Crescent Marault lors de la fronde de 16 élus de la communauté d'agglomération de l'Auxerrois, le 9 février 2015, dénonçant la gestion centralisée aux dépens de l'équilibre des territoires

 

L’objet des interrogatoires concerne des irrégularités présumées dans des marchés publics à Saint-Georges-sur-Baulche perpétrées lorsque Crescent Marault était Maire de la commune (entre 2010 et janvier 2020). D’un mot le Maire aurait eu recours à son entreprise de Monéteau pour aménager et équiper la nouvelle médiathèque de St-Georges par un truchement de sociétés écrans. Ce qui aux yeux de la loi relèverait de détournement de fonds publics avec d’intérêt à agir.


Ces faits ont fait l’objet d’un signalement au Procureur de la République, au mois de mars 2020, par un élu du Département ayant autorité, saisi par des citoyens Baulchois.


Un dossier très fourni en preuves et pièces qui pointerait des irrégularités dans l’attribution et l’exécution du marché public de l’aménagement et l’équipement de la nouvelle médiathèque de Saint-Georges-sur-Baulche, en 2018 et 2019.

Par ailleurs, aucune information n’a filtré sur un autre dossier, qui concerne deux marchés publics retoqués par la Préfecture de l'Yonne, le 3 janvier 2020, pour deux raisons distinctes. (Facebook 8 mars 2020).

Au cours de l’enquête judiciaire, le procureur de la République a ordonné deux perquisitions, dans le cadre de l'enquête préliminaire, l’une dans les locaux de la mairie de Saint-Georges-sur-Baulche, le 16 septembre 2020 et l’autre au siège de la Société Equip’Bureau de Crescent Marault sise à Monéteau. 

Une autre perquisition a eu lieu au début du mois de janvier 2021, mais cela concernait une toute autre affaire, dans les locaux de la maire d’Auxerre. 

Des élus ont par ailleurs été entendus par les enquêteurs, notamment l'adjoint aux finances de l’époque à Saint-Georges-sur-Baulche, ainsi que le premier adjoint Michel Ducroux également Conseiller Départemental du canton d’Auxerre 1, de nouveau convoqué ce jour.

Selon nos informations, les enquêteurs outre des documents concernant l’appel d’offres de la médiathèque, ont saisi d’autres pièces concernant d’autres fautes présumées, comme c’est souvent le cas lors de perquisitions, et qui se seraient avérées bien plus accablantes et judiciairement plus pénalisantes, n’autorisant plus le Procureur à un simple rappel à la loi mais à une obligation de présenter le présumé coupable devant la justice pour des faits relevant du tribunal correctionnel.

Après avoir été entendu dans le cadre d'une garde à vue (qui ne peut excéder 48 heures) et avoir répondu aux questions des enquêteurs de la police judiciaire, Crescent Marault  verra son dossier soit « classé sans suite », soit «mis en examen »  par l’autorité judiciaire compétente. Dans cette hypothèse, un procès en correctionnelle devrait se tenir dans les mois à venir, en 2022.

En attendant, il est utile de rappeler que "Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie (par un tribunal, en dernier ressort ".



Suspicion et malaise persistant


Cette audition est tout sauf une surprise dans le microcosme Icaunais.

Depuis le signalement d’un élu du Département auprès du procureur de la République et la révélation de l’affaire dans la presse, beaucoup en parlent et ne cessent d’en parler. Chaque personne auditionnée s'est fait fort dans les milieux avisés de relater « sa version » de son audition, certainement très éloignée de la réalité. C'est aussi la raison pour laquelle ce dossier a été dépaysé au parquet de Sens.

Il n’est pas exagéré de dire que cette affaire a compliqué la vie démocratique locale, plombée le Maire dans sa crédibilité depuis sa prise de fonction, expliqué ses non-décisions, et peut être même justifié ses retards inconsidérés qui frisaient l’insulte auprès de certains invités, qui l’ont perçu comme tel.

D’un naturel effacé, discret, peu bavard, dans sa bulle "à réfléchir » ou "se faire une idée sans la partager", insaisissable à en croire un de ses sympathisants proche, insondable selon ce dirigeant incapable de dire ce que pense Crescent Marault. 

