Henri Maupoil, natif de Migennes, spécialiste en énergies, ancien directeur de projets à EDF et Gaz de France dont il fut par ailleurs administrateur pendant quatorze ans, répond à nos questions sur un dossier sensible et peu connu. D'expérimentation à Auxerre. Interview


 

3 à 5 bus rouleront à l'automne à l'hydrogène (plus exactement à l'électricité stockée dans les piles à combustible) dans la communauté d'agglomération de l'Auxerrois. L'inauguration est prévue à l'automne 2021. Quant au train Auxerre-Bercy, cofinacé par la région Bourgogne Franche-Comté, c'est pour 2023-25 avec l'aide de l'État. Regards en biais, bienveillants mais mise en garde sur un processus non encore abouti. ITER, représente un fantastique espoir à Cadarache où coopèrent des ingénieurs venus du monde entier. La fusion est la réaction nucléaire qui alimente le Soleil et les étoiles. Potentiellement, c'est une source d'énergie quasiment inépuisable, sûre, et d'un faible impact sur l'environnement. ITER a pour objectif de maîtriser cette énergie : le programme est une étape essentielle entre les installations de recherche qui l'ont précédé et les centrales de fusion qui lui succéderont.

 

 

Henri Maupoil ancien directeur de projets à Gaz de France (Auxerre TV)

 

 

           

 

Actuellement il est beaucoup question de l’hydrogène comme vecteur d’énergie chimique utilisable pour la propulsion dans les transports.

Le plan de relance gouvernemental met l’accent sur l’hydrogène en injectant plusieurs milliards d’euros pour son développement.

L’Agglomération Auxerroise et la Région, pour aller en ce sens, ont opté pour un projet de production d’hydrogène afin d’alimenter des autobus et un train.

 Il s’agit là d’une décision importante qui engage ces collectivités sur un lourd investissement qui, au stade de la maturité de la filière hydrogène, risque de ne pas avoir les retombées écologiques et économiques attendues pour les raisons développées ci-après :

 

L’HYDROGENE

 

L’hydrogène n’est pas une source d’énergie elle permet seulement de la stocker. Elle n’existe pas de manière naturelle, à quelques exceptions, un peu dans le sous-sol en Afrique et sous la mer. Il faut donc la fabriquer.

 

 

LA FABRICATION DE L’HYDROGENE

Il y a plusieurs méthodes pour la produire. Les deux principales sont le vaporeformage et l’électrolyse de l’eau.

 

Le vaporeformage


Il s’agit de la conversion d’hydrocarbures (Gaz Naturel, GPL, Naphta..) qui contiennent du méthane. Celui-ci est mélangé à de la vapeur d’eau chauffée à haute température pour obtenir de l’hydrogène et du carbone. Mais la quantité de ce dernier est si importante que le bilan écologique est négatif, ce qui le rend impropre pour le véhicule fonctionnant à l’hydrogène car il serait plus émetteur de CO2 que le véhicule thermique.

 

L’électrolyse de l’eau


Il existe de multiples procédés électrolytiques qui permettent de séparer l’hydrogène et l’oxygène qui composent les molécules d’eau. La production d’hydrogène par ces procédés représente seulement 4% de la production totale. Actuellement la performance énergétique de l’hydrogène produite par rapport à celle utilisée pour la produire est dans le meilleur des cas de 60%. Par ailleurs, pour que cet hydrogène soit totalement propre il faudrait que l’électricité utilisée soit totalement renouvelable. Tel n’est pas le cas et contrairement à ce que d’aucuns prétendent l’éolienne ne peut pas à elle seule produire l’hydrogène car l’électrolyse ne peut pas supporter l’intermittence de la fourniture d’électricité.

 

Les progrès de la recherche

Les recherches pour obtenir de meilleures performances énergétiques progressent le CEA et une société américaine ont développé des procédés permettant d’atteindre 90% de rendement mais ils ne sont pas encore matures et le coût de production devra devenir compétitif.

 

Le coût de la production d’hydrogène

Le coût de production d’hydrogène est très variable en raison du type de production retenu. Il peut varier de 1 à 4. A titre d’exemple le coût de production par extraction du gaz naturel est d’environ 1,5 dollar par Kg soit le triple du prix du gaz naturel. Le coût de production par électrolyse alcaline est de 6 dollars par Kg.

Les directives gouvernementales (projet HULOT) visent à produire l’hydrogène au même prix que l’essence à l’horizon 2030.

 

Le transport de l’hydrogène

 

Le transport de l’hydrogène par canalisation est insignifiant. Il ne concerne que l’industrie.

