Enquête
 
 

La fermeture du site de Lafarge le cimentier à Frangey-Lézinnes dans le Tonnerrois s’étire dans le temps depuis 2011, et les points de vue politique sur le devenir du site divergent.

Mais jusqu’où la puissance publique a-t-elle autorité et capacité financière réelle à agir dans le domaine privé et public ?

Depuis maintenant un an, la Communauté de communes du Tonnerrois en Bourgogne (elle fédère aujourd’hui 52 communes), chef de file dans le domaine du développement économique depuis l'application de la loi Nôtre, se positionne sur de possibles projets touristiques économiques et durables sur les territoires des communes de Vireaux, Lezinnes et Pacy-sur Armancon. 

 

L’acte I 

 

Il a été engagé en 2018, au travers du financement de SOBERCO Environnement – Bertrand Biehlrt, une démarche stratégique pour imaginer le projet de demain d’un site industriel, dont la Communauté n’est pas propriétaire. L'étude est d’un montant estimé à plus de 20 000 euros.

La liste de projets est impressionnante : 

-  zone forestière à reconstituer (21 hectares)

-  amphithéâtre de 1 000 m2

-  parking visiteurs de 7 400 m2 / 300 places

-  zone de loisir de 21,6 hectares

-  salle de spectacle de 1 900 m2

-  parking visiteur 3 700 m2 / 170 place

-       Hôtel 3 étoiles, etc …… 

Les premières pages de ce rendu de 25, sont un joyeux copier/coller du site des EPL sur le type de structure juridique en capacité de porter un projet de revitalisation dont le budget (pas chiffré) se calcule en dizaine de millions d’euros. Rien que ca.

Le cabinet a certainement mobilisé le montant de la facture pour l’acquisition du logiciel de graphisme TUXPAINT qui fait fureur dans les classes de CP compte tenu de la qualité du rendu du plan incrémentant le support du power point. 

Il est aussi présenté en page 32, un plan de gestion opérationnelle du programme d’aménagement sans chiffrage ni planning, évitant ainsi au cabinet SOBERCO Environnement, ou au fonctionnaire en charge de piloter ce projet de la Communauté de communes, d’avoir à se justifier de la non-faisabilité, car totalement irréaliste.

La question se pose sur ce premier investissement compte tenu des finances de la CCTB dont la présidente Anne Jérusalem, installée par Maurice Pianon, premier vice-président du conseil départemental de l'Yonne - tous les deux au bureau de Patrick Gendraud le président du CD 89 - n’a de cesse de dire qu’elles sont exsangues.

« Sans l’aide de financeurs, on ne pourra mener à bien les projets structurants… », avait-elle martelé lors de la visite de la présidente de la Région Bourgogne Franche-Comté, au début du mois de septembre 2018. Et la présidente avait ajouté : « En présentant nos projets à l’élue régionale, nous attendons de cet organe et de l’Etat des aides substantielles nécessaires à l’édification de concepts porteurs tels que la cité artistique éducative, l’institut supérieur du numérique, le déploiement et le rayonnement d’un parc économique édifié sur la zone de FRANGEY, la valorisation de notre patrimoine historique et la reconnaissance du label, « Vignoble et Découverte », délivré par ATOUT France.

On se souvient qu’elle avait dû gérer à sa prise de fonction, un sujet « redevance des ordures ménagères » dont elle se sort, cette année, avec brio.

 

L'acte II 

 

La proposition de création d’une Association et le projet de statuts adressés aux élus ainsi qu'au chargé de mission de la Communauté de Communes du Tonnerrois en Bourgogne, le 9 février dernier, confirment que des amitiés politiques sont entrain de se sceller pour les prochaines élections de 2020 sur ambition de financement public. 

Auxerre TV, a eu lecture du power point de présentation du cabinet SOBERCO Environnement et du projet de constitution d’une Association ainsi que de nombreux mails.

Sans nul doute, une fois le dossier bouclé par ses services, la présidente Anne Jerusalem mesurera la pertinence de l’action sur son territoire d’une telle Association avant d’envisager de porter au vote des élus communautaires du Tonnerrois une délibération d’octroi d’aides.  Pourquoi alors ce projet ne serait-il pas également présenté dans le cadre d'appels à projets départementaux 2019  qu'elle va lancer sur le deuxième trimestre au sein de la commission départementale qu'elle préside ? L'objectif ne serait-il pas de flécher également des fonds départementaux sur cette Associaion en devenir ?

On notera que Anne Jérusalem est aussi présidente de la commission Tourisme du CD 89 qui octroie l'aide à l'agence départementale de Tourisme dont elle est la présidente.

L’un de ses collaborateurs a piloté en 2018 le projet de l’étude présentée, le 12 septembre 2018, et il doit être actuellement en cours de validation des projets de statuts car destinataire du mailing.

Ce qui interpelle sur ce projet de statuts, se résume en quelques lignes. 

Cette Association (1) a pour objet (en résumé) le développement d’activités sur le site de Lafarge qui ne lui appartient pas, pas plus qu’à la collectivité compétente la Communauté de communes du Tonnerrois en Bourgogne. 