Le Maire d’Auxerre est considéré par d’aucuns, (à tort ?), comme un Maire par défaut. Un plan B parachuté par Guillaume Larrivé qui n’avait pas trouvé candidat dans les rangs des LR ; pour avoir bénéficié sans combattre d’un alignement de 3 planètes. En premier lieu d’une forte abstention liée au Covid-19 qui a anesthésié les quartiers, conjuguée à un rejet de l’ancien maire d’Auxerre usé par trois mandats dont le dernier faible,dilatoire, des co-listiers âgés "détestés", et par les divisions criantes au sein de sa majorité pulvérisée en 3, dont les 1 000 voix des verts qui ont suivi Florence Loury et Denis Roycourt  au second tour.

Depuis son élection, le nouveau Maire est demeuré taiseux et peu présent sur la scène locale (y compris lors de la première réunion du Conseil Municipal) lors de la mise en place de la nouvelle équipe municipale dont beaucoup s’accordaient pour dire qu’elle était de qualité dans sa représentativité. 

Pourtant rapidement, Crescent Marault a du se résoudre à la démission de son premier adjoint Gilles Pellet, un membre de la société civile ancien cadre dirigeant chez Hermès Métal, un bijou d’entreprise façonnée par feu Hubert Aumaître. 

Un « lâchage » pour des raisons demeurées privées entre le Maire et son premier adjoint.  Ce dernier n’aurait pas accepté le recrutement et le mode de management du nouveau directeur de cabinet du maire et de l'agglomération, pas spécialement bien accueilli à Auxerre en raison de démêlés judiciaires antérieurs. Un rendez-vous humain manqué par un retard détestable dans la prise en compte de la situation.

L’ambiance et les relations, sont également compliquées au sein de la Communauté d’Agglomération de l’Auxerrois. Dès le départ, le Maire de Venoy Christophe Bonnefond, qui avait fait campagne, l’été dernier, auprès des Maires, a dû se plier aux consignes dictées par le député Guillaume Larrivé pour mettre en place son « protégé" qu’il avait placé sur orbite en janvier 2019, lors d’une grand messe salle Vaulabelle. Où le héros d’un soir n’avait curieusement pipé mot devant son mentor avec lequel il aurait pris ses distances depuis.


Perte de crédit 


A la tête de l’Agglomération, Crescent Marault aidé par son directeur g n’a pas mis en œuvre le co-management qu’il prônait ce qui a indisposé des Maires et membres de commissions s’estimant court-circuités. 

Crescent Marault s’est octroyé non seulement une indemnité forfaitaire de frais annuelle. Il s’est aussi offert la signature exclusive sans validation préalable par les commissions, des marchés en dessous d'un certain montant. Pour aller plus vite et décider comme « un chef de très petite entreprise TPE (5 salariés) » qu’il est.

A Auxerre les deux études commandées, dont la confection du plan de mandat à une officine de Lyon (copie toujours pas rendue), ont dû passer par le même type de circuit. 

Un plan de mandat vivement contesté au sein de l’Agglomération par Christophe Bonnefond qui avec son habitude de « taper dans la butte » n’a pas besoin qu’on lui emmène la pelle et le seau. Il sait ce qui est nécessaire pour l’Agglomération et n’attend pas de se faire diriger par un cabinet extérieur. Il a clairement exprimé son désaccord.

Le nouveau Maire d’Auxerre n’a pas hésité à produire une photo de lui-même en rugbyman, ballon ovale en main, dans le cadre de sa campagne électorale. 

Symbole des valeurs du terroir, du rugby et de son implication dans l’équipe B du Rugby Club Auxerrois qu’avait également courtisé avec bonheur Jean-Baptiste Lemoyne lors de sa première campagne des sénatoriales. Il en avait fait une carte de vœux pour l’an nouveau.

L'enfant de Charmoy né à la croix-rouge de Migennes autre fief du rugby, n’a pas l’habitude de participer au match jusqu’au bout : après le combat, la camaraderie festive de la troisième mi-temps. Pourquoi ? On ne le sait. Est-ce pour éviter de révéler une part intime, secrète de lui-même en des circonstances  où l’autre peut percer une partie de votre mystère … ? Pourquoi renier ce voyage vers l’autre quand on se présente en rugbyman ?