La création d’un approvisionnement par canalisation est prohibitive. A titre d’exemple les Etats Unis ont chiffré un projet d’alimentation de 1500 points de distribution, le coût estimé 10 milliards de dollars.

On peut en déduire que pour l’avenir le transport ne pourra s’effectuer que par la route ou le rail ce qui n’est pas sans risque d’incidents ou d’accidents.

Pour le projet d’AUXERRE l’approvisionnement des bus et du train s’effectuera à partir d’une unité de production et de stockage située près de la zone d’utilisation ce qui élimine les grands trajets du transport.

 

Le stockage

L’hydrogène est le gaz le plus léger de tout l’univers 1 litre de ce gaz ne pèse que 90mg à pression atmosphérique. Il est 11 fois plus léger que l’air. Il faut 11m3 pour stocker 1 Kg d’hydrogène.

Il n’est pas envisageable de le stocker à la pression atmosphérique, il faut augmenter sa densité. Pour cela il existe plusieurs techniques :

-       Le stockage à haute pression sous forme gazeuse,

-       Le stockage à base température sous forme liquide,

-       Le stockage à base d’hydrures sous forme solide


Le stockage à haute pression sous forme gazeuse

La méthode la plus simple permettant de diminuer le volume d’un gaz est d’augmenter sa pression.

Comprimé à 700 bars l’hydrogène possède une masse volumique de 42Kg par m3. A cette pression on peut stocker 5 Kg dans un réservoir de 125 litres.

C’est cette méthode qu’ont choisi les constructeurs d’automobiles. Elle permet de stocker la quantité d’hydrogène nécessaire à une voiture alimentée par pile à combustible pour parcourir une distance de 500 à 600 Km entre chaque plein.

Le stockage à basse température sous forme liquide

L’hydrogène se liquéfie lorsqu’on le refroidit à une température inférieure à -252,87 °c. A cette température la masse volumique est d’environ 71 Kg par m3. A cette température on peut stocker 5Kg dans un réservoir de 75 litres.

Mais cette technique est pour l’instant essentiellement utilisée pour des applications de très haute technologie telle que la fusée Ariane.

Maintenir une température aussi basse nécessite des réservoirs spécifiques dont le coût est très, très élevé.

 

Le stockage à base d’hydrures sous forme solide

Le stockage de l’hydrogène sous forme solide, c’est-à-dire conservé à l’intérieure d’un matériau est pour l’instant une piste de recherche prometteuse. Mais pour passer au stade industriel il faudra maîtriser certains paramètres comme le cinétique, la température et la pression des cycles de charges et décharges de l’hydrogène dans les matériaux composés à base de magnésium et d’alanates. Plusieurs projets de recherches sont en cours.

 

Conclusion

 

Actuellement les rendements de production de l’hydrogène obtenus par électrolyse sont insuffisants pour obtenir un bilan globale écologique positif.

Le retour des expériences de voiture hybride montre que le bilan carbone devient négatif compte tenu du poids supplémentaire qu’imposent aux véhicules le stockage d’hydrogène et le poids de la pile à combustible.

Pour que ce bilan soit amélioré il faudrait que l’électricité utilisée pour produire l’hydrogène soit totalement renouvelable ce qui n’est pas le cas et ne le sera surement que dans des dizaines d’années.

D’ailleurs les constructeurs d’automobiles se réorientent vers la voiture 100%100 électrique compte tenu des progrès importants sur la charge et la durée des batteries.

Pour le train, il y a de quoi s’interroger fortement.

En effet, sachant que l’électricité est une énergie qui lui est parfaitement adaptée, pourquoi le faire rouler à l’hydrogène puisque cela consiste à utiliser l’électricité pour fabriquer l’hydrogène qui sera ensuite transformée en électricité par une pile à combustible située dans le train.

Ce cycle électricité – hydrogène – électricité a un rendement, au mieux, de 60%. Donc 40% d’énergie de perdue dans la nature où est l’écologie ?

Ces éléments de réflexions devraient conduire les décideurs de l’hydrogène pour Auxerre de bien maîtriser le contenu des propositions techniques qui leurs seront proposées, d’avoir des garanties sur les rendements et le prix de l’hydrogène pour obtenir un bilan économique et écologique positif.

La raison voudrait, pour que ce projet soit rentable économiquement et écologiquement durable, que l’on attende les résultats des dernières recherches qui s’avèrent prometteuses dans les 3 à 5 années à venir.

 

 

                                                                                          

                                                                                                                   Henri MAUPOIL

 

 

 

Henri Maupoil, chez lui dans le vieux Migennes (Auxerre TV)