C'est historique.

Et c'est le fruit d'un long travail dans l'ombre.

Les présidents des comcoms de l'Yonne qui couvrent tout le département, de tous bords politiques, allant de Henri de Raincourt à Guy Férez en passant par Marie-Louise Fort et Nicolas Soret, Thierry Corniot, François Boucher, Yves Delot, Patrick Gendraud et &, ont présenté un front commun solidaire, hier matin, à l'issue de la réunion de la conférence informelle des présidents à Aillant-sur-Tholon, pour reprendre la SEM Yonne Équipement et la développer, à condition de ne pas devoir en faire payer le prix deux fois aux contribuables.

Certaines comcoms sont déjà actionnaires tel Avallon, d'autres ne le sont pas encore. Une seule comcom, celle du Tonnerrois n'avait pas délégué de représentant, ce qui est la règle depuis un an de réunions des présidents à Aillant, coordonnées par le président des maires de l'Yonne, Mahfoud Aomar. Un représentant des comcoms sera élu au bureau des maires de France 89. Patrick Gendraud président de la comcom du chablisien était excusé retenu par une obligation au conseil départemental.

Dans le cadre de la nouvelle organisation territoriale de la République ( application de la loi NOTRe), le département de l'Yonne est dans l'obligation de céder, au cours de l'exercice 2016 et avant le 31 décembre, au minimum deux tiers des actions de la Société d'économie mixte Yonne Équipement. La loi transfère la compétence économique des départements aux régions et aux intercommunalités.

 

Appel à manifestation d'intérêt

 

Après l'appel du conseil départemental à manifestation d'intérêt par un courrier datant du début du mois de septembre, les présidents des comcoms de l'Yonne qui ont travaillé pendant une année - depuis la promulgation de la loi - sur ce dossier, ont arrêté une décision commune et solidaire.

Ils ont affirmé que l'outil devait rester dans le département, ils ont affirmé que la SEM Yonne Équipement était un vrai outil de développement économique et d'immobilier d'entreprises pour le département et ont en conséquence décidé de le pérenniser en rachetant les actions vendues par le conseil départemental. Reste à en fixer le prix.

Le Département de l'Yonne actionnaire majoritaire de la SEM Yonne Équipement, est donc du fait de l'application de la loi NOTRe, dans l'obligation de céder 78 196 actions (les deux tiers du total) avant le 31 décembre 2016.

Le conseil départemental avait décidé, lors de la session budgétaire du mois de mars, d'inscrire, en recette, la cession de ces actions pour un montant total de 2 111 292 €. Cette somme a été établie sur la base d'une valeur de l'action de 27 € alors que la valeur faciale de l'action est de 15,30 euros. Valeur faciale ou valeur nominale c'est-à-dire la valeur d'émission de l'action.

Lors de la décision modificative au budget 2016, votée le 1er juillet, cette ligne budgétaire a été confondue avec deux autres, tant et si bien qu'il apparaît difficile de déterminer si la valeur de l'action, rectifiée, sans passer par le débat public, est toujours de 27 euros ou si elle serait plus vraisemblablement descendue à 23 euros. Le prix aurait-il été jugé excessif par les services, anticipant une difficulté à l'avenir, si l'opération de se réalise pas ? Who knows ?

 

Deux audits à géométrie variable

 

Ne voulant pas entrer dans un système de valorisation voire de spéculation sur l'action SEM Yonne Équipement, dans le cadre de l'application d'une loi qui dit qu'une collectivité doit céder les actions à d'autres collectivités (et pas à un privé) dans l'intérêt général, le regroupement des comcoms de l'Yonne a commandé un audit au cabinet indépendant Ernst and Young, considérant les prétentions du conseil départemental exorbitantes.

Ce dernier a fait de même en s'attachant les services du cabinet Finance Consult.

Quelles sont en substance les conclusions, the bottom line ?

Finance Consult évoque un prix de l'action plancher de 11 euros (ce qui amènerait le département à rembourser les collectivités) et un prix plafond de 35 euros exprimé au conditionnel.

