" Un maroufle qui ne se bat que par règle d'arithmétique ! " (Mercutio mourant dans Roméo et Juliette)

 


André Villiers au milieu du gué (dans un drôle de bois) selon Dante et sa Comédie Humaine (DR)

 

Il est vrai que la règle arithmétique devait être l'argument d'André Villiers suivi par ses petits soldats pour résoudre d'un coup de baguette magique le problème qu'il a lui-même défini et échafaudé, inspiré par une saillie du pilier de rugby Yves Vecten qui ne croyait pas ainsi aplatir en terre promise.

Moins d'élèves, moins de classes, une démographie déprimée, voilà, on ferme le collège Bienvenu-Martin à Auxerre ; ce qui permet - car Villiers connaît bien, lui, la règle de trois - de construire un nouvel établissement dont le nord a besoin, la démographie poussant comme une hyperbole, alimentée par le rejet à la périphérie des franciliens en mal de terrain dortoir.

Une étude planquée dans un tiroir du conseil départemental depuis le mois de juin 2015, fut ressortie pour les besoins de la cause, qui montre mais ne démontre pas, qu'une des options serait donc de fermer le collège Bienvenu-Martin, les 375 élèves pouvant trouver refuge dans les autres collèges auxerrois quitte à augmenter la moyenne des effectifs en ville. Et chouette, voici une économie de 150 000 euros en fonctionnement. Une économie qui dès lors s'impose comme un postulat.

Seulement voilà, la délibération soumise au vote des conseillers départementaux de l'Yonne, vendredi aux alentours de midi et demi, consistait à proposer une seule réponse à une double question antinomique. Schizophrénique.

Si on ferme le collège Auxerrois le seul établissement relevant de l'éducation prioritaire (première question), on ouvre un collège dans le nord (deuxième question). On ne sait pas quand ni comment, ni où non plus qu'avec quel argent.

Ce collège fantôme hante les esprits comme les sorcières dans Macbeth, mais ne figure pas dans le plan pluriannuel d'investissement (PPI) du CD 89, plan réduit à l'état croupion pour le moment et communiqué voilà quelques jours seulement aux conseillers.

15 millions d'euros au bas mot à financer pour ce collège fantôme, alors que les caisses sont vides. À raison de 150 000 euros par an d'économie réalisée sur le dos de Bienvenu-Martin, il faudra un siècle pour amortir le futur hypothétique collège à construire dans le nord de l'Yonne.

Force est de constater qu'André Villiers manie bizarrement la règle à calcul. Mais le compas en revanche, il l'utilise comme bon lui semble, selon son humeur et les circonstances. Ce sont les pointes qu'il préfère pour piquer. La manière dont furent menés les débats, ce vendredi 1er juillet, les réponses qu'il fit, n'hésitant pas à attaquer sur le plan personnel certains opposants (Soret, Courtois) qui pensent autrement que lui, la pauvreté de l'argumentation contrastant avec celle d'intervenants tant dans les rangs de l'opposition que de la majorité, une incapacité confinant à l'infirmité à écouter l'autre et à le respecter dans son intégrité, ont stupéfait et laissé pantois plus d'un honorable citoyen, peu habitué à entendre ces joutes élaborées entre deux ponts de Pierre-Perthuis.

Madame Annie Partouche l'inspectrice d'académie a dû apprécier, il n'était qu'à voir son visage. Borné, aveugle et sourd, Villiers n'écoute que lui-même et suit son idée comme un taureau à l'enclos. Ce n'est pourtant pas faute de lui avoir tendu la main, jusque dans son camp profond. Et proposé des solutions nouvelles temporaires, pour sortir de l'ornière où il s'est affalé tout seul.

D'un mot, pas de vision, pas de colonne vertébrale, pas de méthode sinon le recours permanent aux ruses et au jeu. Il faut lui rendre cette grâce, il y excelle et adore. Son élection coup de poker en 2011 fut un chef d'oeuvre du genre, nous l'avons écrit et on s'en réjouit pour lui. Celle de 2015 fut d'un autre calibre : habillé d'un costume étoilé par l'appel anti-FN de Germigny que lui souffla Maurice Pianon en désespoir de cause in extremis entre les deux tours de scrutin, le maître à penser du Tonnerrois ; l'affaire marcha au point de mettre le FN au tapis au second tour des élections départementales binominales et paritaires. Mais le bougre trouva par surcroît comme une aubaine les ressources pour s'assurer quelques voix LR poussées par le député Larrivé bottes enfilées, soucieux de fermer la porte à son rival Lemoyne (ils ont le même âge), pour asseoir - enfin - une légitimité dans l'enceinte sacrée de la Pyramide à Auxerre.

