L’image de la ville d’Auxerre, désastreuse, est en train de sombrer du côté obscur de la force, alors que la faute est personnifiée

 


S
i Crescent Maraut a d’emblée avoué et reconnu, à en croire son avocat, le « délit de prise illégale d’intérêt » ainsi qu’un « faux en écriture privé », il a fait savoir par Maître Vignet, alors qu’il était encore en garde à vue pendant 12 heures, qu’il ne démissionnerait pas de ses mandats.

Ces éléments partiels d’information, ont provoqué l’embarras de bien des acteurs locaux, à divers titre.

Assimiler les faits reprochés à une « boulette » commise dans l’intérêt de la collectivité située derrière les Hauts d’Auxerre revient à les banaliser. Relativiser les événements et affirme que tout continuera comme avant dans l’exercice des mandats du premier magistrat d’Auxerre, laisse rêveur.

Politiquement, cela plonge dans l'embarras le député LR Guillaume Larrivé, président de la Fédération LR de l’Yonne, l’homme qui a lancé et intronisé Crescent Marault, dès janvier 2019, dans la course aux élections municipales à la tête de la liste LR-Centre, "Auxerre au coeur, Soyons fiers d'Auxerre".

 

Cature d'écran l'Yonne républicaine



 Comment faire ?

Comment faire pour ne pas empoisonner les échéances électorales prévues en 2022 (élection présidentielle et élections législatives) ?

Car personne ne peut contraindre Crescent Marault s’il ne le veut pas. D’autant qu’il est connu pour n'en faire qu'à sa tête. Il incarne le contraire du godillot et du militant LR.

L’enfant de Charmoy est plutôt centriste et il a même eu sa carte à LREM. Auparavant, il fut le suppléant aux élections législatives de 2007, du Poyaudin Philippe Saulnier-Arrighi (Div droite), contre Jean-Pierre Soisson (Union pour un Mouvement populaire) député sortant.

À Moulins-sur-Ouanne, petite commune de l’Yonne de même pas 300 habitants, les Arrighi comptent. Paul Arrighi y fut maire pendant quarante ans, de 1936 à 1976, et la rue principale de la commune porte le nom de celui qui fut aussi membre de l’Assemblée consultative provisoire en 1945, après avoir dirigé un réseau de résistance. Aujourd’hui, c’est son descendant, Jean-Philippe Saulnier-Arrighi, qui occupe la petite mairie et s’en sert comme tremplin pour conquérir d’autres charges bien plus en vue. Déjà conseiller régional, il a été élu, à l’occasion d’une passe d’armes contre d’autres vieux barons locaux, président de la nouvelle communauté de communes de Puisaye-Forterre. C’est de là qu’il compte peser politiquement dans l’Yonne et dans la grande région Bourgogne-Franche-Comté, ainsi que face à des députés qu’il juge aujourd’hui « hors sol ». Et il le fera du côté du gouvernement, puisqu’il a quitté Les Républicains début 2019 pour devenir le patron du groupe Agir dans l’Yonne, le petit parti dirigé par le ministre de la Culture, Franck Riester. JPSA est pressenti, aujourd’hui, comme tête de liste (Agir) Renaissance aux élections régionales en compagnie de Murielle Vergès-Caullet (LREM, ex-PS).

Comment les citoyens attentifs ne sont pas complètement déboussolés par cette nouvelle configuration totalement inédite et improbable ?



Le délit est reconnu


En dehors de l’aspect politique, il y a, à la base, la gravité des faits reprochés à Crescent Marault.

Car, le délit est reconnu et puisqu'il existe, il implique nécessairement une réflexion en amont. Comme l'a laissé penser son avocat dans ses déclarations publiques.

Il était parti tranquille à cette audition et comme l’a indiqué par mail, de manière maladroite son directeur de cabinet ce mercredi 17 mars, à 14h30, à tous les élus de sa majorité : «
Crescent, qui est totalement serein sur ce dossier, souhaite évidemment répondre à l’ensemble des questions et produire tous les éléments factuels nécessaires à cette enquête ».

Replacé dans le contexte, cette phrase démentie deux heures plus tard par son avocat qui confirmait « la boulette » et les aveux, démontre un certain amateurisme et un certain sentiment de toute-puissance de cet exécutif.

