Ils étaient très remontés, les conseillers départementaux, vendredi matin, contre le plan régional de santé dont la loi prévoit qu'il doit leur être soumis pour avis (consultatif uniquement).

Remontés mais calmes, déterminés et résolus à argumenter. Tous ont porté. Certains arguments ont décrit des situations inouïes.

À se demander si dans les 650 pages du plan de technocrate en question, une seule page ou un seul paragraphe a trouvé grâce. Une humanitude, mot qui serait désormais à la mode, initié par la fameuse ARS, l'agence régionale de santé, dirigée par un polytechnicien de passage et en mission, qui n'a de comptes à rendre qu'à la ministre de la santé dont on se demande quel jeu elle joue.

Il faut bien admettre qu'en matière de déménagement et de mépris du territoire et des gens, ce plan régional de santé 2018-2023 est un petit chef d'oeuvre de maléfices. D'autant que démantèlement et fermetures sont inscrites in fine, dans le processus, irréversiblement.

Quand on voit ça, en détails, en mesurant les conséquences, la tentation serait grande de tourner le dos au système ultra libéral, pour rallier une économie dirigée au service du bien commun au service de la personne et de la communauté. En droit naturel, les intérêts particuliers doivent se fondre dans l'intérêt du bien commun. Ce bien commun n'a de sens que s'il est au service de l'homme, de la personne humaine - pas de l'humanitude - tandis que les personnes sont au service de la communauté.

Évidemment que les soins coûtent plus chers en zones rurales moins peuplées ! La communauté nationale doit effectuer les péréquations indispensables par la redistribution équitable des richesses.

 

On ne rigole pas

 

Les conseillers départementaux dans leur élan salvateur, et leur ardeur conquérante, celles et ceux-là même qui avaient massivement soutenu Fillon et Macron, cette assemblée de droite dominée par la pensée libérale, a accepté sans aucune restriction ni opposition, la proposition du Jovinien Nicolas Soret, de demander au gouvernement de réfléchir  à la remise en cause de la liberté d'installation des médecins. Pas moins ... Certes on sait l'élu Jovinien homme de conviction convaincant. Mais là c'est très fort.

Le fond, c'est que la situation qui est projetée au travers de ces débats suite à la lecture de cet horrible plan régional de santé, traduit l'impuissance et une forme de désespérance devant l'implaccable destin auquel l'Yonne, département rural par excellence, semblerait vouée à jamais. Comme si un rouleau-compresseur lui passait dessus, l'expression ayant été reprise à plusieurs reprises. Si on y ajoute un sentiment de mépris total, alors c'est la démocratie qui est remise en cause. Pas que la démocratie sanitaire. La démocratie tout court. Nier la compétence des élus c'est nier celle-ci. Devant une telle unanimité, la compétence technocratique va-t-elle rendre son tablier ? Ou bien ira-t-elle jusqu'au bout de la perfidie et de l'infamie dans sa cuisine obscure et pas aux normes ... ?

On peut craindre le pire.

Comme l'a dit Patrick Gendraud du haut de son perchoir partagé, l'Yonne est prête à devenir le dernier petit village gaulois et en serait fière, contre le méchant plan régional de santé publique au pays de l'égalité, de la liberté et de la fraternité, mots inscrits comme devise sur les frontons des édifices publics de nos mairies.

Il ne faut pas sous-estimer les Gaulois car il en reste de vrais, tel André Villiers député, fidèle au poste, présent, qui a dit ce qu'il avait à dire à sa façon, inimitable. À 63 ans, le bougre n'a jamais consulté un médecin. Pas même un vétérinaire. Il est vrai qu'il n'est pas du genre à donner facilement ses pattes.

Tout le monde, hélas ne peut en dire autant.

 

Pierre-Jules GAYE

 

 

 

 

Vendredi matin, au conseil départemental, la parole a circulé vivement pour dénoncer les mesures d'un plan qui n'irriguent pas les territoires mais les vident et les condamnent, avec un mépris absolu (DR)

 

La DELIBERATION


CONSIDERANT :

- la faiblesse des politiques de prévention,

- l’insuffisance des mesures complémentaires d’accompagnement (soins palliatifs via des équipes mobiles notamment, dispositifs post-hospitalisation) et de l’offre de gériatrie,

- l’impératif de favoriser la création de maisons de santé avec un soutien accru de l’État

- l’opportunité de développer des consultations de médecine générale dans les centres hospitaliers de proximité,

- la nécessité de mieux répartir les internes et médecins hospitaliers et de conserver à l’échelle du Département, un centre 15, et les services d’urgence (dont les moyens héliportés qui y sont rattachés)

- le risque de déport du sanitaire vers le médico-social,

- la logique de centralisation contradictoire avec l’objectif de proximité affichée,

- la prise en compte insuffisante du rôle et de la place des conseils départementaux dans la gouvernance,


LE CONSEIL DEPARTEMENTAL DECIDE :


- d’émettre un avis défavorable sur le Programme Régional de Santé (PRS) de Bourgogne-Franche-Comté 2018 – 2022,

- d’adopter la grille de recueil jointe étayant cet avis défavorable,

- d’autoriser le Président du Conseil Départemental à transmettre cet avis à Monsieur le Directeur Général de l’Agence Régionale de Santé Bourgogne-Franche-Comté,

- de demander à l’État que soit engagée une réflexion sur une orientation géographique de l’installation des médecins dans les zones en carence.

