Quel avenir pour l'AJ Auxerroise ?

C'est le moment où le président Guy Cotret va devoir présenter les comptes devant la DNCG, le gendarme financier, et les budgets prévisionnels des trois prochaines années. Avec une trésorerie exsangue, 1,5 millions de déficit et des recettes en baisse, moins 10% du nombre d'entrées au stade en regard de la saison dernière, sans compter le manque à gagner, en entrées, droits télé et sponsoring événementiel liés au parcours jusqu'en finale de la Coupe de France.

C'est la raison pour laquelle le président Guy Cotret a imposé de nouvelles économies drastiques.

Comment ?

Par la réduction de la voilure au centre de formation (- 2 millions d'euros avec moins de joueurs et de membres de l'encadrement) ce qui a amené le directeur du centre de formation à refuser de faire une année supplémentaire comme prévu dans son contrat.

Par la vente de joueurs pépites formés au club dont pas moins de quinze ont signé un contrat professionnel et pour cause. Jusqu'à quel point ? Et qui ?

Autant de questions pour le moment sans réponse car cela dépendra du marché et de la demande. Kilic, Berthier et d'autres seraient sur le départ.

Enfin, nombre de joueurs, non des moindres, sont en fin de contrat, conséquence de la politique à court terme du président Cotret et de feu Emmanuel Limido, qui est devenu l'actionnaire majoritaire de l'AJA le 19 avril 2013, en signant un chèque de 5 millions d'euros. Et pas un cent de plus depuis.

Retour en arrière

 
Le président de la société d'investissement holding Centuria capital, a été alerté par Guy Cotret ancien cadre et membre du directoire de la Caisse d’Épargne. Ce dernier visait la reprise du club de Sedan après avoir été écarté du Paris FC dont il fut le président ambitieux mais sans réussite (2003-2012).

Emmanuel Limido a senti qu'il y avait à l'AJA une belle opportunité financière et a tenu un raisonnement de banquier. Il a signé un chèque qui assurait l'échéance auprès de la DNCG le gendarme financier, après avoir détecté qu'il y avait des bijoux de famille.

Le propriétaire de Centuria Capital et PLP (Paris Luxembourg Participations) a identifié à la lecture des derniers bilans de l'AJA qu'il existait des plus-values latentes. En effet, les joueurs et leur valeur marchande potentielle, n'apparaissaient pas dans les actifs au bilan. Les achats de joueurs étaient passés en compte courant, sous forme de charges de l'année considérée (il faut se rappeler que l'AJA injectait un ou deux joueurs par an tout au plus, Roux, affinant son équipe). En prenant l'hypothèse la plus basse, la valeur des joueurs pouvait raisonnablement être estimée à 20 à 30 millions d'euros. Donc mettre 5 millions d'euros pour racheter le club, c'était donné.

C'est cette erreur fondatrice qui constitue la pierre angulaire de la poursuite inexorable de la spirale de l'échec de l'AJA. Emmanuel Limido a eu un raisonnement de banquier à court terme.
Une stratégie à court terme de banquier assuré de retrouver ses billes. Il a mis 5 millions car il savait qu'il pouvait se payer sur la bête à tout moment, compte tenu des actifs, en valeur des joueurs, et aussi du patrimoine foncier et bâti de l'AJA sur lequel il n'a pas réussi, en dépit de touts ses efforts, à mettre la main. Non plus que sur l'intégration fiscale à hauteur de 5 millions d'euros qu'il réclamait à l'association AJA. L'arbitrage de cabinets anglo-saxons lui a donné tort.

 

Une vision ambitieuse

De ce point de vue, Emmanuel Limido n'a pas sauvé le club, comme d'aucuns le soutiennent. Il aura au mieux, retardé l'échéance. Peut-être aura-t-il  empêché l'AJA de redémarrer sur d'autres bases, fusse dans le monde amateur.

S'il a réalisé quelques actifs latents - les ventes de quelques joueurs dont N'tep pour près de 6 millions d'euros et Willi Boly qui réussit bien au Portugal - Emmanuel Limido a échoué dans sa tentative de s'approprier le patrimoine de l'AJA détenu par l'association et sa holding la Familiale, l'abbé Ernest Deschamps, n'ayant rien à envier à l'actionnaire majoritaire de la SAOS AJA version 2015. Son objectif était de réunir les patrimoine au sein d'une même structure ce qui eut permis d'emprunter de l'argent qui fait défaut, dans de bonnes conditions.

