En 2005, le CHS fait construire de nouveaux bâtiments, sur une partie des 14 hectares détenus par l'hôpital psychiatrique. Protégés au titre des monuments historiques, les pavillons de l'ancien asile ont été réhabilités en résidence de standing : le Clos des Vignes. (DR)

 

Le docteur Michel Thuillier, psychiatre et président de la commission médicale du centre hospitalier psychiatrique, est l'auteur d'un ouvrage en passe d'être publié par la Société des Sciences de l'Yonne, qui retrace l'histoire de l'institution auxerroise, des hommes et femmes qui l'ont animée et des événements survenus au fil du temps.

Notamment l'épisode de la guerre 40-45 où le centre hospitalier couvert par la Croix-Rouge sous l'occupation allemande fut aussi lieu d'emprisonnement et de tortures.
L'écrivain républicain espagnol Jorge Semprun y séjourna et fut torturé.
Chaque année, une cérémonie officielle discrète permet le recueillement devant une stèle commémorative.
La salle des tortures est encore accessible et visible. Elle est devenue un lieu sacré, au sens de "séparé".

 

 

 

Le Docteur Michel Thuillier y  évoque sa carrière et surtout l'histoire de l’établissement, en particulier sur le plan architectural et paysager, en le replaçant dans l’histoire de la psychiatrie en France.

Il est en effet arrivé dans cet établissement en 1971 comme interne du Docteur Scherrer. Il est nommé Médecin Chef en 1981, après 2 ans à la Charité sur Loire, il revint à Auxerre dès 1983 et vécut son évolution jusqu ’ à la construction de l ’ hôpital moderne, inauguré en 2005 ; il poursuit toujours son activité à ce jour.

En 1656, les Hôpitaux Généraux sont créés pour recueillir mendiants, indigents et malades mentaux. Auxerre est doté d’un établissement construit autour de la chapelle Notre - Dame de Lorette datant de 1500, qui sera reconstruite à plusieurs reprises, l’édifice actuel datant de 1760. Le mot « psychiatre » apparaît en 1808 avec le Docteur Reil en Allemagne ; le terme ne sera enregistré en France qu’en 1842 et restera peu usité jusqu’au XX° siècle : on parlait alors d’aliénistes.

Dès 1818, des réflexions se font jour pour réformer cette spécialité, dont l’apogée est 1838. En effet, en 1797, sous l’impulsion du Docteur Pinel, on prend conscience des mauvais traitements infligés aux aliénés à Bicêtre ; Pinel fait supprimer les fers.

La situation restera cependant très difficile jusqu’en 1950 et la découverte des premiers neuroleptiques et particulièrement le Largactil. Esquirol en 1850 à Charenton théorise la prise en charge des malades mentaux à la suite de la g rande loi du 30 juin 1838 qui ne sera abrogé e qu ’ en 1990 et régit le statut de ces malades, les modalités d ’ internement et de placement d’office et les droits des patients. Chaque département doit être doté d’un éta blissement spécifique, en règle au Chef-Lieu, à distance du centre-ville.

L’architecte est Boivin, le Médecin Chef assume également les fonctions de Directeur, Haussmann, préfet de l’Yonne en 1850 y laissera sa trace.

L’édifice se situe face à la prison , le long de la RN6 , en léger recul sur celle - ci avec son bâtiment central de Direction .

Le Médecin Chef régnait à la fois sur les malades et le personnel. L’hôpital fera école pour la construction des hôpitaux Saint-Anne à Paris et Ville - Évrard. Aux bâtiments en U sans étage pour raison de sécurité avant 1838, va succéder une architecture à un étage avec de vastes dortoirs. La construction se termine en 1854, mais des rajouts de bâtiments se poursuivent jusque dans les années 1950.

Considérés comme incurables et à isoler, on tentait d’occuper les patients, ce qui explique la ferme asile de Perrigny, implantée dans des bâtiments construits pour Rouget de la Bergerie et occupés en partie par la bibliothèque de Marchand (le fidèle serviteur de Napoléon ), après son retour en France ; ils sont achetés par l’hôpital en 1893.

Une réhabilitation sans médicament y étant développée dans d’une société fermée, ayant ses propres règles, avec des gardiens illettrés jusqu’en 1939. L’hôpital traverse une période extrêmement sombre pendant la Seconde Guerre Mondiale : transfert de patients et décès par malnutrition et tuberculose vidèrent l’hôpital en 1944, où les allemands s’y installèrent. Il atteint à nouveau 1200 patients en 1980.

La révolution apportée par le Largactil et l'Haldol dans la prise en charge des malades, puis le perfectionnement des recherches pour le développement de nouveaux neuroleptiques en diminuant les effets secondaires, ont permis de réduire considérablement les hospitalisations, avec 250 lits sur Auxerre et une centaine sur Sens et seulement 4 unités de 35 lits de court séjour pour l’ensemble du département.

Un propos illustré par de nombreuses reproductions de documents anciens et de clichés des bâtiments anciens et réhabilités et de l’hôpital moderne.  (Résumé par Monique CARON)

 

 

Une architecture destinée à aider les malades à guérir, pensaient les aliénistes de l'époque (DR)

 

Le Dr Michel Thuillier (à gauche) et Hervé Chevrier, administrateur à la Société des Sciences de l'Yonne qui édite le livre (DR)

 

Le docteur Michel Thuillier, psychiatre, président de la commission médicale au CHP d'Auxerre. Il y est entré en 1971 comme interne du docteur Pierre Scherrer une figure publique, créateur du cine-club, comme son fils Jean-Louis Scherrer grand couturier (DR)

 

 

Archives consultables


Les archives départementales de l'Yonne abritent, depuis l'année dernière, une partie des fonds du Centre Hospitalier Spécialisé. Les documents, référencés au préalable, ont été transférés du service d'archives du Centre hospitalier spécialisé aux archives départementales. 

Il s'agit des dossiers médicaux (comprenant la correspondance des patients), registres et autres certificats médicaux de 1838 à 1919 et des archives administratives et comptables de l'établissement de 1840 à 1950. Les dossiers médicaux sont consultables 125 ans après la naissance de l'individu ou 25 après sa mort, en cas de décès avéré (qui peut être prouvé). 

Ces documents sont consultables dans les locaux des archives, au 37 rue Saint-Germain, à Auxerre. Elles permettent autant d'en apprendre plus sur le traitement des personnes atteintes de troubles mentaux au 19e et au 20e siècle que de découvrir la Première guerre mondiale autrement (les soldats traumatisés étant souvent internés).