L’opposition, souvent, est bien outillée parce qu’étant contre, elle débusque les failles. Et c’est précieux. Ne pas l’écouter serait une folie.

D’autres villes ont connu le même « combat » et créé des associations de citoyens.

 

En Belgique le groupe hollandais Foruminvest a connu à Verviers (province de Liège) la révolte indignée de la ville et a dû revoir ses plans plusieurs fois. Le plan initial prévoyait un centre commercial qui s’étendait sur les deux rives de la rivière, la Vesdre. Fierté des habitants, puisqu’elle avait, par ses eaux douces, apporté une longue prospérité à la ville qui l’avait en échange bien polluée avec ses usines textiles… Mais les habitants repentis d’une ville que la richesse avait abandonnée dans les années ’60 aimaient les rives où fleurissait une flore venue sous forme de graines dans la laine des moutons argentins ou australiens. La Vesdre, on n’y toucherait pas. Tous leurs souvenirs et leur histoire défilaient sur son cours. Or le centre de Foruminvest prévoyait non pas un pont mais une énorme passerelle pour unir les deux rives. Une baleine allait défigurer la ville.

 


Le promoteur (des fonds de pension en général) avait bien fait les choses pour séduire : des dessins d’architecte promettant une zone shopping aux accents à la fois futuriste et zen – toits végétalisés et en terrasses, soleil jaillissant de parois de verre, bancs accueillants et acheteurs à la silhouette élancée – qui mentaient sur bien des points que les opposants eurent vite fait de démasquer : le soleil n’arrivait jamais de cette direction et d’ailleurs le mur du parking l’aurait caché ; la rive ensoleillée de la Vesdre ne le serait plus jamais tant le complexe était haut. Débouchant de certaines rues on ne verrait que le gigantesque mur extérieur pour tout paysage. Le clocher de Saint Antoine ne s'admirerait plus que le nez devant alors que c’était une des vues favorites des habitants ; la circulation serait impossible d’autant qu’un axe de circulation était supprimé;  on prévoyait la destruction d’immeubles Hausmanniens, patrimoine architectural du quartier ; la faune et la flore de la rivière seraient affectées par cette passerelle trop large qui imposerait une nuit définitive sur toute vie en-dessous. Et enfin, la taille de ce centre était tout à fait disproportionnée aux besoins de la ville. Célébrités de tous bords furent appelées à l’aide et s’érigèrent. Même les habitants de Douai, qui avaient également repoussé l’avancée de Foruminvest  vinrent se rallier à la bataille. Beauvais a aussi fortement réagi contre le même promoteur.

 

A Verviers, on promettait avec insistance des emplois... sans préciser qu’ils ne seraient souvent que des mi-temps précaires et peu payés par des gérants de magasins franchisés souvent éphémères.


Il faut une opposition pour ne pas disparaître. Il faut trouver le point de rencontre. Il faut dénoncer les tentatives de séduction du promoteur et le faire travailler pour la ville et aussi pour lui, et non pas rien que pour lui en faisant croire qu’il ne pense qu’à la ville. Il ne faut pas être aveuglément pour ou contre, mais bien écouter les arguments de tous et prendre le temps d’y penser.

 

                                                                                 Suzanne Dejaer

 

Notre dossier Arquebuse