Charles Monget paysan bourguignon, né en 1921, a connu deux crises économiques  mondiales majeures et  une guerre mondiale.

 

Photo Rémy Monget (D.R.)

 

Ce qui l’a marqué dans l’exercice de son métier d’agriculteur, c’est le passage de l’agriculture traditionnelle à l’agriculture industrielle née de la mécanisation et de l’intégration dans les circuits économiques intégrés liés à la consommation de masse.

Lorsqu’il est né, en 1921, dans son village, il n’avait ni électricité (elle est apparue en 1933), ni eau courante (il faudra attendre 1965). Une seule personne possédait une voiture, c’était l’instituteur.

Les paysans travaillaient avec des chevaux, et pratiquaient l’assolement triennal avec jachère. La polyculture élevage était pratiquée dans vallée de la Vingeanne natale. Chaque exploitation possédait son troupeau de vaches, quelques ouvrées de vigne et même une houblonnière. Le houblon s’est développé en Bourgogne après la guerre de 1870 et l’annexion de l’Alsace Lorraine.

La production de la ferme était consacrée aux besoins de la famille et du cheptel. Ils produisaient leurs propres semences, seul le surplus de la récolte était vendu. La plupart des aliments consommés par la famille du fermier étaient produits sur la ferme. Le repas était composé d’une potée quotidienne et d’œufs, pommes de terre, cancoillotte le soir. Le dimanche était le jour du bœuf bouilli ou de la volaille de la ferme.

 

Photo Rémy Monget (D.R.)

La plupart du matériel agricole était alors fabriqué par de petits artisans : charrons, maréchaux ferrants, bourreliers, cordonniers, meuniers gravitant autour du monde des laboureurs avec une vie semblable à eux. Les derniers faucheurs ont disparu avec la première guerre mondiale. L’industrialisation pointe déjà son nez avec les batteuses, les faucheuses et les lieuses fabriquées en usine et tractées par des chevaux. La société n’avait connu qu’une évolution lente étalée sur plusieurs siècles.

La révolution agricole corolaire à la modernisation du pays n’est guère arrivée somme toute qu’après la seconde guerre mondiale et la mise en application du plan Marshall. Les premiers tracteurs sont arrivés à la fin des années 40, l’outillage tracté a suivi. L’usage des engrais est arrivé, puis est venu en suite logique le temps de l’usage des pesticides, insecticides, fongicides.

Le grand bouleversement a été le remembrement à cause de l’abandon de l’assolement triennal avec jachère. De grandes parcelles sont constituées, difficilement exploitables avec un cheval.

L’impact sur le paysage est grand avec la disparition des haies et des bosquets et la transformation de certains en fossés puis en émissaire de drainage. La polyculture-élevage a perdu du terrain face à l’extension de la grande culture dans la vallée, certaines exploitations se spécialisant dans les grandes cultures, en particulier la culture céréalière.

D’une vingtaine d’agriculteurs dans son village, seule quatre exploitations subsistent  de nos jours.

Jeune homme il a effectué plusieurs séjours à la ferme à Boussenois chez sa tante et  son oncle où il a été très bien accueilli. Ces moments passés sur une autre exploitation agricole ont contribué à le former professionnellement, complétant ce que son père lui avait enseigné. Autrefois le jeune paysan apprenait son métier sans s'en rendre compte au fil des jours et des saisons avec ses parents.  Il a repris la ferme familiale en 1954, travaillant avec les chevaux uniquement jusqu’en 1976. C'est un des derniers agriculteurs du canton à avoir travaillé avec les chevaux de traits. Il a conservé ses chevaux jusqu’à sa retraite en 1981.Comme tous il a été contemporain de la modernisation de la France et des pays occidentaux en général.

Paysan à l’ancienne, ancien résistant, passionné d’histoire, attaché au terroir et aux traditions. Il a été à la fois acteur de l’histoire et passeur de mémoire.

 

                                                                        Rémy Monget