Pierre Camou s'éteint au moment où le rugby tricolore souffre d'une triple crise : d'identité, de croissance et de confiance. la totale. Le contraste entre ce qu'était l'homme et la situation actuelle est saisissant et paradoxal.

Seul sport collectif de combat, le rugby français, au moins celui pratiqué dans le Top 14, n’est plus tout à fait reconnu par les siens, qui commencent à lui trouver sacrément des airs de football américain.

Pierre Albaladejo, ouvreur historique du XV de France, a manifesté voilà quelque temps son affolement face à une discipline émaillée désormais de collisions multiples et dangereuses, alors que l’évitement de l’adversaire par le biais de la feinte est devenu une option secondaire.

«Plus ce jeu est dur, plus il y a de sang et plus il y a de monde dans les tribunes, a-t-il reconnu. On revient aux jeux du cirque romain. Les matches sont d’une violence inouïe. Les fous arrivent de tous côtés dans les rucks. Et ça me rend malade. A mon époque, nous avions des salauds dans chaque équipe. On le savait. Mais ça rendait souvent service à l’arbitre quand des mêlées s’effondraient une ou deux fois. Elles ne s’effondraient pas trois fois… Quelqu’un réglait le problème. Aujourd’hui, c’est différent : les chocs sont telluriques. On voit que les mecs visent les genoux de leurs adversaires. Sciemment

Voilà pour le cadre. On n'évoquera pas les résultats sur le plan sportif, assez désastreux depuis au moins cinq ans.

Joueur au poste de pilier et fondateur en 1963, puis président, de l'US Garazi (club de Saint-Jean-Pied-de-Port, devenu l'US Nafarroa), Pierrre Camou était à l'origine banquier. Il a fait gravi les échelons un à un dans les instances du rugby français, dans les Landes et au plan national.

Membre du bureau de la FFR, puis trésorier adjoint et enfin vice-président de 2000 à 2008 avant de succéder à Bernard Lapasset à la présidence de la FFR, de 2008 à 2016, il fut nommé président de l'International Rugby Board (IRB).

A la tête de la FFR Pierre Camou avait notamment initié la candidature de la France pour l'organisation du Mondial 2023, qu'elle a obtenue en novembre dernier.

L'ancien patron du rugby français parti en terre promise à quelques jours de son 73ème anniversaire aura fait beaucoup pour le rugby féminin, le rugby à 7. C'est lui qui aura eu l'idée de créer un seul et unique pôle à Marcoussis pour toutes les équipes de France.

Pierre Camou n'a pas réussi à imposer au sein de sa Fédération l'idée de la construction d'un grand stade de rugby, en banlieue parisienne, près d'Evry. Il a été battu en décembre 2016 par l'actuel président, Bernard Laporte.

"Il avait ces deux facettes, à la fois développer le rugby au plan international, mais aussi faire durer le rugby village. Pour lui, le rugby était un sport éminemment éducatif avec des valeurs de solidarité, de fair-play et de convivialité, de courage..." explique un proche, Max Godemet.

Pierre Camou c'était une voix forte et rocailleuse. Un regard bleu, espiègle. Un personnage qui ne laissait personne indifférent. Il était surtout lui-même. Cela transpire dans la video d'Auxerre TV lors de sa venue à Auxerre fin janvier 2016, au stade Pierre-Bouillot. Il attirait les hommes comme des mouches, non pas le président mais l'homme, en ce qu'il dégageait.

Un homme rare, humble, déterminé, porteurs de valeurs. Celles qui manquent cruellement aujourd'hui.

Il a aplati définitivement en terre promise à tous.

Il reste à transformer l'essai.

 

Pierre-Jules GAYE

 

 

Pierre Camou à Pierre-Bouillot Auxerre (DR)