Ce grand écart provient de la méthode utilisée. La première celle de la valeur de l'évaluation patrimoniale (11 euros), la seconde de l'évaluation comparative sur un montant intermédiare - bien que Yonne Équipement existe depuis 20 ans et que son modèle économique n'existe nulle part ailleurs en France, la troisième (35 euros) axée sur l'évaluation des flux financiers circulants, le cash, bref le travail, les services et pas les projets.

Il faut savoir que la SEM Yonne Équipement (80 millions investis en 20 ans, 5 000 emplois créés sur 120 000 m2) présidée par Michel Pisani et son équipe, a généré par sa gestion au fil du temps une trésorerie de 6 miilions d'euros que l'actionnaire principal le conseil départemental, ne peut toucher en l'absence de pacte d'actionnaire. Il n'y a d'ailleurs jamais eu de dividendes versés ou de jetons de présence distribués à Yonne Équipement, en 20 ans. On peut comprendre que cela suscite des convoitises au moment où il faut céder les deux tiers des actions. Demander un prix fort en faisant une double culbute serait-il un moyen de récupérer le "magot" ?


Vers un hold up ?

 

Pas sûr. Car le conseil départemental devrait récupérer sa mise de départ. Il n'a jamais subventionné Yonne Équipement et n'a jamais pris de risques. En procédant à une juridisiation de la démarche, ne pose-t-il pas question de principe et ne s'expose-il pas à la critique du citoyen contribuable qui pourrait y analyser soit un désir de faire capoter la transaction pour ensuite ouvrir au privé, par exemple la SEM 92 machine à cash politique ? Sinon, pour quoi faire ?

Car enfin, s'il applique la préconisation de Finance Consult fondée sur une prévision téméraire de croissance de 2% par an, de vendre à 31 euros et pas un cent de moins ( en somme circulez il n'y a rien à voir), le conseil départemental s'adresse à une seule structure, l'Auxerrois qui est seul en capacité, théoriquement, de répondre à tel "appel d'offre", éliminant du coup toutes les petites comcoms. Et franchement se faire de l'argent sur le dos des comcoms dont toutes ne sont pas encore actionnaires de la SEM Yonne Équipement, cela ressemblerait à quoi et quel en serait le sens ... ? Ce serait un vrai hold up.

S'il ne peut mettre la main sur les 6 millions de trésorerie, ce qui soi dit en passant, scellerait le sort de la SEM, le département a en revanche beaucoup profité de l'activité de la structure Yonne Équipement, par la perception des droits de mutation, nettement en hausse, l'année dernière, ce qui a permis de ne pas augmenter les impôts cette année, ainsi que la perception des taxes foncières liées aux bâtiments nouveaux, par ailleurs en forte hausse sur les lignes.

Que dit l'autre audit ? D'abord qu'on ne peut dissocier l'association Yonne Développement de la SEM Yonne Équipement. L'une n'allant pas sans l'autre et ce c'est qui fait la force et l'indépendance de la structure.

Ernst and Young conclut à une fourchette haute de 40 euros et une fourchette basse de - 40 euros. Autrement dit, cela signifie que le prix de l'action dépend du prix que veut bien payer l'acheteur. C'est donc bien l'acheteur qui fixe le prix.

Les conclusions d'Ernst and Young soulignent par ailleurs la bonne gestion de la SEM Yonne Équipement.

Deux visions, deux poids, deux mesures ?

 

Le cas du Tonnerrois

 

Nous écrivions en début d'article que la comcom du Tonnerrois n'était pas représentée à la conférence des présidents de comcoms de l'Yonne, lundi matin à Aillant-sur-Tholon. Et jamais cette année, aux autres réunions. Une singularité. Une autre singularité est que la ville de Tonnerre n'est pas représentée au sein de la comcom du Tonnerrois comme elle estime être en droit de l'être.

C'est pour cette raison notamment, que la demande de la comcom du Tonnerrois d'adhérer au PETR (pôle d'équilibre territorial rural) du Grand Auxerrois a été repoussée par les membres. On peut le regretter car tous les territoires de l'Yonne méritent respect et considération.

Or Maurice Pianon, président de la comcom du Tonnerrois, vice-président du conseil départemental, maire d'Yrouerre, est aussi le président de la commission du développement économique du conseil départemental de l'Yonne.