Valorisé voire placé sur un piédestal par feu Jean-Pierre Bosquet, élu d’opposition de toujours à Auxerre et autre rugbyman pilier lui qui a dégotté l’enfant de Charmoy à Saint-Georges-sur-Baulche, ainsi que par Christophe Bonnefond, maire de Venoy, lequel, un an avant les élections municipales de 2020, nous avait souligné la grande valeur de Crescent Marault en tant que gestionnaire et économiste, la jeune figure qui a longtemps travaillé dans le Loiret, jusque là inconnue à Auxerre, s’est délitée.

Le  nouveau Maire d’Auxerre a objectivement perdu tout son crédit au fil des semaines et des mois, même si il a joué l’évitement ou pris de l’aisance pour envoyer «promener »,  dès lors qu’il était accompagné de son équipe de cadres.

Il a déçu dans le monde économique institutionnel ceux qui croyaient en lui et pensaient qu’il allait agir en conséquence rapidement, conformément aux engagements de campagne d’autant que les projets ne manquent pas dans le domaine structurant et que des opportunités se sont présentées à la lisière du plan de relance bien lesté.


Muet et absent


Or Crescent Marault est demeuré muet comme absent dans le sens "abonnés absents". Pire, il  s’est éloigné et a pris des distances avec l’économie locale pour se porter à un plan régional comme s’il la zappait au profit de vagues études de prospection. Les recours imposés, auquel il a refusé de se plier dans un premier temps puis a accepté par obligation avec la Région avec laquelle il a du négocier le cofinancement partiel du contournement sud d’Auxerre en contrepartie de l’adoption du dossier hydrogène (bus et train + centrale de production et de stockage) rue de la Turgotine, anciens établissements Shell.

Pascal Henriat le transfuge politique des finances de l'anicenne équipe municipale à la nouvelle, ne dira pas le contraire qui est entré en opposition avec le Maire et le Directeur de Cabinet et semble attendre calmement son heure, en dehors des radars.

Dysfonctionnements, lenteurs administratives ajoutées aux conséquences du Covid-19 dans les services, sont le lot quotidien alors que la réorganisation des services autour de cinq pôles semble tarder à se concrétiser. Le nouveau DGS (directeur général des services) et le dircab (directeur de cabinet) nouveaux arrivés, sont les dépositaires du pouvoir, ceux à qui ont a laissé les clés du camion qui fonce dans le mur. Ils ne connaissent pas Auxerre pas plus que l’Yonne, même si l’on remarque l’implication du directeur de cabinet qui a pris attache avec un grand nombre de personnes animé d'une agilité démoniaque. A ce jour, il n'est pas exagéré d'affirmer qu'il connait mieux la ville, ses réseaux, ses projets politiques que le Maire.

Certains Maires de la communauté d’agglomération de l’Auxerrois ont formulé le vœu en petit comité, mi-février 2021, que le président démissionne car ils ne voulaient pas subir un "blocage" lié au cheminement judiciaire de son affaire à venir.
 
Idem et même scénario au PETR, établissement public regroupant des intercommunalités couvrant un bassin de 150 000 habitants en centre-yonne, pôle d'équilibre territorial et rural branché sur une système approprié de subventions (Europe, Etat, Région) ;  où, Crescent Marault, manifestement peu rompu à ce niveau de coopération intercommunale, a d’emblée plutôt divisé que rassemblé.

Il a d’abord fait semblant de proposer le poste de Président du PETR pour obtenir le premier affrontement entre François Boucher (Migennes) et Yves Delot (St-Florentin). Puis a bien mis la pagaille en supprimant les 4 postes de Vice Président pour n’en laisser qu’un et ainsi revoir le retour du combat Boucher / Delot pour le poste, qui a fini dans un pugilat.

Absent de la CDCI (commission départementale de la coopération intercommunale), lors du vote pour l’arbitrage de quatre communes souhaitant quitter la Communauté de Communes de Serein sur Armançon pour celle du Migennois, il s’est confirmé que Yves Delot qui a gagné, ne lui doit rien et que François Boucher qui a perdu, lui en voudra à jamais. Piètre stratègie politique dans une instance politique qui demande finesse et intelligence.  

