Son avocate Maître Marie-Alix Canu-Bernard a assigné, vendredi matin, en référé le ministre de la Justice Michel Mercier devant le Tribunal de Grande Instance de Paris. Pour l'avocate, la décision de maintenir en détention Abdelhamid Hakkar est "manifestement illégale car entachée d'une erreur grossière".

La justice, en l'occurence la cour d'appel de Toulouse, avait une nouvelle fois rejeté, le 4 novembre, la demande de libération conditionnelle d'Abdelhamid Hakkar, détenu à la maison centrale d'Ensisheim, dans le Haut-Rhin.

Cet Algérien de 55 ans a été condamné pour le meurtre d'un policier à Auxerre, en 1984, qu'il nie avoir commis. Il est incarcéré depuis 26 ans.

C’est sans doute un des prisonniers de France le plus connu des services pénitentiaires et de la Chancellerie. Depuis son arrestation en 1984 à Auxerre, le Bisontin Abdelhamid Hakkar aura eu un parcours judiciaire assez exceptionnel. Aujourd’hui, la cour d’appel de Toulouse vient de lui refuser sa libération conditionnelle après pourtant l’ avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté et de l’examen de dangerosité de Bordeaux. Selon les experts, Abdelhamid Hakkar peut se réadapter à une vie hors de la prison et un travail l’attend dès sa sortie.

Bras de fer

Le 2 septembre 1984, Abdelhamid Hakkar est arrêté à Auxerre. Le 8 septembre 1989, la Cour d’Assises de l’Yonne condamne le Bisontin à la réclusion criminelle à perpétuité avec une période de sûreté de 18 ans pour les crimes de tentatives de meurtre, meurtre, vol avec arme, et délits connexes de vol avec violence, vol en état de récidive légale. Dés le départ, Abdelhamid Hakkar nie le meurtre du policier lors de la course poursuite dans les rues d’Auxerre et dés son incarcération il engage un bras de fer avec la justice et le monde carcéral.

De maison d’arrêts en centrale, il a fait le « tour de France » des prisons françaises et a suivi plusieurs grèves de la faim. En dix ans, son avocate maître Canu-Bernard a comptabilisé 45 transferts. Détenu en révolte, il a fait plusieurs tentatives d’évasion pour lesquelles il a été condamné à trois reprises à des peines allant de 18 mois à 8 ans d’emprisonnement. Au total, Abdelhamid Hakkar aura été mis à l’isolement pendant 5 ans.

Depuis 1999, il avait  abandonné la violence pour finalement mener son combat sur le terrain juridique, il se tourne alors vers les instances européennes. En 1995, la France est condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme. Cette Cour estime que la France a violé la Convention européenne des droits de l’homme, Abdelhamid Hakkar n’ayant pas été jugé dans un délai raisonnable et n'ayant pas bénéficié d’un avocat. Pour les mêmes motifs, la France  est de nouveau condamnée par le comité des ministres du conseil de l’Europe, cette fois-ci  l’Etat doit verser des dommages et intérêts à Abdelhamid Hakkar et la justice française doit remédier aux violations constatées. 

En 2006, parmi les "10 de Clairvaux", il avait réclamé le rétablissement de la peine de mort pour protester contre la situation des longues peines dans les prisons françaises. En 2008, il avait suivi une longue grève de la faim pour dénoncer le refus de la justice de le libérer. Cette fois-ci, il avait bon espoir.

La cour d'appel de Toulouse avait en effet "donné un accord de principe" à sa demande de libération par arrêt du 22 juillet dernier, relate son avocate, Me Marie-Alix Canu Bernard. Elle avait cependant ordonné un "complément d'information", dont le résultat s'est révélé en sa faveur, poursuit-elle.

Or, la cour d'appel de Toulouse, dans une autre composition, a contre toute attente rejeté, jeudi 4 novembre, cette demande de libération conditionnelle au motif que ce projet supposait que M. Hakkar puisse obtenir un titre de séjour pour travailler et rester en France pendant la durée de l'aménagement.

Selon l'avocate, cette décision "inique" est entachée d'une "erreur manifeste d'appréciation" car Abdelhamid Hakkar dispose d'une carte d'identié française "qui lui a été renouvelée le 16 septembre 2010". Placé "dans un étau judiciaire qui le contraint à reprendre l'intégralité de ses démarches", le détenu a décidé d'entamer une nouvelle grève de la faim.

La famille d'Abdelhamid Hakkar dénonce le "harcèlement sans nom, sans motif et surtout sans fin" qu'il subit. "Son cas symbolise véritablement l'acharnement judiciaire, c'est vraiment incompréhensible", se désole l'un de ses soutien