La Saint-Valentin, foire aux roses et chocolats, grand show commercial et fanfare Hallmark, immobilise pour un jour, malgré tout, les pendules à l’heure de l’amour. Qui ne dure pas toujours que trois petites années pour s’en aller. Et personne n’a encore su l’encercler de mots qui puissent le définir comme pour une pièce d’identité. Il a des visages et histoires multiples, selon ce qu’il représente pour chacun d’entre nous. Le voyage amoureux a un itinéraire personnel et le tracé qui rend Pierre et Jeanne heureux peut causer le désespoir de Jean et Pierrette.

 

Mais on ne peut manquer d’être touchés par la grâce de certaines amours dont le soleil ne s’est jamais couché.

 

Marc Chagall et Bella Rosenfeld. Un amour passionnel entre deux êtres différents. 29 ans d’amour interrompus par la mort de Bella, dont il mettra longtemps à se remettre. Pendant un an il cessera complètement de peindre. Elle volera dans ses tableaux, amoureuse , légère dans les airs et sa vie,  et tendre.

 

De leur rencontre, il dit :

 

" C'est comme si elle me connaissait depuis longtemps, comme si elle savait tout de mon enfance, de mon présent, de mon avenir, comme si elle veillait sur moi; j'ai senti que c'était elle ma femme, Je suis entré dans une maison nouvelle et j'en suis inséparable".

 

"… Je ne finissais aucun tableau, aucune gravure sans entendre ses "oui ou "non".

 

James Joyce et  Nora Barnacle. Ici aussi deux personnalités tout à fait différentes, et un amour bousculé de disputes, infidélités – et il existe autant de types d’infidélités que d’amours… - , réconciliations, et un attachement de 37 ans, intense et passionné, qui ne faiblira jamais. Il épousera Nora après 27 ans de vie commune.

 

Quand ils ne sont pas ensemble… elle lui manque horriblement :

 

“Ma Nora chérie,


Ça vient de me frapper. Je suis arrivé à 23 h 30. Depuis, je suis resté assis dans un fauteuil comme un fou. Je n’entends rien que ta voix. Je suis comme un fou et t’entends m’appeler « chéri ». J’ai insulté deux hommes aujourd’hui en les quittant froidement. Je voulais entendre ta voix, pas les leurs.

Quand je suis avec toi, je laisse de côté ma nature colérique et soupçonneuse. J’aimerais sentir ta tête sur mon épaule. Je pense que je vais aller dormir. »

 

Cette lettre est bien loin de celles, très descriptives et érotiques, dont il l’inondera aussi pour qu’elle n’oublie de lui aucun soupir, parfum ou bruit amoureux quand ils sont séparés.

 

Victor Hugo et Juliette Drouet, un amour de 50 ans qui ne prend pas une ride. Il est pourtant marié, et aura une autre liaison de plusieurs années, sans compter les aventures-éclair. Juliette conservera l’admiration née dans un amour tout neuf jusqu’au bout, et visiblement… il y trouvera tout ce que son cœur pouvait souhaiter. Elle lui envoie 22.000 lettres ou billets. Et jamais – ils continueront de se donner de tendres surnoms, Toto et Juju -  ils ne deviennent raisonnables dans leurs mots et élans :

 

« … Bonjour, mon Toto chéri, mon cher bien aimé, bonjour de tous mes voeux, de toutes mes pensées, de toutes mes lèvres et de tout mon cœur. Comment vas-tu ce matin mon petit homme ravissant ? Moi je vais très bien. J’ai dormi comme un sabot et maintenant je suis éveillée comme une portée de souris… » Juliette

 

[16 février 1833] Viens me chercher ce soir chez Mme K. Je t'aimerai jusque là pour prendre patience - et ce soir - oh ! - ce soir ce sera tout ! Je me donnerai à toi tout entière ». Juliette (leur amour est jeune : deux ans à peine)

 

« Quarante ans, ma bien-aimée. Cette nuit, il y aura quarante ans ! Que c'est beau, ce long amour. Mon amour, grand amour. Nous n'avons plus quarante ans devant nous sur la terre, mais hors de la terre nous avons l'éternité ». Victor Hugo.  

« Cinquante ans d'amour, c'est le plus beau des mariage » 16 ou 17 février 1883 », Victor Hugo 

« Qu’est-ce que fait la lumière, le jour et le soleil au pauvre aveugle ? Rien, rien, rien. Reviens bien vite, mon adoré, que je revive, que je chante, que je bénisse Dieu dans un de tes baisers. » Juliette (après 32 ans d’amour)

 

 

Louis Aragon et Elsa Triolet. Ils se rencontrent à l’aube de leurs 30 ans et couchent ensemble dès le premier soir. Ils sont tous les deux dans une poche anthracite de vie, où tout est laid et amer. Cette rencontre due à l’amour déguisé en simple désir les guérit de leur mal d’exister. Leur histoire ne s’éteindra que 42 ans plus tard, quand Elsa fermera ses yeux désormais célèbres. Pourtant là aussi, il y aura des infidélités et des larmes. Mais la simple vérité de ce qui les lie les a soudés.

 

''Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire / J'ai vu tous les soleils y venir se mirer / S'y jeter à mourir tous les désespérés / Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire.''

 

Aragon et Elsa

L’amour, oui, est bien à célébrer.

 

Il n’a pas besoin de son jour, c’est chaque matin que la présence de l’être aimé se remarque et s’apprécie, tout comme chaque soir accueille, au seuil de la nuit, des amants qui vont s’assoupir et sentir l’amour dans le silence d’un sommeil à deux. Joyeuse Saint-Valentin.

 

                                                                                        Suzanne DEJAER