SOCIETE
Le soutien aux réfugiés d’Appoigny du Prahda
le mardi 02 octobre 2018, 07:33 - SOCIETE - Lien permanent
Le collectif pointe des conditions humiliantes d'accueil, l'exiguïté, le manque d'équipement (3 plaques de cuisson pour 70 personnes), les conditions de scolarisation des enfants (transport scolaire, cantine)
C’est ce que prévoit le nouveau modèle de gestion des centres « Pradha », chargés de l’hébergement des personnes demandant l’asile.
Ces centres – d’anciens hôtels bas de gamme – sont gérés au quotidien par une filiale de la Caisse des dépôts sous contrôle du ministère de l’Intérieur, et sont en partie financés par le privé, grâce à un fonds d’investissement dédié. Côté accueil, accompagnement, insertion et encadrement, les coûts sont réduits au minimum, mais les partenaires du fonds – la BNP, Aviva, la CNP assurances ou la MAIF – espèrent en tirer des bénéfices. Bienvenue dans l’« action sociale » du XXIe siècle.
Fin 2016, le ministère de l’Intérieur lançait un appel d’offre sans précédent pour la création de plus de 5 000 places d’hébergement pour demandeurs d’asile, suite notamment à l’évacuation du camp de Calais.
Le Programme d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile (Prahda) vient s’ajouter à la myriade de dispositifs d’accueil déjà en place. Il prendra la suite des Centres d’accueil et d’orientation, créés dans la précipitation. Cependant, le Prahda innove : il s’agit du premier dispositif d’hébergement financé par l’intermédiaire d’un fonds dit « à impact social », un système venu du Royaume-Uni.
SON PRINCIPE : FAIRE FINANCER DES PROGRAMMES SOCIAUX PAR DES INVESTISSEURS PRIVÉS, TOUT EN LEUR GARANTISSANT UNE RÉMUNÉRATION SUBSTANTIELLE.
Pour financer le Prahda, la Caisse des dépôts et consignations (CDC), via sa filiale CDC-Habitat [1] a donc lancé un fonds d’investissement, baptisé « Hémisphère ». Premier fonds à impact social d’une telle envergure en France, avec une capacité de 200 millions d’euros, Hémisphère est abondé pour moitié par un prêt de la Banque de développement du Conseil de l’Europe, tandis que six investisseurs institutionnels apportent les 100 millions restants : Aviva France, BNP Paribas Cardif, la CDC, CNP Assurances, la Maif, et Pro BTP.
POURQUOI CET INTÉRÊT SOUDAIN DES ENTREPRISES POUR L’HÉBERGEMENT D’URGENCE ?
CDC Habitat leur promet un taux de rémunération fixe de 3,5 %, le double de ce que rapporte un prêt immobilier à des particuliers. Celui-ci augmentera en fonction du degré de réussite des objectifs sociaux du projet, évalués en fonction d’un certain nombre d’indicateurs assez basiques : scolarisation des enfants, signature de contrats d’accueil... Comment et par qui seront évalués ces critères, et jusqu’à quel taux d’intérêt maximum pourra être rémunéré Hémisphère ? Mystère, en l’absence de réponse de la Caisse des dépôts sur son fonds d’investissement.
L’investissement pourrait être très rentable pour BNP Paribas, Cardif ou Aviva. Probablement moins pour l’État. Si les promoteurs du projet mettent en avant les 40 % d’économies réalisées par rapport à un hébergement en chambre d’hôtel, aucun comparatif n’est établi avec une solution en hébergement public, type centre d’accueil des demandeurs d’asile (Cada).
Certes, le gouvernement évite ainsi d’avancer les frais. Mais au final, le loyer des centres, dont les bâtiments appartiendront à Hémisphère mais dont les nuitées seront payées par l’État, couvriront la rémunération des investisseurs, ainsi que celle des cabinets d’audit chargés d’évaluer les supposés impacts sociaux du programme.
ENTASSÉS DANS DES CHAMBRES DE 7 M2
Étant donné le coût du montage financier – notamment la rémunération des investisseurs – le projet implique la recherche d’économies par ailleurs. L’appel d’offre lancé par l’État impose au prestataire de mettre en place des conditions d’accueil au coût le plus faible possible : 16,5 euros par personne et par nuit, contre une vingtaine d’euros dans un Cada classique – soit 17,5% d’économies.
Les demandeurs d’asile sont notamment logés dans 62 vieux hôtels Formule 1 rachetés au groupe Accor par le fond Hémisphère, avec au passage le licenciement d’une grande partie des salariés hôteliers. Loin des centres-villes, en bordure d’autoroutes ou de routes nationales et au sein de bâtiments vétustes, on entasse des familles de quatre personnes dans des chambres de 7 m2.
