Franchement, le pari était insensé de demander à Anne Muxel, chercheuse au CNRS (*), sociologue appréciée dans le terroir icaunais où elle a tourné deux films sur l'apprentissage et le vote familial, familière des Entretiens d'Auxerre, de venir de Paris par le train rendre compte de son livre-enquête, en la confinant d'entrée sur les mots clés de la polémique qu'a suscité la publication des résutlats de l'enquête dans le livre intitulé "La tentation radicale" aux éditions PUF.

Une enquête auprès des lycéens âgés de 14 à 16 ans, menée par une équipe du CNRS, sous la direction de deux sociologues confirmés, Olivier Galland et Anne Muxel.

L’idée d’une montée de la radicalité au sein de la jeunesse française, avec pour corollaire une certaine banalisation de la violence, méritait d’être examinée. Certes, les passages à l’acte violent ne concernent qu’une petite minorité assez bien étudiée et identifiée. Mais on ne sait en revanche que peu de choses sur le degré d’acceptabilité de la violence aux yeux du plus grand nombre. Quels sont les segments de la jeunesse les plus concernés par la radicalité ? Peut-on observer un lien entre la radicalité politique et la radicalité religieuse ? Comment les jeunes réagissent-ils aux attentats et au terrorisme ?

Vaste sujet.

Mais Anne Muxel objectivement sur la défensive, a cru devoir répondre de manière très détaillée aux questions d'un professeur du collège Bienvenu-Martin délégué par le Cercle Condorcet à la tribune pour rendre plus accessible et vivante la conférence menée finalement à "deux voix" en écho. Le mieux est parfois l'ennemi du bien. À trop vouloir bien faire on se perd parfois.

Réponses longues sur la méthodologie contestée et objet de polémiques dès la sortie du livre, menée notamment par Jean Baubérot, professeur émérite de la chaire « Histoire et sociologie de la laïcité » à l’Ecole pratique des Hautes Etudes.

 

De l'hébreu moderne

 

Tout en se défendant de vouloir s'étendre sur ces questions sémantiques notamment ( l'absolutisme religieux, la radicalité de contestation et celle de rupture entre autres, radicalité religieuses et radicalité politique ) aux dépens du fond du sujet et de l'enquête, la sociologue spécialisée dans l'étude du rôle de la mémoire et de la transmission intergénérationnelle des attitudes et comportements, a été victime de la tentation de vouloir répondre en détail à ses détracteurs, qu'elle n'a pas hésité à taxer de "malhonnêteté intellectuelle", via l'assistance, par souci de transparence et pour épouser au plus près la réalité. Sauf que peu ou personne n'était au courant de ces joutes universitaires d'officines, et assez incompréhensibles à ceux qui ont suivi l'affaire. De l'hébreu moderne.

Le dérapage était inévitable ce qui fait que le fond du sujet est apparu par intermittence, confusément, pour celles et ceux qui ont réussi à suivre le débat dans une salle à l'accoustique terrifiante.

Le débat fut plus éclairant, quitte à sortir parfois du sujet, une véritable respiration offerte par un syndicaliste lycéen. Il permit à Anne Muxel d'exprimer son point de vue sur la réforme de l'Université, un point de vue qui se veut modéré. Compte tenu de la situation actuelle : 1 étudiant sur 2 échoue en première année de fac et puis rien derrière, le tirage au sort étant le pire des systèmes. Un tiers des jeunes, oui 1/3, n'obtiennent pas le bac et rien n'est fait pour eux.

Il reste que le propos de l'enquête est passionnant et que des réalités chiffrées montrent des pistes de réflexion insoupçonnées qui alimentent le travail des spécialistes chercheurs. Il n'est pas sûr que les profanes puissent vraiment en tirer profit. 

Même si comme l'affirmait Nicolas de Condorcet, l’humanité se dirige irrésistiblement vers un destin radieux éclairé par la raison grâce à l’éducation et aux découvertes scientifiques, le chemin est encore long.

Les expliquer pour les partager implique, plus que jamais, de la pédagogie.

 

Pierre-Jules GAYE

 

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(*) Directrice de recherche au CNRS en science politique au CEVIPOF, centre de recherches de la Fondation nationale des sciences politiques. Ses travaux en sociologie politique se concentrent sur la compréhension des relations entre les individus et la politique : analyse du comportement électoral, nouvelles formes d’expression et de participation à la vie politique, par exemple significations de l’abstention.

 

VIDEO à suivre

 

Anne Muxel, mercredi soir, salle Vaulabelle à Auxerre (DR)

 

 

EN SAVOIR PLUS SUR LA POLÉMIQUE

 

Les oeillères de la Tentation radicale

 

Une enquête défectueuse selon Jean Baubérot

 

 

Anne Muxel, directrice de recherche au CNRS en science politique au CEVIPOF (DR)