Le "89", une oeuvre d'art construite entre 1968 et 1970 conçue par le cabinet parisien Andrault et Parat (Photo Pierre Joly et Véra Cardot - 1970)

 

250 salariés du conseil départemental vont occuper les locaux sur trois niveaux. Depuis jeudi, le personnel du service de gestion des finances ont emmenagé et sont encore au milieu des cartons dans des bureaux lumineux et fonctionnels qu'ils disent appprécier (DR)

 

 

On l'a sous les yeux au quotidien.

On passe devant ou derrière sans prêter attention. Et pourtant on ne le remarque pas vraiment. Il est entré dans le paysage urbain des Hauts d'Auxerre. Banalisé. Démonétisé. Abandonné. Par le Crédit Agricole de l'Yonne. La banque verte qui en ces lieux fit le krach bancaire le plus gros de l'hexagone, avant celui du Lyonnais : 1 milliard et demi volatilisés. Le système de solidarité inter-caisses régionales permit d'éviter la liquidation.

C'était au début des années 90 du temps où Henri Nallet était député maire de Tonnerre et où Patrice Bourbier était à la barre. Le directeur général de la Caisse du Crédit agricole de l'Yonne jusqu'en 1993, a investi dans la banque-industrie et la promotion immobilière en France et en Espagne.

Un maître et un fin stratège, jamais condamné qui a  fait gagner de l'argent au territoire et à des industriels dont un Jovinien qui prit possession du premier groupe mondial de marquage des bêtes, le Néo-Zélandais All Flex grâce à une offre publique d'achat inconditionnelle. À un moment, l'équilibre entre bonnes et mauvaises affaires, s'est rompu et ce fut la fuite en avant dans le gouffre financier au nez et à la barbe des administrateurs paysans de l'Yonne. Qui ne pouvaient  comprendre goutte aux comptes éparpillés entre maison mère et filiales multiples.

Gouffre ? À l'image de l'édifice qui abritait le siège social de la banque verte de l'Yonne. Construit en 1970. Un bâtiment futuriste conçu par le cabinet parisien Andrault et Parat dont Roland Jehl, architecte à Auxerre (il roule aujourd'hui à vélo en ville) était collaborateur et chargé, entre 1968  et 1970 d'en réaliser l'exécution.

Gouffre pourquoi ? En 1970 il n'y avait aucune isolation de prévue dans les plans. C'était avant le premier choc pétrolier. Gouffre financier en termes d'énergie. Roland Jehl soi-même, l'architecte constructeur, a qualifié l'édifice construit entre 1968 et 1970 d'épave thermique dont le prix de vente devrait être de l'ordre de l'euro symbolique.

Le Crédit Agricole a réussi à céder la-dite épave au département de l'Yonne alors présidé par Henri de Raincourt en 2007 où la promesse de vente fut signée. Avec comme argument un gros chantage : si vous n'achetez pas, on s'en va dans l'Aube où on fusionne avec la caisse régionale champenoise. Dijon ne voulait pas d'Auxerre encore marquée par les remugles du krach. Le président du département réussit à négocier et le Crédit Agricole a construit ... en face un édifice du même type mais beaucoup plus petit, moins artistique et comprenant plusieurs entrées. Au 89, une seule entrée dans ce temple.

Le prix pour le département donc la collectivité ? 5,5 millions d'euros, négociés finalement à hauteur de 4,7 millions d'euros par H2R.

 

Le "89" figure de proue du département

 

L'acte de vente fut signé en 2009 sous la présidence de Jean-Marie Rolland. Découvrant après son élection en 2011, le niveau d'endettement de CD 89 (il a doublé de 2007 à 2011 passant de 128 millions d'euros à 250 millions d'euros) et les transactions, André Villiers le nouveau président, prit ses distances. Il décida avec l'assentiment de l'assemblée départementale de poursuivre le Crédit agricole en justice pour vice dans le contrat de vente. Le document diagnostic amiante obligatoire ne figurait pas dans le dossier de l'acte de vente notarié signé le 22 juillet 2009. Imbroglio. Puis finalement des années plus tard, compromis sans aller en justice. Divers éléments seraient entrés en ligne de compte, notamment le collège de Noyers-sur-Serein.

Bottom line, conclusion en une phrase, comme disent les Américains : aujourd'hui le département de l'Yonne a décidé de réhabiliter l'immeuble en éliminant l'amiante passive à tous les étages. Depuis quatre ans, le rez-de-chaussée est occupé par diverses associations sportives, les deux étages demeurant abandonnés, et pour cause.

Les travaux sur le premier des trois plots (bâtiments), ont débuté l'année dernière.  Soit 1 200 000 euros TTC par plot, et au total 3 600 000 millions d'euros TTC. Outre la mise en sécurité, aux normes de la mobilité pour personnes handicapées et le désamiantage, ces travaux permettent d'envisager des économies conséquentes en matière de dépenses de chauffage.

Chaque plot représente 282 m2 soit 2 538 m2 au total dans les deux étages du "89".

Actuellement, la consommation moyenne du bâtiment est de l'ordre de 700 000 kWh/an en électricité et de 1 600 000 kWh/an en consommation de gaz.

Et c'est ici que le conseil départemental de l'Yonne réalise un coup de génie par un retournement de concepts. Non seulement, il réhabilite, restaure et rend la vie à un édifice d'exception dont le dossier est à l'Unesco, mais il a mis en oeuvre les technologies nouvelles pour en faire un bâtiment non pas basse énergie mais producteur d'électricité destinée à alimenter plusieurs quartiers d'Auxerre.

Le sous-sol du bâtiment, immense, autrefois dédié partiellement aux coffres-forts de la banque verte, va recevoir les machines utiles à cette fin. L'idée est que les parties vitrées de l'immeuble transparent qui offre des vues incroyables sur la ville d'Auxerre et la campagne environnante, soient équipées de bandes fines presqu'invisibles, qui captent la chaleur et l'envoient vers le sous-sol pour être stockée et convertie en énergie utile consommable.

À terme, l'immeuble phare, étendard, du conseil départemental de l'Yonne, figure de proue surplombant la cité d'Auxerre, ne coûtera rien en énergie. Mieux, l'immeuble vraie centrale à production d'énergie, rapportera à la collectivité par la rétrocession de production d'électricité à EDF. (Poisson d'avril)

 

Pierre-Jules GAYE

  

 

 

La caméra d'AUXERRE TV à la conférence de presse au premier étage du "89". De gauche à droite, Christophe Lemeux membre du cabinet du président, Isabelle Joachina conseillère départementale d'Auxerre 3, Christophe Bonnefond son binôme, vice-président en charge des infrastructures et des travaux, Patrick Gendraud, 1er vice-président, André Villiers, président du CD 89, Sylvain Seigneur directeur général adjoint en charge du domaine technique et Didier Lavaud, directeur du service bâtiments  (DR)

 

Vue sur la cathédrale au travers d'une vitre encore sale (DR)

 

La réorganisation du patrimoine bâti du conseil départemental implique deux sites majeurs qui regrouperont tous les salariés travaillant pour le département : au "89" et rue du  IVème RI sur l'ancien site d'IDEA. L'immeuble et le parking de la rue de l'Étang-Vigile sont mis en vente ainsi que notamment l'immeuble et le terrain de l'ancienne École normale des filles rue Pasteur (DR)

 

Christophe Bonnefond, Patrick Gendraud et André Villiers (de gauche à droite) DR

 

De l'espace, de la lumière et une vue magnifique par dessus Auxerre (DR)