En Bourgogne, comme partout en France, élèves et enseignants de Sciences Po ont rendu hommage à leur directeur, retrouvé mort à 53 ans dans une chambre d'hôtel de Manhattan à New-York
 

"Tous ceux qui ont eu l’occasion de le rencontrer lors de ses visites régulières à Dijon connaissent l’attachement de Richard Descoings à cette antenne de Sciences Po en terre bourguignonne", a rappelé Lukáš Macek, directeur du campus européen – Europe centrale et orientale de Sciences Po Paris à Dijon.

"C’est grâce à ce visionnaire, à son goût de l’innovation, à son énergie et sa force de persuasion, à sa volonté d’ouvrir Sciences Po sur le monde, mais aussi à son ambition et ses convictions profondément européennes, qu’est né ce campus."

Un rassemblement a eu lieu dans le jardin du campus, à Dijon. Un livre de condoléances est disponible à l’accueil du campus pendant les jours qui viennent.

Richard Descoings, le directeur de Sciences Po Paris, le 7 mai 2009.

Richard Descoings, un réformateur

En quatre mandats, Richard Descoings a profondément réformé Sciences Po. L'école s'est ouverte à des élèves de familles pauvres et aux étrangers (40% du total actuel). Six campus, dont celui de Dijon, ont été créés en province. La hausse des droits d'inscription a été tempérée par des bourses et le concours d'entrée a été réformé, etc.

Richard Descoings "a marqué son temps en imposant une nouvelle vision plus démocratique, plus dynamique et ouverte du monde de la formation supérieure dans notre pays", a déclaré François Patriat, président du conseil régional de Bourgogne.

"Cet établissement innovant a permis à des dizaines de jeunes Bourguignons et Francs-Comtois de débuter leurs études supérieures dans un contexte à la fois stimulant et de proximité. Spécialisée sur l’Europe Centrale et Orientale, cette antenne accueille également chaque année de brillants étudiants de pays européens, et qui sont autant de ponts culturels et économiques vers cette « nouvelle » Europe."

Un bilan impressionnant

Le bilan de Richard Descoings est impressionnant. Il a fait d’une école parisienne une quasi université de rang international, puisque l’effectif de Science Po frise aujourd'hui les 10.000 étudiants, dont plus d'un tiers d'étrangers. En 16 ans, c’est un considérable exploit qui fait ressortir, par contraste, l’immobilisme d'autres grandes écoles réputées.

On trouve pour partie l’inspiration et les clés de cet activisme dans un livre témoignage de 500 pages auquel Richard Descoings avait consacré beaucoup de temps : "Sciences Po, de La Courneuve à Shanghaï", publié en février 2007, à la veille de la présidentielle (ce qui n’était pas fortuit).

Deux points saillants ressortent de cet ouvrage. D’abord, un panégyrique du fondateur de Sciences Po, Emile Boutmy, auquel on a constamment  l’impression que Richard Descoings s’identifie. Ensuite, une vigoureuse charge contre l’interventionnisme de l’Etat dans les affaires de Sciences Po et une demande d’autonomie qui se concrétisera avec la loi LRU six mois plus tard.

Emile Boutmy crée l’Ecole libre des sciences politiques en 1871, dans le sillage du traumatisme de la défaite de 1870 contre la Prusse, humiliation pour les français qui se vivent depuis un siècle comme porteurs des Lumières (qu’ils croient devoir aller propager aux "colonies") . Guillaume 1er est proclamé Deutscher Kaiser dans la galerie des Glaces à Versailles.

Estimant que "c’est l’université de Berlin qui a triomphé à Sadowa", Emile Boutmy, et quelques autres, dont Jules Ferry – imputent la défaite au retard de l’école et l’université française.  D’où sa décision de fonder une "Ecole libre des sciences politiques".

"Libre signifie qu’elle veut ne rien devoir à l’Etat", soulignait Descoings, qui raconte comment s’y est pris Boutmy : "n’ayant pas un sou vaillant, il sut mobiliser un réseau d’hommes d’influence et de fortune qu’il avait su se constituer au fil des ans. Il sonna à toutes les portes pour constituer le capital d’une société par actions qui allait porter l’école (…) Il usait beaucoup de la presse pour faire évoluer les idées". C’est bien la "méthode Descoings" qu’on lit à cette évocation d’Emile Boutmy.  Il a fait beaucoup de choses grâce à des aides autres que publiques, et grâce à la presse.


 


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