Demi-finale de la Coupe de France contre Guingamp, c'était il n'y a pas longtemps pour une place en finale (DR)

 

C'était dur. Au coup de sifflet final dans les tribunes, vendredi soir, du match AJA-Le Havre (0-1). Les mots. Des chants. Exprimant le dépit. La rage. Le dégoût. La frustration. La colère. Fût-elle froide.

C'était avant la conférence de presse et le ras-le-bol puis la charge sur le management du club "qui se voit beau y compris son centre de formation, mais qui ne l'est pas ..." de Viorel Moldovan, 44 ans, arrivé en juin sous contrat jusqu'en 2018, l'entraîneur Roumain de l'AJA engagé par Guy Cotret.

Les joueurs, le groupe, par la voix du capitaine Lionel Mathis interviewé par les médias, sont derrière leur entraîneur. L'homme enrôlé par Cotret pour faire travailler plus dur les joueurs avec davantage de rigueur surtout.

En somme ce ne sont pas les joueurs qui ont lâché le coach, au contraire.

C'est le coach qui a dit ce qu'il avait sur la patate.

S'il l'a fait publiquement, c'est qu'il n'avait plus d'autre voie pour communiquer et qu'aucune écoute ni solution n'étaient jouables en interne. C'est dire la qualité du relationnel entre le directeur délégué Baptiste Malherbe qui débuta à l'AJA en 2006 à la communication et incarne comme dernier survivant la déchéance du club - car c'est ce dernier qui est principalement visé et dans le collimateur de Moldovan - et l'entraîneur Roumain. Ce phénomène n'est pas nouveau au club. Nombre d'éducateurs, membres de staff, joueurs et agents ont été confrontés à ces aspérités problématiques.

Guy Cotret ne s'attendait certainement pas à cette charge contre le coeur de réacteur du club et son ADN. Le technicien roumain, cela faisait un moment, en avait gros sur la patate. C'est dos au mur, acculé, se sentant trompé, trahi, qu'il a, non sans courage, lucidité et responsabilité, exprimé ce qu'il pensait dans l'intérêt même du club. Comme il est tout sauf idiot, Moldovan sait qu'il joue sa peau et que le premier président gestionnaire venu ferait tout pour lui coller une faute professionnelle. 

Des contacts ont été pris par la direction du club auxerrois, et des entretiens sont programmés en début de semaine prochaine avec d'autres techniciens, qui attendent, pour prendre la suite le cas échéant.

 

Les problèmes de fond sont aigus

 

Guy Cotret demeure muet depuis vendredi soir. Il n'a rien à dire, pour le moment. Il attend, réfléchit et consulte. Sa position n'est pas facile. Il s'est demené ces derniers mois et tout au long de l'été pour pérenniser le club en faisant entrer un groupe Chinois au capital, des Chinois qui ont programmé d'investir 6 millions d'euros et plus si de besoin, au cours des trois prochaines années, à raison de 2 millions par an. Le dossier est en voie de finalisation dans sa traduction juridique assez complexe car c'est une nouvelle société sous forme de SAS qui est entrain d'être constituée.

C'est lui qui a décidé de ne pas prolonger le contrat de Jean-Luc Vannuchi dont il était pourtant proche car il fut son entraîneur deux ans au Paris FC auparavant,  en le décidant au dernier moment.

C'est lui qui est allé débusquer Viorel Moldovan, sélectionneur adjoint de l'équipe de Roumanie, à la surprise générale. Adepte comme lui d'une équipe bloc portée sur l'offensive exerçant un pressing haut. Le principe de réalité a rapidement  battu en brèche cette vision-ambition.

Alors le président de l'AJA va-t-il faire sauter Moldovan au nom des grands principes (loyauté, devoir de réserve d'un cadre de haut niveau dans une entreprise etc) et d'un ego blessé à son tour ; va-t-il faire sauter Malherbe en s'attaquant aux racines du mal qui rongerait la route de Vaux ; va-t-il entreprendre le nouvel actionnaire majoritaire - sans doute installé - d'ici la fin du mois puisqu'une réunion du conseil d'administration de la Soas AJA est prévue le jeudi 29 septembre avec à l'ordre du jour la cooptation d'administrateurs et les agréments de transfert d'actions ?

Si la tendance pencherait pour une séparation avec Moldovan, il apparaît clairement aux yeux de nombre de techniciens de renom, que d'une part, recruter un nouvel entraîneur avec la mission de monter en Ligue 1 paraît irréaliste et fou, et d'autre part, que recruter un entraîneur de qualité dans ces conditions n'a pas de sens. Autrement dit, seuls les opportunistes ou les doux rêveurs, signeraient à Auxerre.