Cela fait tache. Comment peut-on être dedans en étant dehors ?

Pire. Maurice Pianon fut le premier et le seul à répondre négativement à réception du courrier de manifestation à intérêt adressé à tous les présidents de comcoms par le département.

Le président de la comcom du Tonnerrois, président de la commission du développement économique du département, a écrit que la comcom du Tonnerrois n'était pas intéressée et n'achèterait pas d'actions.

Comprenne qui pourra. Et surtout à la politique économique de cette commission, si elle n'en a jamais eu une.

 

Villiers fair play ... ?

 

Quelle issue ?

Soit le département se ravise et accepte le prix proposé par le front des comcoms, qui sera le prix facial dans la logique que l'on perçoit ; soit il n'en fait rien, maintient, et la transaction de manifestation à intérêt capote. Dans cette hypothèse, que dit la loi ? Comment l'interpréter ?

Le temps presse et le préfet garant de la République guette.

Justement c'est peut-être lui qui aura le dernier mot mais prendra-t-il l'initiative du contrôle de légalité dans notre système qui se veut décentralisé ? Et dans cette hypothèse comment portera-t-il le fer ? Budget insincère ... qui fait tache définitivement une fois acté, ou bien recours devant le tribunal administratif ... ?

C'est pas drôle tout ça.

Il reste que l'info du jour voire de l'année, est que l'Yonne mute, s'adapte pour exister autrement finalement avec les mêmes acteurs que sont les maires, les comcoms, les territoires.

Les territoires, qui se réinvestissent, avec à leur tête, Henri de Raincourt, président du PETR du Grand Sénonais, Guy Férez, président du PETR du Grand Auxerrois, Nicolas Soret le président du Centre Yonne et les autres tout aussi importants, pour le développement économique de l'Yonne.

Le Département dépossédé sera-t-il beau joueur ? That is the question.

Il est permis d'en douter.

 

Pierre-Jules GAYE

 

 


Mahfoud Aomar, coordonateur du regroupement des 21 présidents de Communautés de communes de l'Yonne (DR)

 

 

Yonne Équipement la fiche technique

 

(1) Yonne Équipement est un partenaire dans le montage et le suivi des projets immobiliers d’entreprises : définition de la typologie du bâtiment, élaboration du cahier des charges, achat de la parcelle, financement et construction… Lorsque le bâtiment est achevé, signature avec l’entreprise d’un bail de location de 10 ans avec option d’achat au bout de six ans.

Le patrimoine de Yonne Équipement est aujourd’hui constitué de plus de 52 bâtiments pour 80 millions d'euros investis en 20 ans, sur 120 000 m2 créés et 5 000 emplois effectiffs.

Actionnaires en  % de la SEM Yonne Équipement


Conseil Départemental de l'Yonne    52,3%
Communauté de l'Auxerrois    10,9%
Yonne Développement    5,0%
Caisse des Dépôts et Consignations    14,2%
Dexia    0,9%
Crédit Agricole Champagne - Bourgogne    0,9%
Banque Populaire Bourgogne    0,8%
Caisse d’Épargne Bourgogne    1,6%
Bernard Krief Consulting    0,1%
Chambre de Comm. Indus. de l’Yonne    0,7%
Chambre de Métiers de l’Yonne    0,2%
SAFIDI    1,3%
Communauté de Communes Forterre-Val d'Yonne    0,2%
Communauté de Communes de l’Agglomération migennoise    1,2%
Communauté d'agglomération du Sénonais    2,4%
Communauté de Communes Avallon-Morvan-Vauban    2,4%
Ville d’Auxerre    4,8%

Les deux structures (agence de développement et SEM Yonne Équipement) ont deux objectifs différents : la 1ère s'occupe de conseiller les entreprises, de les accompagner dans leur implantation, de prospecter et de "vendre" le territoire, etc. La SEM s'occupe de construire des bâtiments industriels. "Comme elles sont de statuts et d'objets différents, elles ne peuvent pas fusionner ". Elles sont cependant complémentaires ainsi que leurs compétences. On ne confondra donc pas les idées et les mots : en l'occurence l'existence même de la structure et qui la finance