Assemblée nationale. Examen du projet de loi relatif à l’état d’urgence
Discours de Guillaume Larrivé, député (LR) de l’Yonne, au nom du groupe « Les Républicains », lors de la séance publique du jeudi 19 novembre 2015

 

"Monsieur le Président,
"Monsieur le Premier ministre,
"Madame et Messieurs les Ministres,
"Monsieur le Président de la commission des Lois,
"Mes chers collègues,

"Oui, il y a urgence.
Parce que nous aimons la France, et parce que nous avons l’honneur de représenter ici notre Nation, nous avons le devoir impérieux de protéger les Français. C’est la mission première de l’Etat - celle du pouvoir exécutif comme celle du pouvoir législatif.
C’est à nous qu’il revient d’assurer la paix civile, en garantissant à chacun des Français le droit de ne pas craindre pour sa vie, le droit de ne pas avoir peur, le droit de vivre en sécurité, le droit de vivre en liberté.

De tout cela, des ennemis mortels veulent nous priver.
Ce sont des islamistes armés de haine et de folie, qui veulent détruire, par la terreur la plus barbare, ce que nous avons de plus cher au monde, un art de vivre, une certaine idée de la civilisation.
Ces ennemis nous ont défiés depuis longtemps déjà.

Ils se sont armés.
Ils se sont préparés.
Ils se sont organisés.
Ils ont recruté.
Ils ont frappé.
Ils ont semé la mort, le deuil, la peine et la souffrance.
Ils nous menacent, à tout moment, de nouveaux attentats.
Mais nos ennemis ne nous priveront pas de notre dignité, parce que les Français savent résister et riposter, et parce que nos policiers, nos militaires, nos gendarmes font preuve d’immenses qualités humaines et professionnelles.

Nos ennemis seront vaincus, parce que la France toujours se relève.
Jacques Bainville, dans sa magistrale Histoire de France, nous en a avertis : si la France, au fil des siècles, est « souvent menacée dans son être », « elle ne tarde pas
à renaître à l’ordre et à l’autorité dont elle a le goût naturel et l’instinct… ».
Restaurer l’ordre public.
Réaffirmer l’autorité de l’Etat.
Voilà le cap qu’il faut enfin réussir à tenir.

Trop de faiblesse, au sommet, a fragilisé le pays, à sa base.
Le temps est désormais à l’action.

C’est pourquoi, Monsieur le Premier ministre, l’opposition républicaine approuve le revirement de la politique de sécurité de votre Gouvernement, ainsi que de sa politique étrangère en Syrie, car c’est bien une nouvelle stratégie, intérieure et extérieure, qui est nécessaire, aujourd’hui et dans la durée, pour gagner la guerre contre le pseudo-Etat islamique.
Cette nouvelle stratégie passe d’abord, sur le territoire national, par une action opérationnelle puissante, autorisée par l’état d’urgence.
Nous approuvons que l’état d’urgence ait été déclaré pour faire face au périlimminent qui menace la Nation.
Nous voterons sa prorogation et son adaptation, justifiées par les nécessitésde l’heure.
J’ajoute que nous n’avons pas à nous excuser d’utiliser le régime de l’état d’urgence.

Ceux qui, comme le Syndicat de la magistrature, déclarent que l’état d’urgence est « la suspension, même temporaire, de l’Etat de droit » et vont jusqu’à prétendre que « les mesures prises ne feront qu’ajouter le mal au mal », ceux-là commettent une faute politique et un contre-sens juridique. J’invite les membres de ce syndicat à se souvenir qu’ils sont les serviteurs de la Constitution et de la loi.