Comment une Association peut-elle s’auto-saisir d’une activité de développement sur un site qui ne lui appartient pas et dont elle ne s’est pas portée acquéreur, à notre connaissance, selon nos informations (2).

Il est indiqué dans les nombreux documents (dont des mails) qui nous ont été adressés que ladite association serait domiciliée au siège social du Groupe TREE. 

L’Association dans le contenu de ses projets de statuts se donne des moyens d’actions sur un site dont elle n’est pas propriétaire. Comme :

- l’organisation d’évènements sur site y compris des réunions publiques.

- l’organisation de formations sur site.

Il est important de rappeler que des autorisations d’ouverture au public avec les assurances sont nécessaires pour accompagner ce type de mouvement de foule. Qui les portera si Lafarge s’y oppose ?

La préfecture aurait-elle déjà donné un préaccord pour que cette Association puisse intervenir dans le domaine privé et fasse venir du public sans couverture d’assurance ?

Ce qui relève du questionnement pour cette Association en cours de constitution, est de savoir à qui vont bénéficier les fonds publics au travers des subventions perçues ?

En effet l’article 10 des projets de statuts de l’Association prévoirait :

La présence du tiers, au moins, des membres est nécessaire pour que le Conseil d’administration puisse délibérer valablement. Un maximum de trois pouvoirs peut être attribué à un membre du Conseil d’administration, à l’exception du président qui peut recevoir jusqu’à 6 pouvoirs.

La mise en perspective de la localisation de l’Association au sein de l’entreprise TREE laisse à penser que le dirigeant en deviendrait le président.  Il aurait donc la capacité à statuer seul, au travers de ces 6 pouvoirs, à l’affectation de la subvention qu’il vient de recevoir et cela quelle qu’en soit la provenance.

A vrai dire, Lafarge a encore toute latitude pour d’autres activités relevant de la seule décision de propriétaire, à moins que les élus, dont le maire de la commune, aient décidé de le nationaliser. Ce qui serait étonnant dans cette période où il est privilégié d’aider plus faibles plutôt que d’accompagner des projets électoralistes par des financements publics.

Le contrôle de légalité de la Préfecture portera sans nul doute une attention particulière à l’enregistrement des projets de statuts de l'Association en question, lors de l'instruction de son visa.

 

L’acte III 

 

Sur le premier trimestre 2019, l’Association, dont on nous dit qu’elle est pressentie pour déposer les statuts, fera certainement des demandes de financement aux collectivités.

- Conseil Départemental de l'Yonne dont Anne Jérusalem est vice présidente en charge du Tourisme, présidente de la commission et présidente de l'Agence départemenale de Tourisme.

- Conseil Communautaire des communes du Tonnerrois en Bourgogne dont Anne Jerusalem est la présidente.

Pour qu’elles soient inscrites aux 2  débats d’orientation budgétaire et du budget 2019 de février et de mars 2019.

-  Acte I : étude 20 Keuros

-  Acte II : création d’une Association qui n’a aucune compétence et réalité à agir.

-  Acte III : octroi de subventions à confirmer à la dite Association. 

On est en droit de regretter que ce territoire tonnerrois pâtisse toujours des ambitions de certains politiques dont les méthodes posent pour le moins question, et de la volonté des élus à monter des projets abracabrantesques dans le seul but de faire rêver ceux dont ils exploitent sciemment la misère pour se faire réélire. 

Manquerait plus qu’il y ait un appel à projet départemental sur le Tourisme à la sauce «mitonnée Tonnerroise » pour financer à tombereau ouvert cette nouvelle lubie.

La vigilance s'impose, plus que jamais.


 

_______________________

(1) On a trouvé la ligne qui permet de démasquer l’attribution d’une aide à soi-meme.  La nouvelle ligne pour la mise en place de « l’appel à projet » inscrite au Débat d'Orientations Budgétaires 2019, page 82 tout en bas et haut de page 83, pour un montant 240 000 euros.
Fortement développé dans la deuxième commission par Anne Jerusalem pour obtenir un accord et surtout faire inscrire l’attribution d’éligibilité d’une Association.

(2) Aujourd’hui et depuis le début de l’année, le seul acte de vente engagé par Lafarge concerne l’emprise de 166 hectares forestière. Le prix du m2 de forêt est de 3 000 euros. Les maires locaux tentent de faire baisser les prix de 50 % pour favoriser leurs amis locaux. L’acte publié en mairie est ci-joint en lien et ci-dessous.

Le site n’est pas à ce jour vendu et même si l’optique de Lafarge était de le céder, cela ne pourrait pas être à l’euro symbolique, rien que pour des raisons fiscales. Mais, à ce jour, aucun acte n’a été signé ni même programmé entre les parties supposées prenantes. 
La collectivité n’est propriétaire que des espaces publics, dont elle a l’entretien. : routes, voiries, accès et pont.

 

 

 

 


Jean-Christophe Moraud, préfet de l'Yonne et Anne Jérusalem (en noir à gauche), conseillère départementale de Tonnerre, mardi matin 10 mai 2016, à Frangey pour l'inauguration de l'usine Geochanvre F sur le site Lafarge à Lézinnes (DR)