La vision ambitieuse d'Emmanuel Limido d'industrialiser le schéma-process de savoir-faire du centre de formation ADNisé AJA, pour le reproduire et le vendre dans le monde entier notamment dans les pays dits émergents, ne s'est pas réalisée de son vivant.

Son neveu Raphaël Limido, au statut d'auto-entrepreneur preste à l'AJA, mais le "contrat" est échu. Il a conceptualisé l'idée de son oncle. Le jeune homme souriant et haut de taille, s'est attiré des sympathies, localement. Mais son travail n'a pas connu de suite après la disparition d'Emmanuel Limido.

 
Un avenir sans issue

 
Qui rachèterait les actions de l'actionnaire majoritaire, Corinne Limido l'héritière et ses deux filles en indivision, sachant que l'actionnaire minoritaire dispose d'une minorité de blocage, possédant 40% des actions de la SAOS AJA propriétaire du club section professionnel ? Et qu'en outre, l'actionnaire minoritaire est propriétaire de l'essentiel du foncier, du bâti, de la marque AJA et de la patente du club délivrée par la fédération de football française ?

Alors, comment croire au discours de l'avocat d'affaires Jean-Luc Michaut, ami de la famille Limido représentant Corinne Limido, lorsqu'il évoque depuis un an, les multiples touches et intérêts portés par des Belges, des Américains, des Chinois, des Albanais etc, même si Albanais et Chinois ont fait réaliser des audits de plusieurs jours à l'AJA, ce que n'avaient peut-être pas pris soin de faire dans les détails, les repreneurs du club du patro en 2013, alléchés par la prise d'un club mythique.

Le discours, la com actuelle, consistent à dire que Corinne Limido n'est pas vendeuse. Le serait-elle que cela n'arrangerait pas les affaires du président Cotret dès lors que cela ne garantirait pas l'arrivée d'argent frais dont il a besoin, les 60% du capital étant remplacé par 60 autres % appartenant à M. X.

Corinne Limido a déclaré qu'elle recherchait des partenaires financiers qui entreraient au capital afin d'amener du cash dont a besoin l'AJA et que réclame Guy Cotret. Ce dernier a annoncé qu'il espérait de bonnes nouvelles dans ce sens avant la fin du mois de mai. Et que cet argent servirait à monter en Ligue 1, sic.

Pourquoi l'association AJA que préside Michel Parmentier, actionnaire minoritaire de la SAOS AJA, accepterait-elle, aujourd'hui, ce qu'elle a refusé à Emmanuel Limido de son vivant ?

 
Retour aux sources ?

  

Alors qu'elles sont les hypothèses ?

1/ Un investisseur extérieur.
Cette hypothèse est peu réaliste. Sous forme d'augmentation de capital ce n'est pas possible car l'association n'acceptera pas d'être diluée et exercera aussitôt son droit de veto pour ne pas perdre la minorité de bloquage.

Sous forme d'un apport en compte courant c'est utopique d'imaginer qu'un investisseur soit prêt à miser à fonds perdus sans détenir le pouvoir et sans avoir aucune garantie de remboursement car les principaux bijoux de famille (les joueurs) ont déjà été vendus.

2/ L'actionnaire majoritaire actuel apporte de l'argent

Cette hypothèse est peu crédible car on imagine mal un fonds d'investissement, qui plus est ayant perdu son principal animateur, remettre au pot alors que la société a montré son incapacité à générer des profits ou même seulement à équilibrer ses comptes. Les perspectives d'avenir étant de plus très peu motivantes.

3/ La cession des actions de l'actionnaire majoritaire à l'association AJA, actionnaire minoritaire, pour un prix symbolique. Cela apparaît comme l'hypothèse la plus probable car il n'y a pratiquement pas d'autre issue pour l'actionnaire majoritaire actuel, sauf à assumer les conséquences lourdes d'un éventuel dépôt de bilan.

Conclusion.

Dans pratiquement tous les cas l'AJA doit envisager de vivre une nouvelle aventure avec une nouvelle équipe dirigeante pour se reconstruire dans le cadre du football amateur.

 

 

Pierre-Jules GAYE