Le directeur général des services du conseil départemental, Michelle Uribarri, au secours du président

 

 

En clair, d'un mot, le conseil départemental de l'Yonne est hors délais depuis le 1er octobre, dans la procédure de cession des actions qu'il possède dans la SEM Yonne Équipement et que la loi NOTRe lui impose de céder avant le 31 décembre 2016 aux intercommunalités de l'Yonne, comme décidé.

Des élus divers, dont le Jovinien Nicolas Soret une des figures de proue de l'assemblée départementale, avaient tiré la sonnette d'alarme à plusieurs reprises en temps voulu. Mais l'exécutif a fait la sourde oreille et c'est au dernier moment, c'est-à-dire trop tard compte tenu des délais de procédures, qu'il a fait valider la vente des actions (délibération du 26 novembre) en se rangeant à la proposition des intercommunalités de l'Yonne formulée par le coordonateur et président des maires 89, Mahfoud Aomar.

Or la loi NOTRe a été promulgée le 7 août 2015 et l'assemblée départementale a été saisie le 25 août 2015 par Michel Pisani président de la SEM Yonne Équipement afin de pouvoir travailler sur les hypothèses en fonction de la stratégie décidée par le Département. Les élus départementaux n'ont donc pas été pris par surprise.

Maurice Pianon, vice-président du CD 89, président de la commission du développement économique, sorti pour une fois de sa réserve, a prononcé une communication, en toute fin de séance de l'assemblée départementale réunie, vendredi matin, pour faire le point sur la cession des actions et le calendrier qui en découlait. Cette communication débouchait sur une pochette surprise sous la forme d'une proposition de délibération - décision modificative - soumise au vote de l'assemblée.

Elle consiste à prendre acte des évolutions qui doivent conduire à la cession des actions avant le 31 décembre 2016, hors les paiements et les mouvements financiers physiques, prévus début janvier 2017. C'est-à-dire hors des délais prévus par la loi NOTRe. Tiens tiens : le même Maurice Pianon n'avait-t-il pas affirmé à qui voulait l'entendre être dans les temps, vendredi 25 novembre ? En somme il s'est mis lui-même un croc-en-jambe, lui que l'on n'a jamais vu présent sur ce dossier depuis août 2015 et la promulgation de la loi NOTRe.

 

Un raid à la Bolloré

 

Maurice Pianon a fait savoir que le conseil d'administration de la SEM Yonne Équipement s'était réuni le 6 décembre sous la présidence de Michel Pisani et avait validé et "agréé" la cession des actions (clause d'agrément) comme le prévoit la procédure légale. Une assemblée générale ordinaire de nature extraordinaire de tous les actionnaires est par ailleurs convoquée quinze jours après, le 22 décembre, à la demande de l'actionnaire majoritaire le conseil départemental de l'Yonne. Cette assemblée sera présidée non par André Villiers représentant l'actionnaire majoritaire, le CD 89, mais par Alain Drouhin président de l'association Yonne Développement qui possède 3% des actions dans la SEM Yonne Équipement.

L'assemblée générale ordinaire extraordinaire de la SEM Yonne Équipement du 22 décembre a pour objet de valider la distribution exceptionnelle de 1 million de dividendes à tous les actionnaires dont le département, à proportion de leur niveau d'actions, qui seront prélevés sur les réserves, dont 520 000 euros au seul conseil départemental propriétaire de 52% des actions. Un stratagème trouvé afin de compléter la vente des actions (78 197) négociées à 20,17 euros l'unité, le total correspondant aux 2,1 millions d'euros de recettes programmées en début d'année au budget 2016. 

Cette opération aura  l'avantage de faire rentrer 520 000 euros de recettes de fonctionnement (rémunération des fonctionnaires) dans les caisses du conseil départemental, sur l'exercice budgétaire qui s'achève au 31 décembre. Mais encore faut-il que l'assemblée générale extraordinaire en décide ainsi. 

Comme il n'y a pas de clôture des comptes et qu'il n'y a pas les délibérations signées des intercommunalités actant la cession d'actions, André Villiers objectivement s'apprête à réaliser un "raid à la Bolloré" pour prendre l'argent dans la caisse de Yonne Équipement. Il peut en effet le décider, à lui tout seul, en tant qu'actionnaire majoritaire.

 

La DGS au micro présidentiel

 

Il suffit cependant d'une anicroche pour que la  vente capote. Un imprévu, comme le fit remarquer à la tribune en assemblée plénière Madame Michelle Uribarri, directeur général des services du conseil départemental de l'Yonne. Une intervention destinée à éclairer les élus dont nombre ne comprenaient pas ou feignaient de ne pas comprendre la question demandée dans le projet de délibération proposé par Maurice Pianon d'autant qu'ils avaient déjà délibéré sur la question, le 25 novembre.

L'administration contrainte de tenter de sauver la mise aux inconséquences des élus, en venant s'exprimer au micro du président, c'est une image qui restera dans les mémoires et dans les annales.

La DGS prit comme exemple "d'imprévu" la non signature par exemple d'une intercommunalité qui annulerait la cession, ou tout autre imprévu imprévisible par définition. Précisons que l'acte de cession adopté par les membres de l'assemblée departementale prévoit dans son article 4, les conditions suspensives de l'acte.

