Pour Patrick Gendraud président du conseil départemental, l'urgence la priorité est la relocalisation des classes avant la rentrée du lundi 7 janvier. Les services du Département ont été mis à disposition de l'inspection académique et de la principale du collège Bienvenu-Martin (DR)

 

 

 

C'est une tuile pour tout le monde : l'État, le Département, la ville d'Auxerre, les élèves, les familles, les enseignants, l'intendance, l'Éducation nationale.

La principale du collège Bienvenu-Martin à Auxerre classé en Réseau d'éducation prioritaire, a suspendu les cours, vendredi, et interdit l'accès au collège, la sécurité des élèves et enseignants n'étant plus assurée dans le bâtiment d'enseignement général.

Après la chute d'une fenêtre le 3 décembre, le conseil départemental a commandé une expertise laquelle conclut qu'il existe un risque avéré. Le collège accueille près de 402 élèves (capacité 500), venant des écoles d'Auxerre principalement, de Gurgy, Gy l'Evèque, Lindry et Vallan.
L'expertise conclut à "un risque avéré" sur les ouvrants du bâtiment, "ce qui ne permet pas de garantir la sécurité des élèves et des personnels dans le bâtiment d'enseignement principal, dont l'accès est désormais interdit", indiquait un communiqué commun de l'inspection académique et du Département.

Dire que cette information plonge le milieu dans l'affolement serait excessif, encore que, mais l'embarras est réel à tous les niveaux et d'autant plus qu'il pose questions.

Des contacts, une réunion entre la ville et l'inspection académique, des pourparlers informels, ont meublé le week end, depuis jeudi.

 

Deux ans de travaux ...

 

Selon nos informations, le collège n'ouvrira pas à la rentrée scolaire de janvier, et pour cause : c'est l'ensemble des façades des deux bâtiments qui doivent être refaites, la structure métallique des bâtiments ayant "bougé" au fil des ans.

Le coût serait estimé entre 4 et 5,5 millions d'euros, et les travaux devraient durer deux ans ...

Les quelques 402 élèves, enseignants, intendance et services administratifs vont devoir être relogés rapidement. C'est ce à quoi s'emploient l'inspection académique et la ville d'Auxerre. Et ce nest pas une mince affaire.

Par ailleurs, le Conseil départemental de l'Yonne à qui la compétence en matière de collèges échoit (*), va devoir prendre une décision alors que le budget 2019 n'est pas encore voté non plus que le débat sur les orientations budgétaires dans un contexte financier contraint qui l'a amené à la mi-décembre, à renoncer à la construction d'un quatrième collège dans le nord du département, qui apparemment ne s'impose pas à la lecture des projections de chiffres.

L'un des groupes de travail mis en place pour établir le schéma départemental des collèges de l'Yonne a confirmé, selon le préfet, en mars 2018, qu'il y avait "d'importants travaux d'accessibilité, d'isolation thermique, de réfection des façades et de la toiture" de l'établissement. Département et groupe de travail sont arrivés au même chiffre de 5,2 millions d'euros."

Dans ce schéma, c'est le collège de Pont-sur-Yonne qui doit être rénové en premier avec une enveloppe de 8,5 millions d'euros, un collège qui n'a pas été réhabilité depuis des décennies. Le maire de Pont-sur-Yonne Grégory Dorte y a usé ses fonds de culottes dans un cadre identique.

 

L'hypothèse d'une fermeture

 

On ne peut exclure l'hypothèse d'une "suspension voire d'une fermeture" du collège qui fut sur la sellette ces trois dernières années, le conseil départemental ayant décidé et voté à une large majorité sa fermeture sous l'ère de la présidence d'André Villiers, en juillet 2016. Un dossier douloureux, polémique qui a empoisonné l'ambiance dans le département jusqu'à ce que le préfet Patrice Latron refuse de signer l'arrêté de fermeture, en mars 2018, comme s'y était refusé son prédécesseur Jean-Christophe Moraud. Cette hypothèse effrayante raviverait des plaies qui ne sont pas encore guéries.

Cela dit la problématique est autre et s'inscrit dans un contexte nouveau.

La commission départementale mixte de sécurité qui donne les agréments en matière de constructions bâties, a donné des avis dont on peut penser qu'ils ont influencé les décideurs, en l'occurrence André Villiers et Patrice Latron.

L'ancien président du Département s'il a légitimement été vilipendé pour sa méthode brutale pour le moins, a aussi fondé sa conviction sur le rapport d'expertise datant de 2013, d'un cabinet dit indépendant le cabinet Meneghetti, une commande du CD 89. Ce rapport pointait les désordres architecturaux de l'établissement Bienvenu-Martin à Auxerre chiffrant le montant des travaux et les frais de fonctionnement importants. Autrement dit, les élus départementaux ne pouvaient pas ignorer la réalité, depuis la publication du rapport en question.

