Toute politique devrait d'abord être considérée en regard de la politique culturelle (*)

 

 

 

André Villiers et le conseil départemental de l'Yonne ne veulent plus payer le fonctionnement et les déficits récurrents de l'association Yonne Arts Vivants. Lors de la dernière session du conseil départemental au mois de janvier, le président a dit STOP. Terminé en 2017, dernière année de subvention (470 000 euros de subvention d'équilibre de fonctionnement et 700 000 euros de subvention d'équilibre structurel en diminution de 300 000 euros).

Par les temps qui courent, il ne fait pas bon accumuler les déficits et colmater les pertes futures programmées s'impose aux collectivités confrontées à la baisse de leurs ressources par ailleurs tandis que continuent de croître les dépenses obligatoires.

Comme pris dans une spirale infernale, la tentation est grande de refiler la patate chaude au voisin quand on le peut. Ce sont donc les intercommunalités et les communes qui vont devoir pallier le manque et se substituer au CD89 d'autant que ce sont elles qui bénéficient des prestations des professeurs dans les écoles de musique et de danse.

On notera au passage, que pour le contribuable de base, cela ne changera pas grand chose puisque c'est de toute façon lui qui sera amené à financer l'impôt correspondant aux charges de ces dépenses "transférées" dans le meilleur des cas, puisque des licenciements secs ne sont pas à exclure. Au total, cela pourrait même lui coûter plus cher au contribuable.

Dans la structure d'une feuille d'impôt locale, comme le pointa François Boucher maire et conseiller départemental de Migennes, évoquant Laroche-Saint-Cydroine, on observe que la part du département est de loin la plus importante suivie par l'interco et la commune. Additionnées les contributions s'élèvent.

Le problème de la patate chaude (le financement des traitements des 110 professeurs de musique) est que d'une part leurs contrats sont régis par le droit privé ce qui implique ipso facto un passif social en cas de reprise avec un contrat de droit public et que d'autre part, les intercommunalités n'ont pas eu le temps d'éventuellement s'organiser pour faire face à la décision brutale de liquidation de l'association, en cessation de paiement depuis l'automne dernier, et de l'annonce du président Villiers en janvier que c'était le fin du financement par le conseil départemental.

 

Brutalité et absence de concertation

 

Si, sans trop spéculer, on peut penser que le passif social (ancienneté, indemnités de licenciements etc) juridiquement parlant, devrait être pris en charge par l'employeur objectif, celui qui paye, à savoir le conseil départemental et non l'association coquille vide intermédiaire employant 3 à 4 salariés qui organisent la mutualisation des prestations des professeurs ; deux problèmes subsistent.

D'abord, en cas d'embauche de professeurs par une collectivité territoriale comme l'a fait l'interco de Sens Nord, l'harmonisation des statuts avec ceux de la fonction publique n'est pas aussi simple que ça en terme d'équité sociale. Ensuite, quel type de contrat ? À durée indéterminée comme c'est le cas actuellement pour les 110 professeurs ou à durée déterminée ? C'est un aspect très important pour les professeurs et leurs familles qui, d'un emploi inscrit dans le temps, pourraient se retrouver avec un emploi précaire.

Un certain nombre d'intercommunalités, qui ont pris le problème en pleine face car il n'y a eu aucune concertation mise en oeuvre par le conseil départemental, tentent d'organiser une nouvelle mutualisation par la mise à l'étude d'un établissement public sous forme de syndicat mixte, qui présenterait l'avantage de ne pas avoir à recourir à des appels d'offres pour recruter. On doute que l'affaire puisse être emballée d'ici le 1er juillet. Le liquidateur judiciaire de l'association ne saurait attendre et sera contraint de prendre les mesures qui s'imposent dans ce cas de figure, à savoir licencier les professeurs qui n'auraient pas été repris ailleurs dans d'autres structures ... On tourne en rond.

La question est de savoir comment peuvent s'organiser les solidarités entre les acteurs publics concernés devant une question de politique publique culturelle départementale dans l'intérêt général ? La question est aussi de savoir si les élus du conseil départemental de l'Yonne estiment qu'ils ont un devoir moral envers YAV compte tenu de leur investissement pendant vingt ans et de leur engagement en faveur des territoires et des jeunes en matière de politique culturelle ?

Les abandonner au bord de la route en arguant que les intercommunalités n'ont qu'à transférer les contrats de droit privé et les convertir en contrats de droit public, est non seulement cavalier mais profondément irresponsable.

 

 

P-J. G.

 

 

 

Une video qui se veut pédagogique

 

Deux professeurs du conservatoire de Joigny ont publié une vidéo sur Youtube exprimant leur désarroi devant la fermeture annoncée de l'association Yonne Arts Vivants.

Le professeur de théâtre et la professeure de flûte dans la vidéo, estiment que la disparition d'Yonne Arts Vivants pourrait entraîner une précarisation de leur profession. 

 

 

 

 

 

Lettre ouverte aux intercos et aux maires

 

Dans une lettre ouverte qu’ils ont adressée aux présidents d’intercommunalités et aux maires de l’Yonne, le deux professeurs de musique expliquent que « les professeurs et les directeurs des autres établissements sont aujourd’hui dans le flou et inquiets quant à leur avenir et celui de leurs élèves ».

 

 

 

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(*)  La culture dissipe la mauvaise humeur des nations (argument développé par Adam Smith) ; une vie culturelle riche, un grand nombre de spectacles, etc., contribuent à l’amélioration de la qualité de vie générale ; les aides à la culture peuvent être alors assimilées aux actions en faveur du paysage et de l’environnement.

- Spectacles et fêtes sont nécessaires au déchargement des tensions collectives. Faites du rap, pas la guerre ! L’Etat doit organiser festivals et événements, rituels modernes qui assurent la cohérence du lien social ; les artistes ont ici bien sûr un rôle clé, comme principaux agents de cohésion.

- La vie culturelle d’un pays est gage de liberté. L’art est un élément essentiel de la vie politique en démocratie. Les oeuvres d’arts révèlent les conflits, posent les questions de fond ; le théâtre est un lieu de réflexion politique (de Sophocle à Brecht). Preuve de ceci : les régimes totalitaires ont tous enfermé leurs artistes.

- Les milieux culturels sont le lieu de contacts internationaux et d’échanges d’une grande richesse. L’art contribue ainsi à l’amitié etre les peuples. Une vie culturelle riche, c’est aussi du prestige sur la scène internationale ; les pays qui soutiennent les arts fascinent : la culture est un enjeu de pouvoir.

 

 Interview d'un président d'interco

et président de l'association des maires de l'Yonne

Mahfoud Aomar