travers les âges, ce qu’il a donné, ce qu’il a pu faire pour enrichir d’autres et ainsi de suite….Nous sommes tous les enfants des  pharaons, les enfants d’Irak préhistoriques, nous sommes les enfants des troglodytes ,nous sommes les fossoyeurs dans nos rêves et nous sommes les bâtisseurs de nos rêves donc c’est à nous que revient le choix de faire de notre vie ce que nous voulons en faire. »

 

Propos et entretiens recueillis par Merouan MOKADDEM

 

 

 

Le programme du Festival Caractères

 

 

Vendredi 18 mai

18 heures. Inauguration et remise du prix des Petits Caractères (cloître).
18h30. Rencontre avec Eric Plamondon (grande salle).

Samedi 19 mai

11 heures. Le brunch des auteurs (cloître).
14 heures. Rencontre avec l’auteur mexicain David Toscana (grande salle).
14 h 30. Table-ronde autour des Amérindiens au Québec, avec Eric Plamondon et Marie-Hélène Fraïssé (bibliothèque Jacques-Lacarrière).
15 h 30. Masterclass de calligraphie avec Lassaâd Métoui (cellier).
17 heures. Rencontre avec l’auteure coréenne Gong Ji-young (grande salle).
17 heures. Projection du documentaire Québékoisie (cellier).
19 heures. Projection du documentaire Dans ses yeux (grande salle).

Dimanche 20 mai

11 heures. Le brunch des traductrices (cloître).
14 heures. Rencontre avec le Français David Wahl (cellier).
15 heures. Rencontre avec l’écrivaine japonaise Ogawa Ito (grande salle)
16 h 30. Rencontre avec l’auteur argentin Eduardo Sacheri (Grande salle).
16 h 30. Projection du documentaire Québékoisie (cellier).

 

EN SAVOIR PLUS .-  www.festival-caracteres.fr.