VOYAGES
Varsovie, de surprise en surprise
le jeudi 01 août 2013, 19:29 - VOYAGES - Lien permanent
Au fond, il ne faut s’attendre à rien, à Varsovie, et se laisser porter par l’étonnement que provoque le feu sous la cendre quand il s’embrase comme une belle danseuse en clamant sa vie
Que dire des petits marchés qui constellent chaque quartier ? Faits de baraques sans élégance, d’étals pliants sous un parasol quand il ne s’agit pas simplement de quelques cageots empilés sur le trottoir, on y trouve des saveurs dont on avait oublié que ça pouvait être si bon. Cerises, framboises, fraises, chanterelles, champignons de prairie, rhubarbe, fleurs de tournesol, cornichons, tomates succulentes (elles sont réputées) arrivent quotidiennement de la campagne. Viande, poisson, laitages. A des prix amis. Plus amicaux que ceux des supermarchés qui pointent le nez de plus en plus loin du centre, avancée sans doute fatale pour ces derniers petits commerces paysans. Mais on a de petits appartements, de petits frigos et de petites machines à laver et le planning se fait encore quotidiennement et pas pour la semaine. Les supermarchés ne font pas encore l’unanimité.
Pasaj RacÅ‚awicka, un marché de quartier très fleuri où on trouve un peu de tout - Photo AuxerreTV (D.R.)
Choux, cornichons, rhubarbe, tournesols... frais chaque jour - Photo AuxerreTV (DR.)
Même dans les beaux quartiers on n’est pas à l’abri de façades dont le crépi est tombé et expose la brique nue, faisant coucou de derrière cerisiers, noyers, roses trémières ardentes et tournesols, hortensias voluptueux et grilles ouvragées. Derrière ces façades, la vie, les projets, la télévision, la liste des courses à faire, les enfants et leurs devoirs, les portables posés sur des comptoirs de cuisine. La vie de partout. Ce n’est que l’enveloppe qui, au lieu d’un bel emballage cadeau, n’est qu’un papier kraft. La raison en est que souvent on ne sait ce que sont devenus les propriétaires de ces immeubles. Certains étaient Juifs. D’autres ont fui le communisme. Mais des descendants pourraient réapparaître, demander la restitution de leur bien, et l’obtenir, ce qui rend prudent face aux travaux coûteux.
Il ne faut pas manquer non plus d’aller dans un bistrot local ("Bistro à la fourchette") pour y déguster des zakouskis avec un « cul sec » de vodka. On y reste debout, et c’est l’occasion de savourer du pâté, des harengs, de l’aspic, des betteraves, du raifort… et de la vodka !
Przekąski-Zakąski, sur Krakowskie Przedmieście, pour des zakouskis surprenants et un shot de vodka - photo AuxerreTV (D.R.)
La grande carafe... c'est du vinaigre! La vodka est dans les verres (1€ le verre..) Photo AuxerreTV (D.R.)
Et ouvrez l’œil en ville : plus d’une voiture vous fera un clin d’œil !
Pas vraiment fringante mais... elle roule encore ! Photo AuxerreTV (D.R.)
Une Trabant. Increvable ... Photo AuxerreTV (D.R.)
Intérieur cuir et bois... Et démarrant dans un souffle avec le sourire du conducteur! Photo AuxerreTV (D.R.)
La vieille ville - Stare Miasto - … on l’a exhumée. Patiemment. Avec amour et précision. Les nombreuses cartes postales et archives ont servi de guide. Les nazis avaient détruit maison par maison, méthodiquement. Tout le passé et l’histoire d’une ville. Les communistes ont reconstruit le château royal (15ème siècle) entre 1971 et 1988. Et peu à peu la vieille ville a resurgi, a étiré ses bras après un long sommeil de belle au bois dormant, et on l’a rebâtie. En ne trahissant rien, si ce n’est qu’on en a profité pour cacher, derrière les murs à fresques et poutres ouvragées, des pièces modernes et confortables. Elle est superbe, d’une sobre élégance, et ses rues regorgent de légendes : si l’épée de Sigismond Vasa III tombe de la colonne, ce sera signe de grand malheur. L’ours pensif devant l’église des pères jésuites n’est autre qu’un prince charmant ensorcelé qui attend l’amour d’une femme pour redevenir un fringant amoureux. La petite sirène, fille de Triton et sœur jumelle de celle de Copenhague est toujours prête à défendre la ville.
Place Zamkowy - château royal, (1596-1619) renaissance tardive - Photo AuxerreTV (D.R.)
Les couleurs tendres de la vieille ville. Les appartements du dessus étaient, par tradition, prêtés aux visiteurs importants. Photo Auxerre TV (D.R.)
Du va et vient comme dans toutes les villes touristiques. AuxerreTV (D.R.)
Photo AuxerreTV (D.R.)
Vieille ville: porte surmontée d'un renard. Les portes voisines ont un coq et un ours. Photo AuxerreTV (D.R.)
La vieille ville - Photo AuxerreTV (D.R.)
Elle est l'emblême de Varsovie. Fille de Triton et... soeur jumelle de la petite sirène de Copenhaghe - Photo AuxerreTV (D.R.)
Au détour des rues, la saveur du passé embrasse présent et futur avec confiance. Et si vous le découvrez sur Jerozolimskie, après avoir acheté du gingerbread ou autre chose … entrez donc dans cet étrange endroit . Fotoplastikon! Vous y serez accueilli par une magie enveloppante, dans une petite pièce où un vieux poêle de briques en porcelaine fait le guet dans un coin, détenteur de mille confidences et secrets.
Une chanson du début du siècle passé flotte avec quelques raclements de disque usé, créant un enchantement fantomatique. C’est là que durant la guerre les espions venaient profiter de la pénombre discrète pour se rencontrer.
