L’introduction de binômes fondés sur la parité avait renouvelé considérablement l’assemblée départementale en 2015 où 21 femmes avaient été élues sur un total de 42 élus tout autant que la fusion de certains cantons.

Le nombre de représentants était conservé mais les cartes redistribuées.

Certains avaient imaginé que la politique départementale dans la manière de définir ses objectifs et les moyens pour les atteindre s’en trouverait transformée. Or force est de constater qu’il n’en fut rien, les logiques politiques et les pesanteurs sociologiques l’emportant sur l’innovation et le changement sinon l’évolution des mentalités.

Il faut dire que 17 d’entre eux, ont plus de 15 ans de mandat - sans discontinuité - au sein de l’Assemblée, et ceux-la n’ont pas disparu et continuent de s’accrocher sans vergogne à la rambarde, pour ce nouveau tour des départementales (1).

Que retenir des présidences de André Villiers puis de Patrick Gendraud dans la continuité ?

Une période d’austérité liée au désengagement de l’État et au spectre bien réel de la dette, de l’ordre de 255 millions d’euros pour un budget annuel de l’ordre de plus de 420 millions d’euros. Le tabou d’un euro supplémentaire d’emprunt et la réduction des dépenses tous azimuts, entrepris envers et contre tous par le président Villiers avant qu’il ne rende son tablier pour conquérir la députation, en 2017, ont permis avec le soutien imprévu de recettes accrues liées aux droits de mutation (taxe sur les transactions immobilières comprises dans les frais de notaire), de provoquer un léger reflux du montant global de la dette.

Reflux qui s’est accéléré ensuite grâce à la manne des droits de mutation en hausse continue pour atteindre, en 2020, plus de 37 millions d’euros. Ce qui a fait passer le montant de la dette de 255 millions d’euros à 200 millions d’euros. Et en même temps, un désendettement assis sur l’absence de projets et d’ambitions, souvent plus aisés à gérer.

On retiendra surtout la fermeture du seul et unique collège classé en zone prioritaire d'éducation, Bienvenu-Martin, à Auxerre, la diminution drastique jusqu’à la corde, du budget consacré aux routes (de 32 millions à 5 millions d'euros), compétence régalienne du conseil départemental, et l’assèchement cruel des aides aux communes levier de développement économique en zone rurale, ainsi que des décisions dilatoires diverses, telle la reconstruction du gymnase Albert-Camus à Auxerre ravagé par un incendie, voilà sept ans et demi.

 

L'assemblée départementale  de l'Yonne compte 34 élus de droite, 5 élus de gauche, 1 du Modem et 2 conseillers du FN dont un a démissionné et l'autre a rallié Debout la France. C'étaient les seuls ex-élus frontistes de toute la Bourgogne (DR)

 

 

Fier d'une majorité élargie écrasante

 

 

Comment se présentent les futures élections départementales ?

Si l’on en croit les dires du président Patrick Gendraud (LR en ce moment) elles devraient se situer dans la continuité de l’assemblée actuelle, sous sa houlette. « Tout va bien le bateau coule tranquillement ».

Dès son élection « papesque » de 2017, ce dernier avait cru bon devoir annoncer, en 2019, qu’il était candidat à sa propre succession, en 2021, et qu’il se voyait bien président pour la suite. La notion de bilan et projets ne faisant ni partie de son propos, ni de son ambition. C’était lui. C'est lui. Et lui seul.

Élu de justesse à la présidence en 2017, où il avait devancé Irène Eulriet-Brocardi (Charny DvD) de 4 voix seulement, grâce à l’équipe de Jean-Baptiste Lemoyne, Patrick Gendraud avait débuté sa présidence en ouvrant largement les bras la main sur le coeur, pour rassembler son camp divisé depuis le duel Villiers (UDI)-Lemoyne (LR) du 2 avril 2015, pour la présidence. L’élu du sud l’avait emporté au troisième tour de scrutin, contre l’élu du nord, avec une majorité de 22 voix sur 42.

La gestion politique de sa représentation confiée à son directeur de cabinet, ancien DGS (directeur général des services) de la communauté des communes du Tonnerrois et proche du 1er Vice Président Maurice Pianon, consiste donc à s’assurer une majorité personnelle en s’appuyant sur les binômes qui avaient voté pour lui en 2017. Et enrôler contre promesses des opposants potentiels supposés capables de "sortir" les adversaires de Gendraud au sein de la majorité.

Le président en exercice fier d’avoir élargi la base de sa majorité lors du vote de son premier budget en 2018, voté à l’unanimité moins quatre absentions ((Nicolas Soret, Françoise Roure, Monique Hadrbolec et Christiane Lemoine), une première dans l’histoire de l’institution ; entend surfer sur une dynamique initialement fécondée par une volonté d’écoute et de concertation, dans le respect des uns et des autres.

