Un élan passionné s’est pris d’amour pour sauver la maison de Colette… Non, ce n’est pas le temple d’une déesse, tout comme Colette n’est pas une déesse. Elle fut de chair – ô combien, chère Colette, de chair tu fus ! – et reste bien matérielle pour chacun de nous, avec son merveilleux côté pécheresse, gourmande, naturelle, intense, partageuse, sachant souffrir de tout son cœur et aimer de toute son âme. Et sauver sa maison, les murs qui ont vu tant de choses, larmes, soupirs, rires, coquetteries, plaisirs sentant la pomme et le tilleul frais, c’est ne pas réduire son passage à quelques photographies, enregistrements, mots imprimés sur des pages blanches ou jaunies. C’est laisser vivre le fantôme de sa pensée dans les lieux où elle a pris forme. C’est sauvegarder, comme dans une serre, cette précieuse fleur bourguignonne qui continue de resplendir, vive et aimée.

 

Maison de Colette -  Photo Nicolas Castets

 

Maison de Colette  - Photo Nicolas Castets

Les lieux historiques ont aussi leur fantôme attaché aux pierres, poutres, ou enlacés dans les branches, enfoncés dans les terriers, lovés sur les pierres. Là où sont tombés les guerriers de Vercingétorix est tombée leur sueur, rage, douleur, dernier appel vers un ami, un amour, un parent. Il en reste toujours un écho dans le vent, dans ce qui a poussé à la place de ce qui poussait alors, dans un rocher caché qui n’a pas bougé, dans une épée qui se détériore en silence dans un sol non encore fouillé, et dont la lame, pauvre dentelle de fer rongée par les siècles, se souvient de la gorge qu’elle a tranchée, de la voix qu’elle a fait taire.

La nef des cathédrales, que l’on croie ou non, vibre de l’invisible foi des hommes : prières, désespoirs, espoirs, remerciements, paisible certitude ou doutes qui rongent, le tout forme cet envol captif sous la voûte, qui fait trembler la flamme des bougies, nous fait parler à voix basse, impose à notre cœur un rythme tellurique, celui d’une mère originelle.

Les lieux contiennent, les lieux parlent, les lieux conservent, les lieux vivent. Les lieux nous enveloppent…

 

                                                                Suzanne DEJAER