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Les argumentations

 

Christophe Bonnefond Auxerre :

 

 

Projet Régional de Santé – Bourgogne-Franche-Comté 

Schéma régional de santé 2018 / 2022

 

Volet secours

 

 

            Dans un contexte où l’Yonne, département rural de 340 000 habitants, est fortement impacté par la désertification médicale, la régulation et l’accès aux services d’urgences ont une place prépondérante dans l’attractivité du territoire de demain. La régulation et le traitement des urgences du département passent, en majeure partie, par le centre de régulation du 15, localisé au Centre Hospitalier d’Auxerre, directement ou par transfert du 18 et du 112. Cette localisation permet une prise en charge des urgences par des professionnels de santé ayant une connaissance accrue du territoire et de son organisation. Cette structuration efficiente est la condition incontournable à un système de soins de qualité et à une orientation fine vers les différentes solutions présentes sur le territoire.

De plus, le département se trouve sous la moyenne nationale (77 médecins pour 100 000 habitants) et sous la moyenne régionale (66 médecins pour 100 000 habitants) avec seulement 58 médecins pour 100 000 habitants, nombre en chute de 20 % depuis 2007. Ces chiffres nous montrent à quel point nous devons tout mettre en œuvre pour améliorer l’attractivité médicale de l’Yonne dans son ensemble plutôt que de se contenter de constater la situation.

 

Répartition des médecins urgentistes sur le territoire

 

            Au regret de constater une diminution des médecins urgentistes aggravée par une politique aggravée par une politique qui consiste indirectement à faire diminuer tous les 5 ans l’offre de soin par conséquence de l’inaction. Cette orientation n’est aucunement vertueuse pour les territoires, car la diminution de l’offre de soin entraîne une diminution de l’attractivité du territoire qui n’a d’autre effet que d’amoindrir l’arrivé des médecins.

A long terme, cette situation a une incidence sur l’activité et l’installation des médecins libéraux et sur les habitants. Elle ne peut, donc, perdurer sans causer la désertification du territoire.

 

Au regard de la répartition des médecins urgentistes sur le territoire, il serait opportun de favoriser l’installation des urgentistes dans les hôpitaux de proximité.

 

Le 15

 

Depuis longtemps, la dérive du soin, sans volonté claire de connexion, a transféré une part significative des secours à personnes auprès des sapeurs-pompiers.

 

De ce fait, nous arrivons aujourd’hui à une situation où 80 % des interventions effectuées par les sapeurs-pompiers sont des secours à personnes sans urgences systématique, voir à de simples transports vers des établissements médicaux.

 

Par conséquent, nous ne pouvons plus raisonner en organisation de la plateforme humaine du 15 sans prendre en compte l’activité de la plateforme humaine du 18. Surtout que les interventions sont gérées avec l’appui du médecin régulateur.

D’autant que la présence d’un centre de régulation au sein d’un hôpital est un atout majeur d’attractivité, notamment pour les internes effectuant leur choix d’établissement. Il apparaît donc indispensable pour le Département de l’Yonne placé entre 4 Régions administratives (Île-de-France, le Centre, La Bourgogne-Franche-Comté et le Grand-Est) de sauvegarder le sien.

Pour cela, nous devons nous organiser ensemble en mettant en cohérence l’ARS, le Conseil Départemental de l’Yonne, les Services des Sapeurs-pompiers et les ambulanciers privés.

À l’heure où une mission IGAS et IGA est à l’œuvre pour juger de l’efficience des plateformes du 15/18 comme celle d’Annecy, je déplore et trouve anormale que le Projet Régional de Santé indique à la page 554 un zéro dans le nombre d’installation SAMU CRRA 15. Il serait à mon sens plus constructif d’afficher un nombre d’installations : 0 ou 1.

 

Les urgences de proximité

 

Il est important de garder les urgences de proximité sur notre territoire en raison de leur pouvoir d’attractivité, mais aussi afin d’éviter tout transfert d’activité sanitaire vers les sapeurs-pompiers.

Ces dernières permettent d’accueillir et de rendre possible tous transports - arrivées ou transfert de jour comme de nuit en moins de 30 minutes.

Ce critère n’est pas à négliger dans une réalité où 80 % des sapeurs-pompiers sont volontaires. Ce pourcentage atteint même les 100 % dans les zones rurales.

Dans ce contexte, il devient problématique de faire appel aux sapeurs-pompiers volontaires systématiquement pour des missions trop longues ou trop décalés de la mission de secours (transport sanitaire et transport de longue distance +1h).