L’année suivante, le vote du budget 2019, le deuxième budget de la présidence Patrick Gendraud, a essuyé quatre voix contre et trois abstentions.

 

Une unité de la droite fragile et fragilisée

 

La situation politique ne se présente pas de façon aussi limpide, d’autant que ce département de l’Yonne enraciné à droite, se caractérise par de nombreuses et diverses sensibilités, difficiles à rassembler et maintenir, Jean Chamant et Henri de Raincourt y ont été confrontés en permanence.

Ce n’est pas neutre, que Jean-Pierre Soisson considère que le principal mérite, la principale action de Jean Chamant l’homme ministre de de Gaulle, élu à Quarré-les-Tombes, initiateur du TGV qui s’arrête à Montbard (et non dans l'Yonne) et de l’Airbus ; fut de maintenir l’unité du Département.

Contrairement à ce que pensent et expriment certains, le renouvellement de l’assemblée départementale devrait se faire dans une proportion importante et estimée à environ de 60 %, de nature à rebattre les cartes de l’élection du nouveau président.

« Naturellement », si l’on considère que nombre de binômes ne repartiront pas ensemble voire s’effaceront de la carte.

On en dénombre 6 (soit douze élus) dans les cantons de Auxerre 1 (Valérie Dorange-Michel Ducroux), Auxerre 2 (Malika Ounès-Robert Bideau), Charny (Irène Eulriet-Brocardi-Mahfoud Aomar), Cœur de Puisaye (Isabelle Froment-Meurice-Pascal Bourgeois), - Thorigny-sur-Oreuse (Michèle Crouzet-Alexandre Bouchier) et Villeneuve-sur-Yonne (Érika Roset-Élisabeth Frassetto suite à la démission de Claude Thion FN).

Quatre autres binômes (soit huit élus) risquent des défaillances : Auxerre 4, (Monique Hadrbolec-Pascal Henriat) Brienon-sur-Armançon (Catherine Maudet-Jean Marchand), Tonnerrois (Anne Jérusalem-Maurice Pianon démissionnaire) et Sens 2 (Clarisse Quentin-Philippe Serré, qui fera peut être encore plaisir à Marie Louise Fort face à un élu très impliqué et apprécié dans le Sénonais).

Il faut ajouter le cas particulier d’Avallon (Sonia Patrouret-Xavier Courtois) « en cours de réconciliation ? » mais face à Pascal Germain implanté et très déterminé.

On pourrait aussi ajouter que nombre de seniors à mandats répétés, plus de 20 ans pour certains, pris de remords ou de scrupules comme dirait le Brienonais maronite Alain Vincent, passé conseiller départemental et régional, auraient la tentation fut-elle furtive, de passer la main à la nouvelle génération. Ainsi, les ... Villiers, Gendraud, Bourgeois, Vecten, Serré, Capitain, Bideau, Boucher ... Seul Robert Bideau l'emblématique ex-maire de Monéteau ne se représenterait pas. Idem pour l'auxerroise Monique Hadrbolec, Christiane Lemoine (Vincelles), le Brienonnais Jean Marchand, le tonnerrois Maurice Pianon et (peut-être) le sénonais Philippe Serré, doyen d'âge élu de l'assemblée départementale.

Parmi les nouveaux arrivants à tenter leur chance, notons les noms des Auxerrois Mathieu Debain (LREM) Florence Loury (Verts) et Denis Roycourt (Verts) conseillers municipaux d'opposition, de l'éponien maire Magloire Siopathis, de la monestésienne nouvelle mairesse Armanda Guiblain ainsi que le maire de Val de Mercy Jean-Noël Loury, président du SDEY qui va tenter un retour. Beaucop d'autres ont le temps de se déclarer d'ici le mois de juin.

 

 

Le troisième facteur

 

 

Un troisième facteur est en mesure de modifier la donne, c’est le score du RN (Rassemblement national).

Au premier tour des élections départementales de 2015, le RN (FN à l’époque), avait totalisé 38 763 voix (32,51%) arrivant en tête dans 9 cantons sur 21 et talonnait des premiers binômes de quelques poignées de voix dans 8 autres.

La majorité départementale derrière le président sortant André Villiers (UDI-UMP-MoDem) est arrivée en tête avec 44 655 voix (37,45%), l’union de la gauche terminant troisième avec 33 317 voix (27,94%). Une gauche en perte de vitesse (6 sièges seulement soit moins 9) qui entend redresser la barre. Le taux de participation était de 51,97%.