Il faut savoir que le cadre chronologique d'une cession est de trois mois légaux. En délibérant le 25 novembre sur la cession, ni l'administration ni l'exécutif ne pouvaient pas ne pas savoir que l'opération s'effectuerait hors délai. Des observateurs attentifs avaient d'ailleurs émis l'hypothèse que  l'intention masquée de l'exécutif était de faire capoter l'affaire et provoquer la liquidation de la SEM Yonne Équipement et de la dépouiller. On penchera plutôt pour le fait qu'il ne mesurait pas les conséquences de ses actes.

Lié en partie à ce dossier, il y a celui d'un autre satellite du département, Yonne Active Création initialement conçue avec une vocation sociale d'insertion par l'emploi comme le justifie le marché du Sasti (insertion à l'international) que lui a délégué il y a six mois le conseil départemental. Depuis 18 mois, Yonne Active Création a statutairement ajouté une compétence économique à son activité dans la perspective de devenir une agence de développement qui eut pu faire double emploi avec Yonne développement.

La question se pose donc du maintien des deux objets sociaux ou d'un seul. Le département a injecté 1,7 millions d'euros dans YAC. Si la structure est reprise par la région ou les intercommunalités, une option mise sur la table par Malika Ounès vice-présidente du CD 89 et présidente de Yonne Active création, le département abandonnerait, contraint, ces fonds qui sont objectivement verrouillés car éparpillés et sanctuarisés.

Le préfet le nez dans YAC

 

Si le département veut récupérer les 1,7 millions d'euros injectés sous forme de prêts, il pourrait réduire le périmètre des statuts de YAC à son objet social d'insertion. Retour aux sources. Autre cas de figure, la liquidation de YAC pour retrouver les fonds ? Et créer une nouvelle structure identique ?

Enfin, qu'en est-il de la réponse au courrier du préfet de l'Yonne à YAC qui d'une part demande une visibilité sur la séparation des fonds en fonction des activités et d'autre part indiquant que la présidente n'avait pas vocation à présider l'outil économique comme représentante d'une collectivité le CD 89, qui a perdu la compétence économique ? Malika Ounès qui exerce cette responsabilité non rémunérée, n'a par ailleurs guère de temps disponible. C'est sans doute la raison pour laquelle elle a délégué ses pouvoirs aux vice-présidents.

Par ailleurs, des évaluations et contrôles jamais effectués jusqu'ici, sont en cours qui doivent permettre d'apprécier la politique sociale menée et de la corriger le cas échéant, comme le soulignèrent en substance Valérie Leuger (Auxerre1) et Robert Bideau (Auxerre-Monéteau).

Or, nouvelle contradiction ou incohérence, il apparaît bien que Yonne Active Création devra choisir entre une de ses deux compétences.

Tout semble avoir été fait en tout cas, force est de le constater, pour que la confusion la plus totale règne. Des éclaircissements sont nécessaires dans l'attente de décisions à venir.

Est-ce la raison pour laquelle des élus départementaux n'ont pas pris part au vote sur la délibération proposée par Maurice Pianon dont l'adoption exonère de responsabilités pénales le président André Villiers, premier responsable en tant que président de l'assemblée ? Ce n'est pas la seule en tout cas.

Le plus surprenant en soi, est que le président André Villiers (Joux-la-Ville) n'a pas pris part au vote.

 

Une révolution

 

En somme le président demande mandat mais ne veut pas en assumer la responsabilité.

Il rejoint d'autres élus de la majorité bis, Marie Evrard (Migennes), Michel Ducroux (Auxerre 1), Grégory Dorte (Pont-sur-Yonne), Élisabeth Frassetto (Villeneuve-sur-Yonne), Clarisse Quentin (Sens 2), Valérie Leuger (Auxerre1), Catherine Maudet (Brienon). Ainsi que les 6 membres de l'opposition Monique Hadrbolec (Auxerre 3) Pascal Henriat (Auxerre 3), Françoise Roure (Joigny), Nicolas Soret (Joigny), Yves Vecten (Vincelles) et Christiane Lemoyne (Vincelles).

L'Auxerroise Valérie Leuger en sortant, ne put s'empêcher cette saillie à l'endroit d'André Villiers  qu'elle salua en tant que nouveau président de l'opposition. S'il devait le devenir, quel stratège ! Il rejoindrait Jean-Pierre Soisson qui, à huit ans d'intervalle, réussit à se faire élire, devant nos yeux, président de la Bourgogne par la gauche d'abord (1992) puis par la droite (1998).

Le pire (à moins que ce ne soit le meilleur) n'est jamais sûr, mais il est peut-être à venir.

Peu connaissent vraiment la loi NOTRe et beaucoup ne savent donc pas qu'une disposition nouvelle, passée inaperçue, permet à tout citoyen de contester en justice une décision d'une collectivité dans la mesure où elle serait contraire à la bonne utilisation des deniers publics, fruits de l'impôt financé par le citoyen-contribuable.

C'est une révolution.

 

Pierre-Jules GAYE

 

 

Nicoals Soret a servi de punching ball à André Villiers qui l'a attaqué d'entrée de séance. Le Jovinien a mis du temps a récupérer tous ses esprits après la séance de conseil municipal agitée la veille. Il a rendu la pareille en fin de séance de manière percutante

 

Michel Ducroix se marre car Patrick Gendraud vient d'expliquer à Grégory Dorte, ici au premier plan, qu'il n'avait pas compris le sens du vote. Et Dorte de répondre qu'il  admettait qu'il était peut-être bête...

 

 

Valérie Leuger a salué le nouveau président de l'opposition ...

 

 Villiers-Maudet n'ont pas pris part au vote, Malika Ounès (à droite) a voté pour la délibération modificative