Comment imaginer que le maire d’Auxerre, entrepreneur, avait sous-estimé le professionnalisme des enquêteurs policiers, aguerris aux méthodes de la garde à vue, les preuves accumulées au travers des perquisitions et auditions  de divers témoins ainsi que la confrontation avec Michel Ducroux son premier adjoint lorsqu’il était maire de St-Georges, pour avouer aussi vite et facilement, alors qu’il était juste allé remettre des documents ?

Quelle sera la suite judiciaire à l’enquête préliminaire en cours ?

Le procureur de la République de Sens où le dossier a été dépaysé pour les motifs que l’on peut facilement imaginer, a tracé les contours se démarquant objectivement et complètement de l'avocat du présumé coupable.

Crescent Marault ne devrait pas être fixé sur son sort avant plusieurs semaines, d'autant que le procureur de la République de Sens a indiqué, ce vendredi 19 mars, que l'étude du dossier économique et financier devrait prendre un peu de temps.

Soulignant le secret de l'enquête, le magistrat n'a pas souhaité commenter le fond de l'affaire. Il a toutefois précisé que la peine encourue, si les délits sont avérés, peut aussi amener l'inéligibilité du mis en cause. Rappelons que le code pénal prévoit une peine maximum de prison pouvant aller jusqu’à 5 ans et 500 000 euros d’amende pour « prise illégale d’intérêt ».

Au terme de l’enquête, le maire d’Auxerre pourrait en fonction des pièces trouvées dans le cadre des perquisitions, être présenté à un juge d’instruction, pour être éventuellement mis en examen, si le procureur ne le défèrait pas directement devant le tribunal correctionnel.

Les langues se délient


C’est dans ce contexte que nombre d’élus de l’Auxerrois et de l’Yonne ne souhaitent aucunement être amalgamés à Crescent Marault. Le judiciaire rejoint le politique.

Pour certains, les vraies décisions politiques devront se prendre avant les prochains conseils communautaire et municipal, programmés jeudi, pour ne pas entrainer Auxerre dans les ornières.

Les langues se délient depuis que Crescent Marault a été entendu par la police judiciaire d’Auxerre et chacun s’accorde à dire que des décisions doivent être prises avant une mise en examen prochaine, qui ne semble pas faire de doute dans l'entourage.

Crecent Marault, depuis 4 mois, ne sort guère de son bureau. Aujourd'hui Il semble bien décidé à tenir le siège en refusant de démissionner à en croire les affirmations péremptoires de son avocat.

Cette décision ne reviendrait-elle pas à prendre les élus et la population en otage, malgré ses « boulettes » voire d'autres problèmes ?

Les effets médiatiques en terme d’image sont dévastateurs y compris sur les réseaux  sociaux et ils vont s’amplifier au fil des étapes de la procédure jusqu’au jour du procès.

 

Jean-Pierre Soisson en colère



L’image de la ville d’Auxerre est d'ores et déjà abîmée, alors que la faute est incarnée. Crescent Marault ne devrait-il pas choisir de tirer les conséquences politiques de ses actes, et démissionner
pour ne pas entraîner la ville d’Auxerre dans un naufrage ?

On peut penser que ces faits et son attitude provoquent la colère de Jean-Pierre Soisson qui a toujours garder un oeil sur sa ville. L'ancien ministre maire n'avait pas apprécié que le candidat Marault, qui se dit entrepreneur et pas politique, ne lui rende pas visite pendant la campagne.

L’enquête en cours et les perquisitions qui ont eu lieu pourraient amener d'autres interrogations.

L'enquête tend aussi à vérifier la légalité d'autres dossiers qui pourraient être sensibles et intéresser la police judiciaire. Dont deux délibérations retoquées par la préfecture par le service de contrôle de légalité, à propos de la mise en oeuvre d'un lotissement.

Cela risque d’être long. Or Auxerre et l’Auxerrois doivent avancer.

 

Pierre-Jules GAYE

 

 

 


Le député président des LR 89 Guillaume Larrivé (à gauche) et Crescent Marault à l'AJA (capture Twitter)