Le régime de l’état d’urgence est, par son objet et ses effets, pleinement conforme aux principes de notre République. La loi du 3 avril 1955 a été présentée dans cet Hémicycle par des hommes responsables, ayant le sens de l’Etat et de l’intérêt national, le président du Conseil Edgar Faure, le ministre de l’intérieur Maurice Bourgès-Maunoury et le Garde des Sceaux Robert Schuman.
Et plus tard, c’est sous la présidence éminente d’un militant inlassable des droits de l’homme, Daniel Mayer, que le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa décision du 25 janvier 1985, que la Constitution de 1958, celle du Général de Gaulle et de Michel Debré, n’a en rien abrogé la loi de 1955.
Je cite cette décision, car elle d’une grande clarté : « il appartient au législateur d’opérer la conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauvegarde de l’ordre public sans lequel l’exercice des libertés ne saurait être assuré » ; « si la Constitution, dans son article 36, vise expressément l’état de siège, elle n’a pas pour autant exclu la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d’état d’urgence pour concilier, comme il vient d’être dit, les exigences de la liberté et la sauvegarde de l’ordre public ».
Conforme à la Constitution, le régime de l’état d’urgence est également compatible avec la Convention européenne des droits de l’homme, comme l’a expressément jugé, sous la présidence de Renaud Denoix de Saint-Marc, un arrêt d’assemblée du Conseil d’Etat, Rolin et Boisvert, le 24 mars 2006.
Loin d’affaiblir l’Etat de droit en approuvant et en adaptant l’état d’urgence, nous le renforçons.
Car l’Etat de droit doit être fort.
S’il est faible, il n’est plus l’Etat et il n’y a plus de droit.
Nous voulons donc que l’état d’urgence donne aux préfets et aux forces de sécurité intérieure, dans les heures, les jours et les mois qui viennent, des pouvoirs de police administrative plus performants, indispensables pour obtenir une efficacité opérationnelle nouvelle.
Nous autorisons, avec l’état d’urgence, des perquisitions administratives, rapides et massives, de jour comme de nuit, pour qu’il y ait, très vite, moins d’armes dans les mains des terroristes.
Nous appelons le gouvernement – avec l’amendement présenté par le groupe Les Républicains, adopté hier par la commission des lois, avec l’avis favorable du Premier ministre -, à accélérer les procédures de dissolution des mosquées salafistes et de toutes les structures qui participent à des actes portant gravement atteinte à l’ordre public, les facilitent ou y incitent.
Et nous voulons, tout autant, que le gouvernement mette hors d’état de nuire les individus les plus dangereux. Leur place est en prison ou en résidence surveillée.
Certains doivent être arrêtés afin d’être incarcérés, sous un régime général relevant de l’autorité judiciaire, selon une logique répressive, distincte des
procédures permises par l’état d’urgence.
Et d’autres individus, notamment signalés par les services de renseignement, doivent faire l’objet d’une assignation à résidence, sous un régime spécial relevant de l’autorité administrative, selon une logique préventive, inhérente aux procédures permises par l’état d’urgence.
C’est pourquoi nous vous appelons à resserrer le régime de l’assignation à résidence, en l’assortissant de contraintes nouvelles.

L’assignation à résidence doit pouvoir être effectuée dans tout lieu décidé par le ministre de l’intérieur – un lieu qui peut donc être, le cas échéant, distinct
du domicile de l’individu.
Il nous paraît indispensable, de même, que le gouvernement reprenne notre proposition d’assignation à résidence, avec port d’un bracelet électronique, des individus à risque signalés par les services de renseignement.
Nous présentons, à cette fin, un amendement très important, guidé par une seule préoccupation, l’efficacité opérationnelle au service de la sécurité des
Français.
C’est cette même exigence, Monsieur le Premier ministre, qui nous conduit aussi à vous demander de revoir les conditions juridiques et pratiques dans lesquelles les forces de l’ordre peuvent faire usage de leurs armes.
A plusieurs reprises, depuis trois ans, nous avons présenté des propositions de loi pour créer un régime de présomption de légitime défense pour les policiers faisant usage de leurs armes.
Compte tenu de l’évolution de la menace, nous vous appelons également à renforcer l’armement des policiers du quotidien, qui sont en première ligne. Enfin, nous vous demandons d’autoriser les fonctionnaires de la police nationale, comme les militaires de la gendarmerie nationale, à pouvoir porter
leurs armes en dehors des heures de service.
Les amendements que nous présentons aujourd’hui sont ceux qui nous semblent devoir et pouvoir être immédiatement adoptés, dans le cadre du projet de loi sur l’état d’urgence.

D’autres mesures juridiques, que nous avons présentées à plusieurs reprises depuis plusieurs années, nous paraissent indispensables, comme la déchéance de la nationalité pour tous les terroristes binationaux, la pénalisation de la consultation des sites internet djihadistes, l’accélération des expulsions d’étrangers troublant l’ordre public, la fin de toutes les réductions de peines automatiques et l’extension de la rétention de sûreté aux terroristes à l’issue de leur peine de prison.
Nous vous appelons à les inscrire, au plus vite, dans d’autres projets de lois, pour qu’elles soient enfin appliquées, rapidement, efficacement, concrètement. Et s’il était démontré qu’une évolution constitutionnelle était nécessaire pour adopter nos propositions, alors nous soutiendrions une telle révision, car la sécurité des Français doit l’emporter.

"Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre,
Madame et Messieurs les Ministres,
Mes chers collègues,
"Partout en France, dans chacune de nos villes et dans chacun de nos villages, dans l’Hexagone comme dans les Outre-mer, les Français veulent que le pouvoir exerce le pouvoir.
"Soyons, ensemble, à la hauteur de cette exigence.
"C’est dans cet esprit que le groupe Les Républicains assume pleinement ses responsabilités, en approuvant la prorogation de l’état d’urgence et en renouvelant des propositions utiles à la France et aux Français."