Au Prahda d’Appoigny, dans l’Yonne, les premiers demandeurs sont arrivés alors que les salariés du prestataire n’étaient pas encore en poste. Rien n’est alors aménagé : la cuisine ne sera installée que cinq moins plus tard.
Des associations dénoncent ces conditions d’existence « indignes ». Les investisseurs ont l’air moins au courant : chez BNP Paribas Cardif, on dit avoir été « séduit par les objectifs sociaux », et « convaincu de l’impact positif de ce type d’investissement ».
DANS LES FAITS, L’ACCOMPAGNEMENT SOCIAL RÉDUIT AU MINIMUM
Paradoxalement, alors que son dispositif de financement promet un « impact social », le Prahda se différencie des autres centres d’hébergement par sa quasi-absence d’accompagnement social.
Par exemple à Appoigny, il n’y a que deux assistantes sociales pour 85 résidents. Sur un réseau social, d’anciennes assistantes de Prahda témoignent : « Nous n’avions même pas le temps de faire du social. J’étais sans cesse dans l’urgence. À courir partout, à être sous pression, à n’avoir même pas le temps d’échanger avec les résidents. »
« C’est un nivellement par le bas. On n’a plus les moyens de faire du travail social. Alors c’est réduit à la portion congrue : on vérifie qu’il n’y a pas d’urgence médicale et que les enfants sont scolarisés, c’est tout. Il n’y a pas de vrai suivi médical, d’alphabétisation », ajoute Noémie, déléguée syndicale chez Sud logement social [2]. Tout juste de quoi valider les critères sociaux du fonds Hémisphère... et encaisser le prix de la « prestation ». Quand à un véritable travail d’insertion, on repassera.
« LE PRAHDA EST UN ENDROIT OÙ L’ON STOCKE LES GENS AVANT DE LES EXPULSER »
Pour Camille, militante dans un collectif citoyen de soutien aux demandeurs d’asile à Appoigny, « il n’y a en réalité aucune volonté d’accompagnement social, parce que le véritable objectif c’est avant tout d’expulser ».
Le Prahda est le premier dispositif d’hébergement où est spécifié dans l’appel d’offre que le prestataire sera responsable de l’assignation à résidence des « dublinés », ces demandeurs d’asile dont les empreintes ont été prises dans un autre pays européen lors de leur arrivée, et qui peuvent donc y être renvoyés.
« A Appoigny, on nous envoie 85 à 90% de dublinés : c’est énorme par rapport aux autres centres. Le Prahda est un endroit où l’on stocke les gens avant de les expulser. C’est un centre de rétention qui ne dit pas son nom », analyse Camille.
La préfecture se déploie directement dans le Prahda pour délivrer les « invitations à quitter le territoire ». Cela, au sein même du bureau des assistantes sociales. Dans ces conditions, difficile d’établir des relations de confiance avec les résidents... « Les travailleurs sociaux sont en souffrance. Avec les assignations à résidence, ils font un travail de "maton" : ils notifient les départ, surveillent les allers et venues, dénonce Noémie, de Sud logement social. Par conscience professionnelle, certains démissionnent, alors qu’ils n’ont rien derrière. »
Alors qu’Hémisphère annonçait un meilleur contrôle de la qualité de l’hébergement et de l’accompagnement, le fond sert en réalité d’instrument de financement – et de source de profit – sur des politiques migratoires répressives et indignes.
LA MISE EN AVANT D’UN « NOUVEAU MODÈLE POUR L’ACTION SOCIALE »
A qui la gestion des centres a-t-elle été confiée ? Elle aussi filiale de la CDC Habitat, Adoma – anciennement Sonacotra, qui gérait les foyers de travailleurs immigrés et dont l’histoire est également sulfureuse – a remporté l’appel d’offre. La société d’économie mixte, qui affiche un chiffre d’affaire de 357 millions d’euros en 2016, gère aujourd’hui 25% du parc national d’accueil des demandeurs d’asile.
« C’est un opérateur moins militant que d’autres, moins regardant sur les taux d’encadrement, explique Noémie. L’appel d’offre était taillé pour eux : avec les conditions fixées, le timing, ils étaient les seuls à pouvoir y répondre. » Exit, donc, les associations à but non lucratif.
INFO 'COM CGT
Commentaires
MOI je sius pauvre et je paie ma redevance tele alors je ne vois pas, pourquoi ces gens ou ces braves membres du collectif ne paient pas cet impot que tout le monde paie allez les membres du collectif mettez la main a la poche
Bonjour, je souhaiterais apporter mon aide. J'ai été Formatrice pour des personnes en FLE. J'ai quelques disponibilités et suis peut-être en mesure d'aider ces personnes pour des courriers, ou cours. Pourriez-vous me mettre en relation avec les Associations ? Merci