Fin 1691, huit jeunes filles de Salem, au Massachusetts - dont la nièce et la fille du pasteur – ont soudainement eu un comportement des plus étrange : elles étaient prises de convulsions de type épileptique, prenaient des poses indécentes, ne maîtrisaient plus la parole et déliraient … bref, n’étaient plus elles-mêmes. Et devant l’incapacité des médecins à découvrir un maux quelconque qu’ils pourraient soigner, il ne resta que le diagnostic de l’inconnu : elles étaient ensorcelées. Si on ajoute à cela que Tituba, l’esclave du pasteur, aurait montré quelques « trucs » voodoo aux jeunes-filles…  on a toute la recette pour un délire des bien-pensants contre les maléfices du démon.

 

La panique s’empare des esprits puritains et n’en fait qu’une bouchée. Les témoignages abondent, volontairement pour certains, arrachés sous la menace pour d’autres. On se dénonce, on croit avoir vu, compris, su depuis toujours.

 

Tout cela arrive à une époque où la communauté est affaiblie par divers facteurs. Charles II venait d'imposer un Gouverneur royal souverain et à qui il fallait maintenant se soumettre. Les Puritains se sentaient humiliés parce que ce drame prouvait qu’ils avaient failli dans leur mission. Ils craignaient aussi qu’ayant installé leurs terres sur des terres « sauvages » et donc dirigées par le démon, celui-ci ne rôde parmi eux. Quant aux jeunes filles, victimes de la société puritaine d’alors et du contrôle de leurs aînées sur leur vie, elles accusèrent des femmes moins jeunes, seul soulagement à leur frustration.  

 

 

Au mois de septembre 1692, le tribunal local jugea et condamna à mort 20 personnes. Le procès continua. Finalement l’affaire fit tant de bruit que la cour suprême repris le dossier et fit acquitter tout le monde, soit 150 personnes encore emprisonnées qui seront enfin libérées en 1693.

 

300 ans plus tard, une psychologue du comportement dans l’Etat de New York, Linnda Caporael, fut frappée de la similitude du comportement des sorcières avec celui des gens ayant absorbé … de l’ergot de seigle, qui provoque des spasmes, des hallucinations et la sensation que des animaux rampent sous la peau

 

En se référant  au journal tenu par un habitant de Salem ces années-là, elle a constaté que le printemps et l’été 1691 avaient été chauds, humides et pluvieux, l’idéal pour  l’apparition du champignon qui produira l’ergot de seigle.  A l’arrivée des colons sur cette côte de l’Atlantique, ils avaient trouvé en abondance un seigle sauvage local dont ils ne furent pas satisfaits car il rendait le bétail malade et fou. Il est possible que le champignon de l’ergot était déjà présent alors. Mais il se trouvait surtout dans les graines de seigle qu’ils amenèrent d’Angleterre pour remplacer la plante indigène. Les grains entreposés dans les greniers à la récolte ont servi au pain fait en cette fin d’année, moment auquel les 8 jeunes filles ont montré des signes d’intoxication, signes qui avaient complètement disparu au cours de l’été 1692.

 

Pour confirmer ses soupçons, Linnda Caporael a étudié soigneusement les témoignages recueillis à Pont Saint Esprit dans le Languedoc, où la dernière attaque d’ergot de seigle connue eut lieu en 1951.  

 

Il a donc suffit de quelques bouchées de pain pour rendre une ville tristement célèbre !

 

                                                                                   Suzanne Dejaer