En fait était-il vraiment utile de recourir au Cabinet Veritas, en décembre 2018, pour faire la lumière sur ce dossier ? Il est vrai que ce fut après la chute de la fenêtre et cela a mis le feu aux poudres (1). Puisque le rapport fut rendu au président Patrick Gendraud le 19 décembre, concluant à l'état d'urgence, qui a motivé la suspension des cours et l'interdiction de pénétrer dans l'établissement.

 

 Le flou demeure

 

En revanche, un élément et non des moindres, était venu contrarier ce diagnostic. C'est l'expertise de la commission départementale de 'lYonne mixte de sécurité en matière de bâtiments. Qui a conclu, en février 2017, que le collège Bienvenu-Martin était "bon pour encore 5 ans" et validé son agrément. Le préfet de l'Yonne s'est forcément aussi fondé sur cet avis pour motiver sa décision de ne pas prendre un arrêté de fermeture.
Si le collège nécessite des travaux importants à l'extérieur, le préfet a rappelé le 6 mars 2018, lors de sa prise de décision de ne pas fermer, que l'intérieur était "bon et en tout état de cause, il ne présente aucun risque de sécurité. Il est aux normes de sécurité", affirmait le préfet, bien que l'établissement soit une structure de type Pailleron.Et a peut-être souffert comme d'autres bâtisses de la sécheresse cette année.

En ce qui concerne les besoins d'investissement pour réaliser ces travaux de rénovation et de sauvegarde, le préfet Patrice Latron ainsi que le secrétaire d'État Jean-Baptiste Lemoyne, avaient affirmé que l'État participerait de manière efficiente qui couvrirait la dépense totale d'investissement sans autre précision. Aujourd'hui encore on reste dans le flou. Étaient-ce des propos apaisants dans le contexte de la décision de non fermeture pour rassurer les élus d'u conseil départemental aux finances taries et à l'endettement saturé à 250 millions d'euros ? Ou seront-ils, le moment venu, réellement concrétisés par des espèces sonnantes et trébuchantes, comme dit et promis ?

La validation par la commission départementale de sécurité met en cause la crédibilité de cette dernière. Mais on ne va pas lui jeter la pierre car si les experts ne se trompaient jamais, cela se saurait.

Ce qui est plus troublant c'est la différence d'appréciation du cabinet Meneghetti, en 2013, avec celle de ladite commission départementale. Au point qu'on peut se demander si les uns et les autres ont adopté la bonne stratégie dans ce dossier dont il apparaît qu'il est soumis au gré du vent et de coups de vent forts qui désossent les façades chétives. Et les postures.

À la décharge - mais est-ce une décharge ? - des élus, l'urgence des travaux à effectuer n'est jamais apparue et aucune sonnette d'alarme n'a été tirée. Si le risque avait été mis en avant, les choses auraient, peut-être, pris un autre tour. Cela dit, tout avait été clairement identifié, décrit et écrit, dès 2013. Comme pour tous les collèges.

 

Pierre-Jules GAYE

 

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(*) Le département a la responsabilié de la construction, de l'entretien, du fonctionnement  des collèges pour tout ce qui n'est pas enseignement.

(1) Lorsque la principale du collège Bienvenu-Martin a informé le conseil départemental de la chute d'une fenêtre, le président Patrick Gendraud a aussitôt fait venir une entreprise de Vermenton pour parer au plus pressé. Des desordres dans la façade ont amené l'entreprise a poser des agrafes autour des fenêtres. Parrallèlement, une expertise a été demandée au cabinet Veritas qui a rendu son rapport au président Gendraud, le 19 décembre à 16h45. Ce dernier l'a aussitôt transmis à la principale et à l'inspection académique. C'est à elles que revenait la décision finale. Elles ont décidé de suspendre et interdire l'accès, le 20 décembre, décision effective le vendredi 21 décembre.

 

 

Le collège Bienvenu-Martin tel qu'il apparaît de la rue (DR)

 

 

Question à ...

André Villiers : " des risques inconsidérés au regard de la sécurité"

 

 

 

"Je ne veux pas fanfaronner dans cette histoire.

"Simplement rappeler que ces bâtiments sont estampillés "Pailleron"ce qui ne constitue pas le meilleur gage architectural.

"Dans la décision, nous avions pris un soin particulier à intégrer l'investissement nécessaire à la remise en ordre des bâtiments. L'estimation ressortait à 5 M€.

"Je rappelle que Jean-Baptiste Lemoyne, en s'opposant à la fermeture de l'établissement, se faisait fort de trouver 2M € !.... et le Prefet, le reste au tiire de la politique de la Ville !

"Sans jouer les Cassandres, je pense que le Prefet a pris des risques inconsidérés au regard de la sécurité.

"... Je donne mon billet que les collèges auxerrois recèleront suffisamment de place pour accueillir "provisoirement" les enfants scolarisés à Bienvenu-Martin (alinéa 2 de la délibération du 14/12/18, traduction : optimisation des moyens existants )

"Enfin je suggère que le Conseil Départemental commandite une étude auxerroise du même type que celle qui a prévalu afin d'étayer la décision de ne pas construire au nord de département. "