C'est dans la bruine et sous la pluie fine qu'a été inaugurée la nouvelle stèle dédiée aux martyrs de Fouronnes, une cérémonie orchestrée par le capitaine Daniel Dufour (DR)

 

 

 

 

Une route étroite et sinueuse entre Fouronnes et Fontenay-sous-Fouronnes. Qui serpente entre plateaux de Forterre et forêt domaniale.

On roule et soudain les charmilles qui forment un tunnel vert. En cet été torride, ce jour, le ciel s'est obscurci et a ouvert çi et là les vannes, la pluie tombait comme des larmes retenues.

Les voitures bordent la route en longueur d'un seul côté. Les gendarmes bloquent. Il faut descendre et cheminer à pied.

À Fouronnes en venant de Courson-les-Carrières, un panneau au milieu de la chaussée indique "Route barrée". La déviation envoie à droite sur le plateau par une route gravillonnée, longue comme un jour sans pain direction Mailly-le-Château.

Après une boucle et une incursion dans la forêt domaniale à perte de vue, Fontenay-sous-Fouronnes apparaît vaguement en bas.

Ici, la route barrée est ouverte aux participants de la cérémonie d'inauguration de la stèle dédiée aux dix martyrs de la Résistance abattus comme des lapins dans une colonne allemande sur cette route. Leur chef était parti à Auxerre négocier la reddition avec le commandement américain. Lui aussi on lui a tiré dans le dos.

On marche, seul, vers l'attroupement diffus que l'on perçoit dans la bruine au loin un peu plus haut. Les parapluies sont sortis. Une voix nazillarde perce le silence des bois, étouffée par la densité des arbres. Personne ne bouge, la haie des porte-drapeaux ne bronche pas. Devant en rang, les officiels autorités civiles et militaires, le secrétaire d'État auprès des ministres de l'Europe et des Affaires Étrangères, la sénatrice, le député, le maire de Fouronnes, le président de la Communauté de communes, le conseiller départemental, et puis le député du sud dans la foule, invité à avancer au premier rang.

La fanfare Coursonnaise, obsurcie, comme dissimulée sur les franges du maquis, est positionnée en surplomb dans le bois, au-dessus de la stèle. Un halo pénètre et les idées divaguent se faufilant dans le temps oublié d'un été 44 pas comme les autres. On regarde bien; non ce ne sont pas des armes que portent les musiciens, mais des instruments de musique. Le chant des partisans fera frissonner les échines. On les voit soudain dans la brume les dix martyrs marcher les mains sur la tête en queue de colonne sur cette route au milieu de la forêt. Et puis les tirs qui fusent, des corps qui tombent d'autres qui tentent de s'enfuir dans les bois. Et sont fauchés dans le mouvement.

Les discours ne sont pas de mise sinon comme des incantations devant l'absurde pour une génération qui n'a pas connu la guerre, des prières non exaucées car la tragédie a bien eu lieu. Pourtant, chaque intervenant, la sénatrice Dominique Vérien, le député Guillaume Larrivé, le Secrétaire d'État Jean-Baptiste Lemoine, Thomas Monarchi-Comte retraçant de manière crue le déroulement des faits (*) ; réussit à mettre le doigt sur le sens de l'histoire dans l'Histoire. On ne peut pas revenir en arrière. Voilà pourquoi le devoir de mémoire s'impose.

C'est dans un grand silence que prit fin la cérémonie ou plus exactement, le recueil devant le souvenir sur les lieux mêmes de la tragédie.

 

Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines?

Ami, si tu tombes un ami sort de l´ombre à ta place.
Demain du sang noir sèchera au grand soleil sur les routes.
Chantez, compagnons, dans la nuit la liberté nous écoute...

 

Pierre-Jules GAYE

 

 

Devant la stèle. Thomas Monarchi-Comte, membre du Souvenir français et jeune transmetteur de valeurs, a relaté le déroulement de la tragédie, trois jeunes symbolisant la République et la France, et Thomas René petit fils de René René une des 10 victimes, enfant de l'assistance publique, mort pour la France (DR)

 

 

__________________________ RÉCIT, Le Drame de Fouronnes

par Claude Delasselle

 

Le 25 août 1944, lendemain de la libération d’Auxerre, un drame se déroula à Fouronnes en Forterre, petit village situé à une vingtaine de km au sud d’Auxerre, entre Courson-les-Carrières et Mailly-le-Château.

Une colonne allemande en repli, d’environ 400 hommes et fortement armée, stationnait depuis quelque temps dans un bois, sur une hauteur à 2 km de Fouronnes. Des maquisards allèrent à leur rencontre et les invitèrent à se rendre. 

À une dizaine de km de là, le docteur Henri Sillas (lieutenant « Dupont »), le chef du petit maquis « Mado » (13e compagnie FFI), récemment formé dans la région de Vermenton, patrouillait dans la région avec une partie de ses hommes. Averti de la présence de la colonne allemande à Fouronnes, il décida de s’y rendre dans l’espoir d’obtenir sa reddition. Ayant pris contact avec le capitaine Weber, qui commandait le groupe allemand, celui-ci accepta effectivement de se rendre mais exigea que ce soit seulement aux forces américaines.