Un épisode qui en dit long

 

Villiers vainqueur ne fut pas grand seigneur, il repoussa Jean-Baptiste Lemoyne dans les ténèbres avec l'absolution du sarkozyste Guillaume Larrivé. Cet épisode qui laissa interdit le profane, en dit long sur l'homme et le politique. Depuis c'est la navigation à vue d'autant plus facile pour lui que le contexte se délite de toutes parts. Et plus les problèmes surgissent plus Villiers est content de descendre dans l'arène pour faire le coup de poing et jouer comme un gamin. Il aime monter sur le ring ce qui est plutôt sympathique n'est-ce pas ? Une manière de montrer peut-être, une vie qui serait réduite aux acquêts.

Alors là, André Villiers, il peut sourire et montrer les biceps de paysan car c'est son métier, le métier qu'il revendique. Un métier immensément noble. Il fallait voir son visage épanoui, radieux, à la sortie de la séance du matin au conseil départemental, juste après le vote du nouveau schéma des collèges. Comme un gamin, heureux comme tout, du bon coup qu'il venait de jouer et réussir. Oui c'est lui le plus fort. C'est lui le meilleur.

Pendant ce temps là, la communauté des parents et enseignants qui avaient assisté aux débats était encore groggy, sous le coup, âpre et dur, qui venait d'être asséné.

 

      -  "Vous n'êtes rien pour moi, si ce n'est une fétide et pestilentielle congrégation de vapeurs." (Richard III)     

 

Pas un élu, pas un seul, vrai que tout le monde paraissait déboussolé comme les British après le Brexit, n'a eu l'humanité ou le courage de venir au-devant de ces femmes et hommes meurtris par l'exécution démocratique à 24 pour la mort de Bienvenu-Martin contre 14, 3 abstentions et 1 absence sans pouvoir pour un voyage-fuite en Islande. Quelques-uns, plus curieux sans doute, eurent des regards furtifs en direction du bas peuple de la ville, comme s'ils avaient affaire à des bêtes curieuses, pour constater à quel point elles étaient blessés. Mais qui étaient les bêtes ... les serpents, les vampires, les dragons venus phagociter leur vie professionnelle, intime, sociale, familaile ? 

André Villiers était content. Et s'en alla, avec les autres, déjeuner dans les celliers de la préfecture servi par un prestataire financé partiellement par ce petit peuple du quartier Bienvenu-Martin à populations fragiles (ppc Shakespeare). Content parce que sa majorité de 24 est derrière lui. C'est celle qu'il veut, qu'il aime. La vraie, celle qui l'a consacré et - enfin - légitimé.

Oui Villiers est légitime.

Les autres, il n'en veut pas car ils le gênent ces LR incarnant à ses yeux la droite bourgeoise, catho, dure et intello. Sans compter cette gauche bobo comme ce Nicolas Soret dont il n'hésite pas à dire en se marrant publiquement qu'il se la joue, qu'il se la pète...  Plus l'argumentation du Jovinien président de la comcom, mettait au jour les faiblesses et lacunes de l'exécutif et placait Villiers aux yeux de tous, en difficulté, et plus André Villiers était méchant. Le public ne s'y est pas trompé qui a applaudi, non pas l'avocat, mais la qualité de l'argumentation.

Oui le clan des bouseux, les pequenots ont gagné. Les vrais mecs quoi. Ceux qui ne se fatiguent pas le ciboulot inutilement.

Le problème c'est qu'on ne peut décemment placer tous les petits soldats Villiers dans la catégorie des bouseux encore que ce qualificatif est très loin d'être injurieux. Mais on en connaît qui n'aimeraient pas être ainsi qualifiés ... au contraire de Villiers le racinaire respectable rien que pour ça.

Après un tel réquisitoire, pourquoi chercher des circonstances atténuantes à ces votants bêlants autant que leurs intérêts ? C'est qu'on ne peut imaginer, un seul instant, qu'ils n'ont pas été sensibles aux arguments et au bon sens.

Pourquoi alors ? La loyauté à une majorité même si on n'est pas d'accord. C'est recevable et estimable. L'esprit d'analyse ? Il amène à penser que l'État, selon toute vraisemblance, ne fermera pas le collège Bienvenu-Martin à Auxerre. Donc puisque voter contre le nouveau schéma départemental des collèges revient à refuser la construction d'un nouveau collège dans le nord, ce serait suicidaire pour les élus du nord d'y souscrire. Votons fin, votons malin d'autant que tout ça ne sont que vulgaires péripéties.

