Né à Leipzig en Allemagne, il s’installe dès 1935 à Paris afin d’être au centre de la création artistique la plus avant-gardiste, et développe un art abstrait gestuel. Mais sa situation précaire, son exil, ne lui permettent pas de vivre sereinement.

Acculé par la déclaration de guerre, il s’engage dans la Légion étrangère française en 1939, se cache en zone libre, fuit ensuite en Espagne, et se réengage en 1944 pour combattre le nazisme. Brancardier, il est envoyé sur le front et blessé au cours de la bataille de Belfort, alors qu’il portait secours à un camarade. Il est amputé, ce qui affecte profondément son identité : il doit non seulement apprendre à vivre avec son handicap, mais il doit aussi apprendre à peindre avec un corps mutilé.

 

 

Hans Hartung légionnaire, Sidi-bel-Abbès 1950 - D.R.

 

 

L’exposition au musée Zervos se propose donc de retracer ces années de guerre pour Hartung, tant du côté de sa production artistique que de celui de son quotidien.

Les œuvres exposées s’inscrivent pour une part dans la continuité de ses productions des années 1930 : on y décèle le geste caractéristique de l’artiste, fait de formes abstraites aux vifs contours noirs et d’aplats colorés vaporeux. Mais ces années sont aussi marquées par l’expérimentation d’un étonnant vocabulaire figuratif, qu’il s’agisse de la série des « Têtes », ces visages apeurés faisant écho au célèbre Guernica de Picasso, ou de ses constructions biomorphiques et presque sculpturales marquées par la rencontre et la collaboration avec le célèbre sculpteur Julio González.

Ainsi, et malgré la pénurie et les nombreux déplacements qu’il doit effectuer par sa position de légionnaire et de fugitif, Hartung continue d’innover.

Un important ensemble de documents d’époque et de photographies issus des archives personnelles de l’artiste est également présenté en vis-à-vis des œuvres, ce qui permet d’appréhender à la fois ses années de clandestinité en zone libre auprès de son épouse Roberta González, son expérience concentrationnaire en Espagne, son engagement dans l’armée et ses échanges avec les États-Unis.

 

 

 

Enfin, cette exposition est l’occasion d’évoquer l’estime réciproque entretenue entre Hans Hartung et Christian Zervos. Leur relation jalonne ainsi l’exposition, de leur rencontre en 1935 à la reproduction d’une œuvre de Hartung dans la revue Cahiers d’Art dirigée par Zervos en 1952, montrant la continuité dans la pratique de l’artiste rendue possible par le soutien de ses plus fidèles amis.

 

Hartung dans les cahiers de l’Art 1931 – 1952

 

Avant de devenir un artiste incontournable après la seconde guerre mondiale, Hans Hartung n’a pas été beaucoup suivi, soutenu, commenté ni reproduit dans les années 1930. Chacun de ses alliés a donc été, à sa manière, un visionnaire.

Et ce n’est pas un hasard s’ils étaient tous appelés à devenir des références comme historiens, critiques et collectionneurs au XXe siècle : entre autres, Will Grohmann en Allemagne, Albert Eugene Gallatin et James Johnson Sweeney aux États-Unis et, en France, Christian Zervos. En plus d’avoir exposé Hartung et de l’avoir intégré dans des réseaux parisiens, Zervos a montré son œuvre dans la très prestigieuse revue qu’il dirigeait, Cahiers d’art, dont le peintre était en outre un lecteur attentif.

En 1938 dans le numéro 1-2 consacré à l’état de l’art en Allemagne, en Angleterre et aux États-Unis, les propos de Will Grohmann sont illustrés par T1931-2, une œuvre de 1931 parmi celles qui ont marqué le retour de Hartung à l’abstraction. Plus tard, T1951-2 qui était une des peintures favorites de Hartung, sera quant à elle présente dans un numéro de 1952 des Cahiers d’art. Les deux pièces signées à vingt ans d’écart, avant et après la guerre, démontrent la continuité dans la pratique de l’artiste rendue possible par le soutien de ses plus fidèles amis.

 

Hans Hartung - Gouache sur papier -Sans titre 1940 (D.R.)

 

Hans Hartung 1942 Huile sur papier contrecollé sur carte (D.R.)