Le docteur Sillas proposa alors de l’emmener à Auxerre pour négocier sa reddition et partit en fin d’après-midi en voiture en direction d’Auxerre, accompagné d’un de ses lieutenants, du capitaine Weber et de deux lieutenants allemands. Pendant ce temps, désobéissant aux ordres formels donnés auparavant par leur chef, une trentaine de membres du maquis « Mado » étaient arrivés en camions à Fouronnes et s’étaient regroupés à quelques centaines de mètres de la colonne allemande.
Peu après le départ de la voiture des parlementaires, le lieutenant Kiesel, qui commandait la colonne allemande en l’absence de son chef, fut renseigné par une estafette sur le faible nombre et l’inexpérience manifeste des résistants restés sur place. Il harangua ses hommes, les persuada de ne pas se rendre et fit démarrer sa colonne, qui désarma sans difficulté les résistants qui n’avaient pris aucun dispositif de combat. Les prisonniers furent placés en queue de colonne, les mains sur la tête, encadrés par des soldats allemands armés et tenus en respect par une mitrailleuse placée sur le dernier camion.

Le convoi traversa vers 19 heures le village de Fouronnes, où les soldats allemands détruisirent à la grenade les camions qui avaient amené les résistants, et continua sa route. Environ 800 mètres plus loin, sur la route menant à Fontenay-sous-Fouronnes, des coups de feu (sans doute tirés par des Allemands en tête de colonne) retentirent soudain. Aussitôt les soldats encadrant les prisonniers se précipitèrent dans les fossés tandis que la mitrailleuse commençait à tirer à bout portant sur les prisonniers. Une partie d’entre eux réussirent à s’échapper en bondissant dans les bois voisins mais beaucoup furent tués immédiatement ou blessés plus ou moins gravement. Tandis que le convoi allemand continuait sa route et disparaissait dans le tournant suivant, les rescapés et les blessés les moins atteints se cachèrent dans les bois voisins. Des habitants du village, alertés par les tirs, vinrent à la nuit tombante et, aidés par les résistants indemnes, transportèrent morts et blessés au village. Les neuf morts furent déposés dans une chapelle ardente à l’église de Fouronnes, tandis qu’une infirmière, Mme Clootens, et l’institutrice, Mme Poux, donnaient les premiers soins aux nombreux blessés. Les quatre blessés les plus graves furent transportés à l’hôpital d’Auxerre, où l’un d’eux, Henri Gaucher, décéda peu après.
Quelques heures plus tard, le lieutenant « Dupont », de retour d’Auxerre avec les trois officiers allemands, découvrit avec stupeur le désastre survenu en son absence et qui le touchait personnellement puisqu’un des morts, André Leroussaud, était le frère de son épouse
.

Le drame de Fouronnes, survenu alors qu’une bonne partie de l’Yonne était déjà libérée, provoqua la consternation dans la population du département.

Les obsèques des dix morts de Fouronnes eurent lieu le 29 août à la cathédrale d’Auxerre et furent suivies par une foule imposante.
Après la guerre, le lieutenant Kiesel et l’un de ses adjoints furent inculpés de crime de guerre par le tribunal militaire de Lyon mais bénéficièrent d’une ordonnance de non-lieu, rendue le 17 août1950, pour n’avoir pas été « formellement et suffisamment identifiés » par les témoins de cet événement.

Les dix morts, dont les noms furent gravés sur le monument édifié sur les lieux du drame, sont Georges Berson, Jacques Catric, André Dussault, Henri Gaucher, René Lafrance, André Leroussaud, Marius Mangin, Jacques Marc, René Martin et René René. 

 

Claude Delasselle, notice Le drame de Fouronnes

 

### SOURCES : Témoignages écrits de Marcel Giot, Robert Faucon et Roger Morin. Témoignages oraux de Jacques Direz, Jacques Mory, Raymond Sauvage. — Robert Bailly, La Croix de Saint-André, Éd. ANACR-Yonne, 1983, pages 297 à 301. CDrom La Résistance dans l’Yonne, ARORY-AERI, 2004 (Claude Delasselle, notice Le drame de Fouronnes).