Il est un troisième argument. Celle ou celui qui ne vote pas dans le sillage de Villiers est puni. Comment ? D'abord il subit les fortes pressions du cabinet et de Maître Ristorg, qui lui enfonce carrément la pointe du compas dans la chair, ensuite, on lui ferme le robinet. D'un mot, plus personne dans son canton ne bénéficiera des aides et autres subventions possibles en provenance du conseil départemental. L'élu qui ne bénéficie d'aucun autre support communautaire, est mort politiquement et les habitants du canton itou, s'il coupe le cordon ombilical. Ce que ne lui ont pas forcément demandé les électeurs qui l'ont porté.

 

     -  "Aussi ignoble qu'un crapaud" (Titus Andronicus)

 Slurp !

 

Gare à la force du symbole

 

Oui André Villiers, ou plus exactement le président du conseil départemental, joue sur du velours. Sa toute puissance autorise potentiellement toutes les dérives pour celui qui est braque. Braque, non pas qui braque, encore que, braque dans le sens chien qui chasse au flair, trainard, personne éclopée, lendore voire radoteur ; cinglé, timbré, écervelé, fantasque, en tout cas sec de caractère, brusque, autoritaire. (cfr dictionnaire)

  • Ce genre de chien est fort étourdi : il va, vient, court, jappe (...). Le braque est même plus qu'étourdi et distrait ; il a des absences d'esprit qui mettent ses actions en désaccord avec sa volonté (...). (Jean Hyacinthe Adonis Galoppe, Hommes et bêtes, 1862)

André Villiers est évidemment tout le contraire d'un braque. C'est un homme de terroir, de ruralité qu'il défend, n'hésitant pas à l'opposer aux villes - pot de terre contre pot de fer -  (au fait qu'a fait Villiers sénateur pour la ruralité... et l'Yonne.. ?) allant à l'encontre des tendances lourdes contre lesquelles personne ne peut rien, lui conférant des faux airs de Don Quichotte ou plutôt de Sergent Garcia mais ce rôle lui a été ravi par Christophe Bonnefond. L'homme qui commence à inquiéter Patrick Gendraud soi-même, maire de Chablis et premier vice-président du conseil départemental de l'Yonne.

Le vendredi soir du fameux vote qui conclut à la destruction d'un collège dont personne ne sait ce qu'il adviendra des installations de qualité, des élus départementaux n'en menaient pas large après leur victoire réalisant soudain, les conséquences sur le terrain de leur acte. À l'assemblée générale du RCA, Bonnefond continuait d'arborer son sourire.  Valérie Leuger qui a voté contre la fermeture du collège, elle, était livide, en jaune. La brèche, le bout d'humanité, ce fut Pascal Bourgeois.

Le Poyaudin sait, savait ce qu'il a fait, car il n'avait pas le choix sous peine de se voir comme chargé des sports 89, couper les vivres. L'homme qui n'est pas une machine, était désolé, meurtri et s'est rendu compte de l'énormité de la chose. Car la fermeture d'un collège est objectivement contraire à tout ce en quoi il croit et pour lequel il milite : l'émancipation, l'intégration, la promotion. Bourgeois sait qu'il a fait acte contre l'émancipation républicaine et nous savons qu'en son for intérieur il le regrette.

Oui, la décision du conseil déparrtemental de l'Yonne de fermer le collège Bienvenu-Martin d'Auxerre, est une des décisions les plus absurdes et imbéciles des deux derniers siècles.

Jean-Baptiste Bienvenu-Martin est un homme politique français membre du Parti républicain, radical et radical-socialiste, né le 22 juillet 1847 à Saint-Bris-le-Vineux (Yonne) et décédé le 10 décembre 1943 à Saint-Bris-le-Vineux. Il fut ministre de l'instruction publique, des Beaux arts et des cultes. Il fut aussi ministre de la Justice et du Travail.

Tout est dit. Il ne faut jamais sous-estimer la force d'un symbole.

Victor Hugo a écrit que fermer une école revient à ouvrir une prison.

Malika Ounès vice-présidente du conseil départemental de l'Yonne, n'a pas rénié ça. Elle. Ainsi que treize autres conseillers départementaux sur quarante deux.

Le pire dans cette affaire, c'est que nier la compétence des élus, revient à nier la démocratie ... Il reste que ce qui a été fait peut être défait.

C'est la loi de la République, l'édifice qui prévaut sur tout le reste. La loi produit de la raison.

 

Pierre-Jules GAYE

 

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(1) Maraud sans coeur (Tybalt dans Roméo et Juliette)

Alors déjà qu'un maraud, c'est pas cool, imaginez un maraud sans coeur (soit "sans courage") !