Qui l'eût cru ?

Après l'annonce sur scène par Patrice Decormeille le président du Cercle Condorcet d'Auxerre, organisateur, des Entretiens d'Auxerre, de la suspension ,comprise comme un arrêt, pour des raisons financières, mais aussi peut-être d'une usure progressive au fil des ans.

Non vous n'avez pas mal lu : les Entretiens d'Auxerre ressuscitent en ce mois de printemps, plus exactement n'arrêtent pas, ils se poursuivent annonce-t-on.

Les fidèles de ce haut moment culturel auxerrois et Icaunais au théâtre municipal, ne pourront que s'en réjouir. Eux qui avaient été brutalement mis au pied de l'annonce comme on dirait au pied du mur, lors de la conclusion des Entretiens de novembre dernier. Et en avaient été d'autant plus déçus.

Autant la nouvelle avait été brutale, autant la nouvelle de la reprise l'est aussi.

Certains se diront comment un tel retournement est-il possible ? Pourquoi ce qui était vrai, hier, ne le serait plus aujourd'hui ?

Peut-on donc y croire vraiment ? La situation n'évoluerait-t-elle plus ? Dans un autre sens ?

Il semble bien que non.

D'une part parce qu'un travail de fond a été entrepris tant par le Cercle Condorcet d'Auxerre que par le Comité scientifique des Entretiens composé aussi de membes du Cercle ;  et d'autre part, qu'un nouveau président du Comité scientifique des Entretiens d'Auxerre a été choisi et nommé en la personne de Valentine Zuber, directrice d'Études à l'École pratique des Hautes Études, une spécialiste de la laïcité, venue plusieurs fois à Auxerre notamment lors de la troisième édition, en 2004. Elle connaît donc le terroir et la convivialité qui marque au fer blanc ces Entretiens à travers le temps.

Le président Patrice Decormeille qui a succédé voilà peu à Hervé Couteille à la présidence du Cercle Condorcet d'Auxerre, a beaucoup réfléchi à des solutions pour assurer la pérennité des Entretiens. Il lui apparut rapidement que suspendre pendant un an comme annoncé par lui-même, n'était pas une bonne solution car elle ne garantissait pas une meilleure reprise dans de bonnes conditions financières et surtout, elle introduisait une rupture après 17 années consécutives dont il serait probablement difficile de renouer le fil.

Aussi envisagea-t-il les choses autrement en imaginant un format nouveau, plus court voire plus dense et donc moins coûteux, du moins théoriquement.

 

La colère, les 15 et 16 novembre au théâtre

 

Furent également envisagées d'autres innovations dont la nomination d'un nouveau président du Comité scientifique, Michel Wieviorka ayant manifesté à plusieurs reprises la nécessité d'un renouveau, lui qui est aux commandes depuis le début des années 2 000 ainsi que des thématiques plus concentrées sur la politique et la philosophie le jardin de prédilection du président du Cercle Condorcet.

Michel Morineau, un autre membre fondateur des premiers Entretiens du temps de Léo Hamon et Jean-Pierre Soisson, avait posé d'emblée comme principe qu'il était hors de question d'organiser des Entretiens au rabais, uniquement pour perdurer.

Ces messages et propositions furent soumis au Comité scientifique qui s'est réuni dernièrement à Paris. Là, un gros travail fut effectué qui a fait évoluer les choses. La nomination d'un nouveau président en l'occurrence une présidente, la décision de poursuivre les Entretiens et de lever la suspension, et le choix de l'affiche 2019 : la colère, proposé par Anne Muxel bien connue à Auxerre, une manière intelligente de transcender les débats en cours suite au phénomène des gilets jaunes. Anne Muxel est sociologue, directrice de recherche au CNRS en science politique et au Cevipof.

Pour autant, l'essentiel, s'il paraît bien établi, n'est pas encore assuré, à savoir l'organisation pratique et la mise en place de la nouvelle formule dès cet automne, sur deux journées, les 15 et 16 novembre, au lieu de trois. Non plus que le financement qui constitue le nerf de la guerre. Et les crédits alloués, sabrés, ne sont pas, que l'on sache, rétablis par les collectivités partenanires depuis les origines.

Il reste donc du pain sur la planche pour les uns comme pour les autres. Cela montre au fond qu'ils n'ont jamais renoncé en dépit des vicissitudes du moment et des obstacles nouveaux qui se sont présentés à leurs yeux.

Si une hirondelle ne fait pas le printemps, on ne peut qu'espérer que le printemps 2019 tissera les Entretiens à l'automne. Avec de nouvelles idées, du sang neuf et une volonté collective, les uns et les autres devraient parvenir à réussir ce nouveau pari.

 

P-J. G.

 

 

Valentine Zuber, le nouvelle présidente du Comité scientifique des Entretiens d'Auxerre, succède au sociologue Michel Wieviorka qui appartient à la même maison et est désormais consultant d'une chaîne d'info en continu (DR)

 

Le philosophe Patrice Decormeille président du Cercle Condorcet d'Auxerre. À l'abbaye Saint-Germain, la lumière carolingienne et celle de Condorcet sur les Entretiens d'Auxerre (DR)