Car les problèmes de fond demeurent. Il ne suffit pas de changer les hommes (fusibles). Et ce sont précisément ces problèmes de fond qui ont été dévoilés et posés par Viorel Moldovan. Enfin, virer Moldovan recruté par lui voilà trois mois constituerait un échec personnel retentissant.

Si Guy Cotret obtenait une avance des Chinois dont la transmission des fonds prend du temps au travers des arcanes administratives et politiques chinoises afin de recruter le joker réclamé par d'aucuns dont Moldovan, cela changerait-il la donne sportive pour autant ? Sachant qu'on ne sait plus très bien quel profil de joker on souhaite recruter : d'abord ce fut un homme de couloir rapide, puis un créateur milieu de terrain ou un finisseur.

Guy Cotret est convaincu que, sur le papier, son équipe a de la qualité. Il la trouvait supérieure à celle du Havre. Sur le papier. Il n'a sans doute peut-être pas tort même si c'est celle du Havre qui s'est imposée au stade Abbé-Deschamps. Il reste que le sentiment général du peuple ajaïste est que le niveau de l'équipe est faible, tant sur le plan individuel que sur le plan collectif. À vrai dire, elle a du potentiel et peut se révéler à elle-même. Le problème est que tous les joueurs ne sont pas au même niveau de préparation physique. Et que les complémentarités utiles ne sont pas encore bien en place. Les pièces du puzzle évoquées par Zacharie Boucher, homme et joueur de grande qualité, sont disloquées en attente de réunion, d'imbriquation.

 

Amateurisme

 

Se pose une autre question de fond que l'on ne peut pas ne pas se poser : quelle est la vraie valeur de l'entraîneur Viorel Moldovan qui fut un grand attaquant d'envergure internationale ? L'objectivité et le bon sens obligent à répondre que personne n'en sait rien car il faut lui laisser le temps de construire et montrer ce qu'il sait faire dans la durée. C'est d'ailleurs la position partagée par le club des supporters les Ultras qui vont à l'essentiel.

Ils se sont concertés tout au long du week end. L'AJA pointant à la 19ème place en position de relégable et la conférence de presse de Moldovan étaient dans toutes les bouches. Il ressort, avant la publication d'un communiqué, qu'ils apportent leur soutien aux joueurs, à tous, et à l'équipe. Il ressort qu'ils vont demander des explications sur la situation à la direction qui a annoncé depuis deux ans la montée en Ligue 1, sans s'en donner véritablement les moyens.

Après le système et l'univers rouxien que personne n'a pu déloger en quarante ans car il a fait ses preuves, après une courte ère Fernandézienne qui mena tout de même miraculeusement l'AJA en Ligue des Champions, force est de constater que depuis, les entraîneurs se sont succédé. Fournier, Wallemme, Casoni, Vannuchi, Moldovan : 5 en 5 ans.

La situation ne s'est pas améliorée, à l'exception d'une séquence liée au passage, trop court, de Vannuchi.

D'un mot, une conclusion paraît s'imposer : on ne construit pas une équipe de football performante en changeant l'essentiel de l'effectif chaque année. Et en obligeant l'entraîneur à tout reconstruire d'un coup de baguette magique en affichant une ambition démesurée.

Voilà pour le côté sportif.

Pour le reste, la charge de Moldovan en dit long sur l'amateurisme qui a gagné du terrain  dans le management du club. Le cost killer Cotret a fait des merveilles mais au prix de sacrifices humains et familiaux destructeurs en forme de licenciements. Ne reste plus que les os qui commencent à se fissurer voire se fracturer. La chair quitte les os. L'humain a été sacrifié au nom de la nécessaire survie économique du club. Non, il n'existe pas de modèle économique viable en Ligue 2.

Amateurisme ?

Les nouveaux jeux de maillots de l'AJA sont arrivés pour la septième journée. Des courriers adressés au club demeurent parfois très longtemps sans réponse, par exemple l'opération Maxime+ des Ultras.

Le recrutement et sa cellule Malherbe-Boucher sont objectivement défaillants et mis en cause dans leur fonctionnement. L'exemple du dossier Touzghar en atteste. Guy Roux administrateur de la Saos AJA évoque une faute professionnelle.

Les situations ne manquent pas qui pointent l'absence de professionnalisme à l'AJA. Comme le résume Moldovan, "moi en automne je sais ce que je vais faire en hiver, en hiver ce que je vais faire en été...". Décryptage : le club n'est pas dirigé, il va à val de route, il va à vau l'eau. Route de Vaux le long de l'Yonne qui coule imperturbable.

 

Pierre-Jules GAYE

 

 

 

Que va décider, que va faire Guy Cotret, muet ce week end ...? (DR)