En 2015, face au danger que représentait le Front national aux yeux de nombre d’élus, l’Appel de Germigny se posa en barrage du FN au deuxième tour. Conçu par le Tonnerrois Maurice Pianon (UDI) et surtout mis en œuvre par la bande des cinq centristes liés par le serment de Bléneau, qui ont « pris » en mousquetaires le Département à l’UMP, en 2011, cet Appel a fonctionné au-delà des prévisions et des espérances.

Le FN n’a gagné qu’un seul canton.

Reste à savoir si le RN obtiendra d’aussi bons résultats au premier tour qu’en 2015 et si un nouveau « barrage » fonctionnerait de manière aussi efficace que le premier Appel de Germigny, sachant que des élus se sont servis d’eux (FN-RN) comme alliés aux dernières élections municipales.

 

Pianon (Yrouerre) maillon manquant

 

 

Pianon-Gendraud, une rupture, un divorce lourd de sens et d'histoire (DR)

 

 

Maurice Pianon, bras droit du président Gendraud ne sera plus là puisqu’il a démissionné, lundi 10 février 2020, de sa fonction de premier vice-président du conseil départemental de l'Yonne après avoir joué pas forcément de manière bien éclairée sur l’administration depuis sa nomination. Ouvrant une nouvelle brèche dans la majorité LR Gendraud, déjà affaiblie par le départ de Valérie Dorange (LR Libres !) élue d'Auxerre 1 (Hauts d'Auxerre-St-Georges-sur-Baulche).

Le champ de bataille politique qui se profile semble donc tout, sauf une formalité, qui reconduirait le personnel en place.

Si l’Yonne semble immobile, il faut savoir que tout bouge en profondeur et qu’un jour ou l’autre, le jeu lent et profond des plaques tectoniques, révéleront un nouveau paysage plus conforme à la bio-diversité ambiante souvent délaissée et ignorée.

Quelle que soit la composition de la nouvelle assemblée départementale de l’Yonne, l’identité du nouveau président et la vision d’avenir du département, dépendront aussi, pour une part, de l’émergence de femmes ou d’hommes capables d’ambition pour le bien commun et l’intérêt général de l’Yonne, promise depuis des décennies à un bel avenir, qui comme soeur Anne, ne voit rien venir.

Cela passera forcément par un projet, des expérimentations et une charte éthique cohérente qui prône l’égalité vraie des hommes et des femmes ainsi que des engagements, pour rétablir la confiance au lieu de la défiance, dans le personnel politique.

Mais cela n’est-il pas déjà « en marche » depuis les nombreux mois suite aux débats publics qui se sont tenus sur de nombreux territoires à la demande du President Macron où les conseillers départementaux ont bien souvent oublié de se rendre sur leur territoire, et ne parlons pas du Président en exercice, qui aurait pu s’imposer d’être présent à chacune d’elle, quitte à bousculer les agendas.

 

Pierre-Jules GAYE

 

 

Valérie Dorange, élue d'Auxerre 1, ex-trésorière de la Fédération départementale du parti LR, démissionnaire, est demeurée conseiller départemental, grâce à la gestion scabreuse de son dossier par les autorités compétentes qui l'a amenée à rectifier sa position. Cette élue a beaucoup travaillé dans l'ombre dans le domaine social. Depuis son élection, en 2015, les délais entre paiement du RSA et suivi, étaient de 9 mois. Ils ont été raccourcis à 2-3 mois. En 2016 Valérie Dorange a fait faire une étude par l’INET qui a aidé le CD 89 a prioriser les publics et mettre en place des veilles sociales. D'où mise en place d'une cellule de contrôle et beaucoup d’economies sur les fraudes. Contractualisation avec Pôle-emploi pour la convention commune d’objectifs et de moyensRaccourcissement des délais des plateformes d’orientation et inscription dans le contrat d’engagement réciproque d’obligation d’être inscrit à Pôle-emploi.  En 2018, avec Pôle-emploi, organisation des rencontres de l’emploi sur tout le territoire. Cela dit, il reste que le système de subventions vérouille objectivement toute initiatives et projets innovants (DR)

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(1) Les élections départementales ont remplacé les élections cantonales et les conseillers généraux sont devenus les conseillers départementaux. Les conseils départementaux sont intégralement renouvelés à chaque scrutin, tous les six ans, selon un mode de scrutin binominal majoritaire.

Ce scrutin succède aux « élections cantonales » qui, jusqu'en 2011, permettaient d'élire des « conseillers généraux », élus pour six ans mais renouvelés par moitié tous les trois ans

Les dernières élections départementales ont eu lieu en mars 2015. Les prochaines devaient se tenir en mars 2021.

Toutefois, du fait de la crise sanitaire liée au Covid-19, elles sont reportées en juin 2021. Le mandat des conseillers élus en 2015 est prolongé jusqu'à cette date.