 
Alternatives

 
Dans ce contexte fort particulier, quelles pourraient être les conséquences des démêlés judiciaires de Crescent Marault qui se trouve à la tête de 3 exécutifs, la Mairie, la Communauté d’Agglomération et le PETR.

Tiendra-t-il ou lâchera-t-il ses mandats dans un calendrier qu’il a déja ambitionné ?

Déjà soumis à une forte pression depuis le début son élection à la tête de la cité, avec une épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête, le premier Magistrat pourra-t-il tenir et faire front dans un milieu devenu par son comportement et son fameux « je ne fais pas de politique » suivi de « je ne suis que de passage », hostile ?

Crescent Marault a coutume de dire "quand il ne comprend pas à quoi ca sert, il ne fait pas" et il est persuadé, têtu, qu’il a raison tout seul. Alors face à la justice, comprendra-t-il ce qui lui arrive et ce qui va lui arriver ? Démissionnera-t-il, comme il s’est retiré de nombreux partenariats locaux afin de calmer le jeu et se ménager la possibilité d’assurer sa défense en toute sérénité ?

Ses colistiers, eux, ont des comportements différents selon les instances.

Sa position la plus fragile paraît être à la Présidence de la Communauté d’agglomération de l’Auxerrois, tout comme au PETR où il a réussi, en 10 mois, à créer une totale inertie et une réelle acrimonie entre les élus, alors qu’il s’agit d’un premier maillon de financement dans le cadre du CRTE (
contrat de relance et de transition écologique), du plan de relance et des finances Etat/Région.

Comment les Maires, qui ont été mis de côté durant ce début de mandature quand il n’a pas réussi à les faire se battre entre eux, vont-ils s’organiser pour trouver un successeur dans la gouvernance de l’Agglomération et du PETR, le temps de la décision de la justice c’est-à-dire à la louche, dans 24 mois ?

Surtout que les maires en question n’ont pas la main. Le règlement intérieur de la communauté d’agglomération de l’Auxerrois stipule que le président du conseil communautaire doit être un élu issu de la ville centre Auxerre. Dans ces conditions, la question est de savoir qui est légitime au sein du conseil municipal du chef lieu de l’Yonne pour succéder à Crescent Marault ?

La Mairie d’Auxerre c’est une tout autre affaire. Crescent Marault peut y rester « planqué » le temps de sa mandature en y rapatriant son directeur de cabinet et son DGS car ces derniers « mutualisés » auront bien du mal à demeurer à leurs fonctions après ce tsunami judiciaire rappelant trop « l’affaire Marault » et ayant pris des aises que personne n’apprécie. 

Ou bien - car le caractère de l’homme est entier et a déjà donné en ce sens en claquant la porte de la communauté de communes de l’Auxerrois alors qu’il était adjoint aux finances dans une autre vie - démissionnera-t-il de tous ses mandats, emportant un nombre suffisant de fidèles colistiers provoquant ainsi de nouvelles élections municipales, en passant le relais à celui qui l’avait lancé, Guillaume Larrivé qui, lui, s’était donné rendez-vous en 2026, pour prendre sa revanche de l’échec malheureux de 2014 et enfin conquérir l’Hôtel de Ville d’Auxerre ? Il aurait placé Marault en attendant, pensant qu’il ne pourrait pas gagner. Se présentera-t-il ?

Sans doute la réponse à ces questions dépendra-t-elle en bonne partie de la nature des qualifications pénales retenues par le Procureur et le juge d'instruction, dans le cadre des faits qui seraient reprochés à Crescent Marault.

A quoi serait-il exposé pénalement ? A une forte amende et à une période d’inégibilité à tout le moins, mais à une vraie perte de crédibilité dans l’opinion publique sans aucun doute.

L’affaire a d’ores et déjà, durablement, laissé des traces.

Sa traduction judiciaire ne saurait qu’y ajouter, décrédibilisant l'acteur, un homme qui demeure bien mystérieux. Enigmatique.

 

 

Pierre-Jules GAYE