Avec son mari Roger ils ont pris l'annonce de la mort de Monsieur et Madame Soulbieu en pleine figure. «On a vu les ambulances et les pompiers quand on a ouvert les volets. On a essayé de savoir. On nous a répondu que c'était très grave».

Les époux Soulbieu, lui âgé de 54 ans et elle de 49 ans, sont morts dans la nuit, emportés par ce terrible monoxyde de carbone qui, chaque année, fait des dizaines et des dizaines de morts en France.

«Ca me fait mal car vous voyez, on donne de l'argent à la Grèce et on n'est pas capable d'aider des gens qui sont chez nous et qui ont eu le chauffage coupé, faute de moyens», lâche Anne-Marie. Elle est d'autant plus touchée que son petit-fils allait à l'école avec l'enfant décédé. «Ils ont même été dans la même classe à l'école Lucie Aubrac. Et je me souviens que l'année dernière, le petit qui vient de mourir, était arrivé à l'école avec des baskets trop grandes. Il avait expliqué que sa maman les avait achetées plus grandes pour qu'elles puissent lui faire plus longtemps».

Selon nos premières informations, le couple et son enfant ne faisaient pas l'objet d'un traitement social. La maman souffrait d'un handicap qui ne lui permettait pas de se déplacer facilement.
«Le père du gamin devait travailler. Il rentrait tous les matins. Je pense qu'il devait occuper un poste de garde ou de surveillance», explique Roger Conry. Avec son épouse, ils sont tous deux retraités depuis deux ans. Ils travaillaient dans une structure pour l'enfance à Blanzy.

Le fils de leurs voisins, il le voyaient souvent. «Si on ne voyait pas beaucoup les parents, avec lesquels ont n'avait pour ainsi dire aucune relation, par contre le gamin venait souvent chez nous, pour récupérer son petit chien qui se baladait et qui se sauvait tout le temps», explique Roger Conry.
Le couple de retraités savait que leurs voisins ne roulaient pas sur l'or. «Ils étaient en location et je me demande s'ils n'allaient pas partir, car je crois que la maison était en vente».

Repliés sur eux-mêmes

Le drame de ce jeudi matin avec trois morts, ironie du sort, s'est déroulé au lendemain de la visite que François Philizot, préfet de Saône-et-Loire, a effectué à Blanzy. Une visite qui, mercredi matin, concernait la précarité énergétique (lire notre article) avec un dispositif d'aide pour les propriétaires qui n'arrivent plus à faire face à leurs dépenses de chômage. Un dispositif qui ne pouvait pas s'appliquer à la famille Soulbieu qui n'était pas propriétaire de sa maison.

Se pose bien évidemment l'absence, semble-t-il, de prise en charge sociale de cette famille. Mais ce n'est pas forcément étonnant. «Ils étaient vraiment très repliés sur eux-mêmes. Quand ils étaient arrivés, comme leur chien n'arrêtait pas de venir chez nous, je leur avais signalé. Lui ne l'avait pas très bien pris, en me répondant qu'il était gitan d'origine et qu'on allait voir ce qu'on allait voir. Mais c'était sans doute sur le coup de l'énervement, car ensuite il n'y a jamais eu un problème», témoigne Roger Conry.
Il n'est donc pas forcément étonnant que cette famille qui ne faisait pas parler d'elle soit restée en marge. Il est entendu que des couples ont souvent, parfois, du mal à faire la démarche auprès des services sociaux. Et comme l'enfant ne semblait, à priori, pas en détresse sociale, au sens propre du terme, sans doute que personne au niveau de son école a pu mesurer combien la famille souffrait.

«Vous savez, par pudeur, les gens ne vous diront pas forcément qu'ils n'ont plus de chauffage, ou que le gaz leur a été coupé», souffle un acteur social.
Une enquête de Police a bien évidemment été ouverte, sous les ordres du Commissaire Brevet et Madame Mollier, susbtitut du Procureur de la République de Chalon-sur-Saône s'est rendue sur les lieux du drame.

                                                                                                              Alain BOLLERY