Il est Syrien et il a 20 ans. Il est arrivé dans l’Yonne il y a quelques mois, séparé de sa famille par une de ces lois bizarres qui gèrent la vie des réfugiés. Ils sont tous à Londres sauf lui. Il est tout jeune. Vingt ans, c’est un âge qui s’effraye vite quand la guerre vous a volé votre vie, votre petit quotidien, et vous a éparpillés dans des pays nouveaux, où certains vous sourient et d’autres regardent si vous n’avez pas un couteau dans la poche.

Il a été logé dans un minuscule studio de 29 m2, confortable et sécurisant. Sa propriétaire l’aide à mettre en pratique ses cours de français le lundi, et tente de lui éviter tout ce qui pourrait l’embarrasser dans son comportement. Il est si jeune, dit-elle, avec à la fois ce plaisir de s’en sortir, le courage de comprendre que sa vie est entre parenthèses pour l’instant – il étudiait la médecine – et puis l’excitation juvénile à l’idée que son père va bientôt pouvoir faire le voyage pour venir le voir.

Et là, un peu trop seul malgré les sourires et les aides – qui lui ressemble dans cette nouvelle vie ? – il a annoncé à sa propriétaire qu’il allait prendre un petit chien, pour avoir de la compagnie. Il n’a pas demandé, il a dit. Pas par arrogance, mais par jeunesse et mauvaise perception des règles de location. Et elle a été ferme. Non. Pourquoi ? Parce que c’est  trop petit, et que le règlement de la co-propriété l’interdit. Pourquoi ? Les voisins ont un chien... Oui mais leur logement a deux pièces et c’est un autre immeuble.

Déçu, il était bien déçu.

Alors une amie de sa propriétaire a senti son cœur se réchauffer. Elle tenait de sa grand-mère un petit chien de plomb, coulé en série mais peint aux couleurs et taches d’un chien favori, façon qu’on avait autrefois de « ne jamais oublier » un animal aimé.

Cette dame avait ce chien depuis son enfance, et il venait des profondeurs de l’enfance de sa grand-mère… mais elle lui a mis un nœud rouge au cou, et l’a emballé pour le jeune homme… Pour lui dire que bien que sa vie chez nous commence sur un chemin amer, il est le bienvenu, et que ce petit chien le lui rappellera dans les moments de trop grande solitude… Qu’elle le surnommait simplement « le petit Bobby » et qu’il lui appartenait donc  de lui donner un vrai nom…

 

       Suzanne DEJAER