Le regard hypnotisant sous des sourcils brousailleux

 

 

C'est un avocat de premier plan. Un pénaliste qui compte parmi les meilleurs de France, régulièrement répertorié parmi les 100 meilleurs aux classements professionnels.

C'est un homme discret, secret, en dépit d'une gueule de séducteur beau gosse qui le sait et d'un bagoût que n'aurait pas négligé Audiart.

Certains n'hésitent pas à affirmer qu'il est difficile à cerner et sans doute à percer. Peut-être.

C'est un solitaire.

Pourquoi dérogerait-il à la règle ? Les humains sont cadenassés d'une manière ou d'une autre et, plus ou moins, selon les circonstances.

Bernard Revest est un homme attachant. Il exerce depuis 1973 ou 1974.

Au-delà des apparences et du vernis, l'homme a une vraie profondeur. Là gît son jardin secret qu'il cultive sans répit, remettant sans cesse sur le métier, pour effacer le doute et les angoisses qui tambourinent au quotidien. Il lit dans l'âme des gens comme il sait lire l'eau des rivières, mieux que quiconque.

Il est loin le temps où les rédacteurs en chef envoyaient les jeunes journaleux dans les bistrots, afin de savoir de quoi parlaient les gens, quelles étaient leurs préoccupations du moment. L'étudiant Revest à Dijon, il y a longtemps, dit avoir beaucoup appris dans les bistrots, sur la nature humaine et ses travers. Cela ne l'empêchait pas d'aller en cours dût-il en sécher quelques uns. C'est dans la vraie vie qu'il a appris, au contact de la grande comédie humaine et de ses personnages multiples.

Gros lecteur, assidu, l'avocat Auxerrois est un couche-tôt. C'est au lit qu'il dévore les journaux à commencer par la lecture du Monde, une habitude d'étudiant qui a traversé les décennies. La nature, les espaces et les voyages font partie de son jardin extraordinaire.

Bernard Revest est un passionné de pêche à la mouche. Une pêche qui est un art de vivre et une technique érigée en art voire en beauté absolue au moment où claque le fouet en harmonie avec le poisson. Il a pêché dans toutes les rivières des continents, du fin fond de la Russie à la Guyane en passant par l'Afrique, le Groenland, la Norvège et tutti quanti. Pas n'importe où. Sur des spots connus des initiés. La truite, le saumon ... y compris au Canada ou en Irlande.

C’est le meilleur et le plus cher, mais aussi le plus difficile à trouver : le saumon sauvage d’Atlantique. Au nord-ouest de l’Irlande, dans le comté du Mayo, il existe un paradis pour les pêcheurs à la mouche où l’on peut encore pêcher ce précieux saumon sauvage.« Un bon saumon irlandais pêché à la mouche, ça vaut 20 saumons pêchés au filet en Russie ! »

 

L'art premier

 

L'avocat pénaliste Auxerrois dont le cabinet n'a jamais varié, sis rue Berthelot près d'une ancienne chapelle désaffectée, la chapelle des grandes charités, et convertie en logement et surface commerciale, est aussi un passionné d'art premier ou primitif, Africain, entre autres. Les origines de l'homme primitif sont fascinantes. Le voyageur possède une petite collection d'objets qui lui ont parlé. Ils expriment l'homme traditionnel. Arts lointains, arts sauvages, méconnus parfois ignorés, pourtant si proches.

Féru de photographie et de peinture, amateur de belles lettres, de meubles design et de grosses cylindrées, Bernard Revest est un homme de culture qui ne l'étale pas, mais la vit pleinement croquant à pleines dents dans la vie.

De la somme des procès auxquels il a participé et où il a pesé, on pourrait facilement tirer quelques "Séries" de choix, dont il serait le témoin privilégié pour en avoir été un des principaux acteurs.

L'homme de droit est capable de mener des dossiers de front. Il possède de manière innée l’art du suspense ainsi qu'un sens aïgu du récit. Lorsqu'il parle, on l'écoute car on ne peut faire autrement, telle une musique avec des graves en résonnance qui capturent.

L'avocat fait corps avec ses clients. Quand il défend quelqu’un, on a l'impression que c’est à la vie à la mort. Je l'ai vu, un après-midi, à Paris, devant la 17 ème Chambre correctionnelle, transpirer dans sa robe noire, suer mais pas chanceler. Il était malade d'une crève, comme un chien. Il n'a pas lâché. Et a obtenu la relaxe de son client.

Il a défendu le marginal comme le bourgeois, indifféremment, s'attachant toujours à sonder l'homme ou la femme en face de lui venus lui expliquer leur affaire. Il  les scrutait levant puis baissant les yeux comme pour mieux les jauger, comme pour mieux voir et comprendre. Il cherchait la faille où entrer pour comprendre comment fonctionnait la personne et débusquer les vrais leviers. Non par quête de "la vérité" car les vérités sont multiples et floues, évolutives, mais pour mieux pouvoir défendre son client.

 

Fidélité

 

L'homme est un fidèle. À son engagement et en amitié.

Élu conseiller municipal dans l'équipe Soisson dont il fut adjoint à l'Éducation, il mena, en 2001, une aventure aux municipales à Auxerre et sa liste libérale, centriste, société civile, finalement Macron avant l'heure, termina  en troisième position, pas loin. Il voulut se retirer comme c'est l'usage démocratique, mais ses copains et amis l'en dissuadèrent convaincus que le coup était jouable. Il ne le fut pas.

Pour Bernard Revest, l'amitié n'est pas un vain mot. Le temps passe, elle reste quand il n'y a plus rien.

Bernard Revest a pourtant été encarté. À l'UAP, l'Union des pêcheurs de l'Auxerrois.

L'homme n'a jamais été dupe de lui-même non plus que de ses talents. Il n'a jamais aimé les honneurs.


Pierre-Jules GAYE

 

 

Madagascar (1997), une des rares pêches en mer. À l'espadon. Bernard Revest, rêveur, contemplant un coucher de soleil