PATRIMOINE
Décrypter les cryptes aux merveilles
le mardi 30 décembre 2014, 11:20 - PATRIMOINE - Lien permanent
L'abbaye Saint Germain, joyau serti dans les murs d'Auxerre, abrite dans ses cryptes les plus anciennes fresques murales mises à jour en France
Sculpture en bois polychrome représentant saint Germain l'Auxerrois datée du XVe siècle (DR)
Saint-Germain d’Auxerre a été protégée par des Saints attentifs et bienveillants de ces rénovateurs avides qui ont « restauré » la plupart des cryptes françaises à coups de nouvelles techniques, de théories, de délires architecturaux divers qui détruisent peu à peu les témoignages directs du lieu.
Il y a de cela bien longtemps, au 5ème siècle pour être plus précise, vivait un bon saint nommé Germain qui, à Auxerre, avait fait ériger un petit oratoire pour Saint Maurice d’Agaune. Et lorsque notre bon Saint Germain mourut à Ravenne en 448, on en ramena le corps pour l’inhumer dans l’oratoire. La reine Clotilde, la belle chrétienne Burgonde, épouse de Clovis, était une fervente du culte de Saint Germain d’Auxerre, et décida d’élever une église plus importante sur les lieux du tombeau.
Clovis et Clotilde - Antoine-Jean Gros, 1811
Plus de 300 ans plus tard, le Saint est toujours aussi vénéré, et Adélaïde d’Alsace fait agrandir le sanctuaire à la demande de son époux, le Comte Conrad 1er de Bourgogne, dont la vue a été sauvée par l’intercession bienveillante du Saint : en effet Conrad avait trouvé des herbes médicinales au pied de la sainte tombe, herbes qui l’avaient guéri. C’est à ces travaux nés de la gratitude que l’on doit les cryptes…
Ils seront présidés par ces quatre grands maîtres d’Auxerre : Heiric d’Auxerre, Rémi d’Auxerre, Murethach et Haymon d’Auxerre.
Ces fresques marquent un retour à la figuration, dont le but était de rendre la foi accessible à tous, avec des images qui marqueraient l’imagination et toucheraient les esprits. Le livre des illettrés, comme le recommandait Grégoire le Grand. Les scènes les plus nettes sont celles qui se trouvent dans la chapelle Saint Etienne – elles auraient été badigeonnées très tôt, ce qui explique leur magnifique conservation - et décrivent son martyre : La comparution devant le tribunal de Jérusalem, L’extase, et La lapidation.
D’autres, plus tardives, présentent le couronnement par le Christ des évêques Laurent et Vincent. Les peintures datent de l’époque initiale des transformations sous Conrad, soit le 9ème siècle, mais aussi du 14ème siècle, ainsi que des inscriptions, des poèmes, graffiti de plusieurs époques.
Pour celles de l’époque carolingienne, la technique est mixte (à frais et à sec), un mélange d’argile, de chaux et d’enduit dans lequel on a retrouvé des traces de paille, et des teintes variant de l’ocre rouge, jaune, du blanc et du gris-blanc. Les dessins préparatoires ont été réalisés « a fresco », c à d sur le support humide, tout comme les fonds, les grandes surfaces colorées, et l’application d’une teinte verte – le pseudo verdaccio – sur certaines parties de visages, les pieds et les mains. Par contre les tons moyens et plus sombres (les contours, plis des vêtements, ombres…), ainsi que le contour final et les rehauts en clair ont été travaillés à sec. On a élevé des échafaudages pour que les artistes posent les couleurs, en prenant leur temps – à sec.
Il y a de nombreux autres motifs décoratifs à observer, comme les fausses colonnes que l’on peut voir peintes sur les murs ou pilastres, ainsi que les motifs végétaux ornant les arcs et voûtes d’arête…
Imaginer ces lointains artistes de la foi participant à une œuvre qui a dépassé les ans avec une superbe jeunesse est motif d’émerveillement. Combien d’entre nous peuvent-ils croire qu’une de leur création naviguera presqu’intacte jusqu’aux rives du 32ème siècle ?
Bien que… les miracles existent…
Suzanne DEJAER
Commentaires
Merci donc aussi, bien sincèrement, à blueyes89... et bonne nuit!
Magnifique article où se mèlent le savoir faire artistique et technique de nos "anciens" et le spirituel, merveilleux "objet" de toute leur adoration. Magnifique article à la lecture fluide et éthérée.... Il m'a passionnée ! La période du Moyen Age est quelque peu obscure, vous avez dévoilé une petite fenêtre.
Merci beaucoup Madame Dejaer !
Merci RAVIN :)
Comme d'habitude...
Merci Madame Dejaer !