 

 

 André Villiers, Guillaume Larrivé, députés, et Jean-Baptiste Lemoine, secrétaire d'État auprès des ministres de l'Europe et des Affaires Étrangères (DR)

 

André Villiers, sans visa, oeuvre pour que le conducteur impliqué dans un accident mortel à la sortie d'Auxerre cet été, puisse récupérer son permis de conduire retiré à titre conservatoire. Il semble que le jeune homme n'est pas responsable de l'accident. Il travaille à la boulangerie de Vézelay et est très pénalisé sans voiture. Double peine (Dr)

 

Au fond à droite à côté du ministre, le maire de Fouronnes, Luc Jacquet (DR)

 

La fanfare du Coursonnais en surplomb dans le bois (DR)

 

Un moment d'émotion étreint la sénatrice

 


Devant la stèle : M. Bonnefond en avant plan, Mme Vérien, MM. Larrivé, Jacquet, Lemoine ... Villiers à l'avant plan

 

 

Le texte lu par Thomas Monarchi

pour le Souvenir Français

 

 

### Nous sommes le 25 août 1944, sur la commune de Fourones, au lendemain de la Libération d’Auxerre.

La terreur habituelle de la Seconde guerre mondiale continue de semer, destructions, larmes, mort et sang. La barbarie nazie va s’abattre sur un groupe de résistants du réseau « Mado » proche de Vermenton : 10 hommes, 10 maquisards vont être assassinés par un groupe de soldats allemands en retraite face à l’avancée des alliés prenant en tenaille sur les fronts ouest, est et sud les armées allemandes sur notre territoire.

Que s’est-il passé dans cette forêt entre les communes de Fouronnes et Fontenay-sous-Fouronnes, lors du retrait des troupes nazies ?

Les documents nous renseignent sur le drame qui s’est déroulé ce 25 août 1944, et en particulier le rapport du gendarme Marcel Goux, de la brigade de gendarmerie de Coulange-la-Vineuse, venu établir son macabre rapport sur je cite : « l’odieux assassinat de Fouronnes. »

Ce que l’histoire retient, ce sont les faits suivants : une colonne de l’armée allemande composée de 400 hommes, dont des soldats SS, bat en retraite et s’est arrêtée dans les environs de Fouronnes.

Cette présence de l’ennemi va provoquer panique et crainte parmi la population craignant des représailles. Les arrestations, les massacres des civils et de maquisards, les tortures sont dans tous les esprits. N’oublions pas les massacres avec les pendus de Tulle le 9 juin 1944 et celui du 10 juin 1944 à Oradour sur Glane.

Les Résistants du petit réseau FFI « Mado », formé dans la région de Vermenton sont informés de la présence de troupes allemandes dans les environs de Fouronnes.

Ils se rendent armés sur les lieux avec précaution. Ils sont une quarantaine face à un groupe imposant, 10 fois plus nombreux, mais aux abois. Ils espèrent obtenir leur reddition.

Le commandant allemand Weber explique au chef du groupe – le docteur Henri Silas – (connu comme le lieutenant Dupont) qu’il ne se rendra qu’aux troupes américaines qui se trouvent à Auxerre.

Un convoi est organisé pour s’y rendre et négocier cette reddition.

Sur place, la troupe allemande est sous les ordres du lieutenant Kaisen qui n’accepte pas la reddition.

Il incite ses hommes à se montrer plus déterminés face aux quelques Résistants présents, qu’il juge peu expérimentés.

D'abord, les maquisards sont désarmés afin qu’ils n’offrent aucune opposition.

Ensuite, ils sont placés comme prisonniers avec les mains sur la tête dans les derniers rangs de la colonne, qui se déplace, encadrés par des soldats allemands et tenus en respect par une mitrailleuse placée dans le dernier camion.

Enfin, le silence des bois est déchiré par le bruit des mitrailleuses, tirant à bout portant sur les résistants présents. Voyant cela, certains tentent de s’échapper vers les bois proches, certains sont blessés dans leur fuite.

Mais d’autres ne peuvent se défendre : ils sont dix au sol : 9 fauchés sur le coup, 1 autre décédera de ses blessures quelques heures plus tard, à la Mairie de Fouronnes.

La sinistre colonne poursuit sa route, laissant derrière elle la désolation et la mort.

Au départ des soldats, la population qui a entendu les tirs nourris des mitrailleuses, comprend qu’un drame horrible vient de se produire sur son sol. Des enfants de 11 ans comme René Jacquet à l’époque, étaient aux champs à quelques mètres du drame. Les gamins courent au village avertir la population.

Les villageois s’approchent des lieux ; découvrent l’atrocité, les morts. Ils tentent de porter secours, portent les blessés à la mairie de Fouronnes. Les témoignages parlent d’une douzaine d’hommes, mutilés par des balles explosives, qui seront évacués sur l'hôpital d'Auxerre.
Quant aux morts, ils seront portés et alignés dans l'église de cette commune.

La stèle que nous avons devant nous, porte les noms de ceux qui furent assassinés sauvagement, les Dix maquisards, morts en martyrs face à la barbarie nazie.

Elle porte aussi l’honneur de ceux qui osèrent dire non, qui osèrent grâce à leur abnégation défendre les valeurs profondes de la France combattante : à savoir l’honneur, la patrie et la liberté.

La stèle des « Martyrs de la Résistance » rappelle à chacun de nous tous, pour aujourd’hui et pour demain, pour les jeunes générations, notre devoir de citoyen et de citoyenne, celui de ne jamais oublier que leur sacrifice n’a pas été vain afin de bâtir une Europe solidaire de paix, de tolérance et de fraternité.

 

Une cérémonie parfaitement orchestrée par le capitaine Daniel Dufour(DR)