Le palio de Sienne. Trois tours d’une terrible piste, 1000 mètres dans les cris.

Le premier arrivé est le vainqueur, et le grand perdant est… le second !

2 juillet, le Palio di Provenzano et le 16 août le Palio dell’Assunta. Mais les préparatifs commencent 4 jours à l’avance.

Une fête majestueuse qui soulève un immense amour pour le cheval et lui seul. Une fête qui a l’odeur de ces robes en sueur, cette sueur douce et enivrante. Qui voit les crinières flotter dans l’air chaud, les naseaux veloutés s’ouvrir de bonheur, les queues s’ériger dans l’effort. Le cheval – et lui seul, car si son cavalier est tombé il continue sa course vers la victoire à laquelle il aura droit s’il arrive premier avec ses ornements de tête  – défend son quartier de Sienne, dont il porte les couleurs.

Autrefois, au XIVème siècle, le palio traversait toute la ville.

Ils sont 17 quartiers – les contrade - , mais seuls dix chevaux et cavaliers sont en course : les 7 quartiers n’ayant pas concouru à la même date l’année précédente sont automatiquement partants cette année. Et chaque contrada a prié son saint patron pour qu’il insuffle la vigueur et le désir de gagner dans le cheval choisi pour la représenter. Le prêtre de chaque paroisse bénira cavalier et cheval. Portez nos couleurs, portez-nous l’honneur.

Illustration, Journal Universel, 9 septembre 1854

La piazza del Campo fourmille, bourdonne, transpire dans le soir encore chaud des pierres baignées de soleil.  La beauté architecturale est en arrière-plan, quotidienne, calme, robuste. La foule s’est lentement accumulée à l’intérieur de la piste, là où les places sont gratuites, depuis le matin.

Ce n’est pas qu’une festivité, c’est un rite, c’est la fierté, l’orgueil des contrade, la grâce violente du cheval que l’on attend.  Les alfieri, porteurs de drapeaux, défilent avec les couleurs des contrade et le savoir-faire que donne le sentiment de participer non pas à une reconstitution historique mais bien à une magie séculaire. Des carabiniers à cheval, sabre au flanc, apportent déjà, un peu, l’avant-odeur un peu fauve des héros de la course, les plus beaux chevaux des plus belles écuries alentour.  

Et puis ils arrivent. Ces animaux qui luisent comme des galets mouillés, aux jambes infiniment fortes et belles, impatientes, aux museaux parfumés et plus doux que le toucher d’un nuage. Leurs oreilles pointent, leurs cils ombrent leurs grands yeux amis et curieux.  Avec leurs cavaliers qui les montent à cru, ils font trois fois le tour de la place. Puis se préparent : neuf de front et le dixième, la rincorsa, derrière.

Que la fête commence ! La piste est glissante, dangereuse. Difficile. Les cavaliers peuvent cravacher les autres chevaux… et cavaliers. C’est, oui, une course dure. Risquée. Critiquée aussi. Le public encourage son cheval… l’envie de gagner entre comme une furie dans les animaux, les cavaliers suspendus à leur crinière, étreignant les flancs chauds de leurs genoux comme dans un étau, les cuisses insensibles et une seule lumière dans le brouhaha : il faut arriver premier. Une grande montée d’énergie se répand, les bénédictions des saints patrons et l’amour d’une célébration qui remonte à 1644 (et certaines règles d’alors sont encore d’actualité) créent une communion intense qui arrive au paroxysme avec l’arrêt du vainqueur, encore chevauché ou pas, sensible aux félicitations et accolades qui font de lui un demi-dieu.

La contrada gagnante reçoit le Palio, le drapeau. Et un Te Deum de remerciement est entonné. L’honneur de ce drapeau couronnera le quartier et sera rappelé maintes fois, jusqu’à la fin septembre – début octobre où « le repas de la victoire » sera organisé dans le quartier avec ses habitants et, à la place d’honneur, le cheval qui en porta les couleurs, admiré et fêté comme une déité païenne.

Autrefois des sonnets étaient publiés pour célébrer les victoires. « La contrada de la Lupa, exultant pour la victoire remportée Piazza del Campo, offre ce sonnet au preux et valeureux jockey Angiolo Volpi, dit Il Bellino » lit-on sur un sonnet du 16 août 1899. « Honneur au courageux jockey Leopoldo Pasqualetti, dit Il Sordo qui, le 16 août 1883 remportait pour la contrada de l’Unicorno sa 15ème victoire. Les membres de la délirante dite contrada lui offrent le sonnet suivant » dit un autre.

Couleurs officielles des contrade

 

 

 

 

                                                                                                                               Suzanne Dejaer