Le risque encouru est une démotivation du sapeur-pompier volontaire se traduisant par une mise en indisponibilité régulière de ce dernier auprès du CTA-CODIS.

Partant de ce constat, il serait opportun de garder tous les accueils d’urgences de proximité (Clamecy et Tonnerre mais aussi les autres à long terme) afin de permettre une prise en charge efficace et des délais de transports acceptable. Il est nécessaire que ces points d’accueil constituent au minimum un transfert de l’ambulance des pompiers vers une ambulance blanche.

En tant qu’élus du territoire, nous sommes légitimes pour porter les demandes en besoins éventuels d’assouplissements réglementaires auprès des parlementaires, sur le statut des médecins accueillants, la limitation des heures d’intérim ou autres, qui émaneront des concertations entre l’ARS, le Conseil Départemental, les Sapeurs-pompiers et tous les élus locaux.

Très peu d’élus locaux, quelques soit leur niveau de responsabilités ont été invité par l’ARS pour parler du projet de Plan Régional de Santé. C’est bien là l’illustration d’une ARS qui avance seule, au détriment des autres services et des territoires et qui conduit, tous les 5 ans, à un affaiblissement de nos territoires, au profit des villes métropoles. Il est indispensable que ce travail soit réalisé, conduit et piloté en concertation avec tous les élus locaux

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Nicolas Soret Joigny :  bien au-delà de s’opposer, il faut aussi proposer. Voici quelques orientations que j’ai pu porter ce matin, et qui viennent compléter les propositions du Président du Département.

Considérant qu’il nous est demandé de donner un avis sur le Projet Régional de Santé proposé par l’Agence Régionale de Santé de Bourgogne Franche-Comté,
Considérant que de plus en plus de territoires sont sinistrés sur tout ou partie de leur composante médicale et paramédicale, dont le nôtre,
Considérant qu’il est aujourd’hui de notre devoir de mettre en exergue les carences dont souffrent nos administrés,
Considérant que nous estimons que ce problème ne peut en aucun cas être solutionné par un seul acteur, nous nous inscrivons donc dans un processus souhaité de co-construction en faisant quelques propositions :

- Solliciter plus de moyens concrets dans la mise en place d’une véritable politique ambitieuse en matière de prévention.

- Mettre en place une offre de premier secours en renforçant les liens Ville – Hôpital et en décloisonnant les rôles des professionnels médicaux, paramédicaux et du secteur social.

- Ouvrir des consultations médicales, de type médecine générale, en mobilisant nos hopitaux de proximité, afin de permettre à la fois de répondre aux besoins de nos administrés, mais également de désengorger la médecine libérale et les urgences hospitalières.

- Développer sur le territoire la prise en charge du traitement de la douleur.

- Engager une réflexion sur un renforcement des moyens dans la mise en place des maisons de santé.

- Prendre des positions fermes et établir un programme d’actions afin de lutter contre les pesticides et les perturbateurs endocriniens.

- Avoir explicitement l’objectif de développer la prévention en direction des personnes âgées (vaccination, activité physique) en cohérence avec les programmes d’actions des conférences des financeurs notamment.

- Responsabiliser les services d’aides à domicile sur les risques de : chutes et/ou mauvaise accessibilité du domicile, dénutrition et/ou déshydratation de la personne, saturnisme et/ou manque d’hygiène du domicile, puis améliorer l’habitat dans des délais raisonnables pour le financement des adaptations.

- Mettre en place pour la gériatrie des procédures de sorties d’hôpital intégrées entre l’offre de soins hospitalière et l’offre de soins de ville.

- Augmenter le nombre d’internes accueillis dans l’Yonne, par la mise en œuvre d’une convention entre le CHU de Dijon et les CH limitrophes, ou avec chaque groupement hospitalier de territoire de l'Yonne pour redéfinir les lieux de stage dans le nouveau parcours d’internat, augmenter le nombre d’internes et notamment dans les spécialités où il y a des besoins et développer les stages auprès des médecins libéraux.

- Dans le cadre de l’accès aux urgences en moins de 30 minutes dans l'Yonne, nous souhaitons : le maintien de l’hélicoptère, le maintien d’un SAMU départemental et du 15 et le maintien des urgences jour et nuit des hôpitaux de Tonnerre, Avallon et Clamecy.

Surtout, j’ai suggéré que l’assemblée du conseil départemental de l’Yonne émette le vœu, en direction du Gouvernement, qu’un débat national, objectif, factuel, dépassionné, puisse avoir lieu sur la question de la liberté d’installation des médecins. Par nature, tous les arguments sont recevables, et les avis sont très tranchés sur cette question. Il faut les entendre. Il faut se donner les moyens d’organiser ce débat. Il faut peser le pour et le contre. Il faut entendre tout le monde. Mais on n’a pas le droit de s’interdire d’avoir ce débat. Cette proposition a été votée à l’unanimité de l’Assemblée !

 

À SUIVRE D'AUTRES INTERVENTIONS ÉCRITES