Bernadska... c'est tout près d'ici... on y est presque! Photo AuxerreTV (D.R.)
On entre par ici... Aleje Jerozolimskie. Photo AuxerreTV (D.R.)
Le tambour autour duquel on s'assied et les jumelles... Photo AuxerreTV (D.R.)
Un vieux poêle qui doit avoir bien des secrets à garder pour lui ! Photo AuxerreTV (D.R)
C’est le dernier lieu de ce genre au monde encore en fonction. Autrefois on y projetait des images de plages lointaines, et jusqu’à 20 personnes pouvaient s’asseoir autour du tambour et rêver de longs voyages devant les 48 vues en trois dimensions qu’ils voyaient à la lorgnette, et qui défilaient toutes les 30 secondes. C’est là qu’aujourd’hui, avalé par l’obscurité vous remonterez le temps et pourrez voir de vieilles vues du ghetto ou de Stare Miasto avant leur destruction, un monde effacé.
Comme le dit si bien Thomas Wolfe, "revenir chez soi est impossible car le chez soi de la mémoire n’existe plus."
Rappelons aux Auxerrois que depuis 2000, Auxerre est jumelée avec PÅ‚ock en Pologne. Et que les liens sont réels et solides. Jacques Millereau peut en témoigner. Ce jumelage est survenu à la suite du jumelage de l'ancienne mutuelle CCMY (maintenant Harmonie Mutualité), avec la ville de Plock ; à l'époque, la Pologne sortait de la dictature communiste et cherchait à s'organiser dans un certain nombre de domaines, dont ceux de la santé et de la solidarité. Pour cela, six villes polonaises avaient été jumelées avec six mutuelles françaises.
Rappelons aussi que cette balade à Varsovie qui déborde d'énergies nouvelles est une forme d'hommage à ces Polonais de génie qui ont marqué à jamais le sport à Auxerre. Le foot mais aussi le basket : Szeja, Szarmach, Janas, Klose, Matysik, Zgutzinski, Dudka, Kasmareck, Jelen, Los, Slyko, Wieczorek, Wlodarczik, Storozinski et à tous les autres plus anonymes, en particulier ces cueilleurs de cornichons venus en famille, infatigables ....
Suzanne DEJAER
Les trois premiers articles sur Varsovie:
Varsovie, un arc-en-ciel de styles
Varsovie, une passion pour les arbres et la musique
Commentaires
Merci pour le partage !
Je me suis promenée dans Varsovie et j'ai rêvé devant ces lieux qui gardent un charme indéniable.
Une atmosphère si bien décrite par Suzanne Dejaer !!!
Ce reportage sur Varsovie est un enchantement. Il me semble avoir été prise par la main et transportée vers un coin d'Europe où il ferait bon vivre, malgré les vestiges d'un passé douloureux. Je veux dire vivre à une échelle humaine avec les produits du terroir, rien qu'à voir les photos de ces fruits et légumes venues tout droit des fermes, on salive . Avec aussi des légendes qui font rêver et stimulent notre curiosité. Félicitations à notre guide qui ne s'est pas contentée de nous envoyer une simple carte postale, mais qui nous introduit avec une grande objectivité dans un monde qui se bat dans la dignité pour un avenir meilleur.
Cerise sur le gâteau: l'écriture est d'une grande sensibilité, voire à certains moments poétique. Un régal ! C.P.
J'ai tout aimé dans ce reportage qui est mieux qu'un reportage. On nous prend par la main et on nous fait visiter des lieux émouvants, amusants, historiques, secrets, et des marchés à ciel ouvert. Et quels marchés! On salive tant les fruits et les légumes, amoureusement photographiés, donnent une impression de fraîcheur . On voudrait goûter à tout ! On voudrait aussi franchir la porte de ce bistro à la fourchette, voir la vieille ville qui a resurgi, a étiré ses bras après un long sommeil ( quelle exquise métaphore) et caresser d'une main légère la fille de Triton. On est transporté dans les vieilles rues du ghetto et on ne peut qu'admirer le courage de la ville et de ses habitants.
L'écriture est sensible, objective et nuancée à la fois, le talent de S.D. est incontestable. Merci et félicitations au guide et à la narratrice! C.P.
Varsovie et la vie au quotidien. C'est mieux qu'un reportage, c'est comme si on nous prenait par la main pour nous permettre de choisir à notre tour ces fruits et légumes frais du jour, de vider un petit verre de vodka accompagné de quelques revigorants zakouskis au bistro À la Fourchette, de visiter la vieille ville qui a resurgi, a étiré ses bras après un long sommeil et a été rebâti. Nous nous laissons ensorceler par les légendes, effleurons d'une main légère la fille de Triton et décryptons les secrets de ce vieux poêle plein de souvenirs.
On aimerait, nous aussi visiter la ville, de préférence avec le guide sensible et passionnant qui nous a initiés tout au long de ses reportages et de ses photos à l'histoire ancienne et récente de cette ville au passé douloureux et aux espérances joyeuses. Merci !
Encore de bien belles choses à Varsovie, mais aussi le bric à brac architectural des villes détruites et, contrairement à Berlin, reconstruites avec peu de moyens. Atmosphère provinciale, me semble-t-il, mais touristique aussi. Zakouskis appétissants et toujours une bonne vieille Trabant qui roule...
Beau reportage qui donne envie de visiter.
Un bel hommage adressé à Varsovie et à la Pologne, grâce à la plume légère et sensible de Suzanne Dejaer, ainsi qu'à ses belles photos riantes et colorées!
Le maire d'Auxerre qui a épousé une Polonaise de Plock, ville jumelle, est Jean Garnault.
Félicitations pour cet excellent reportage qui traduit bien l'atmosphère de Varsovie.
Les tomates sont trés bonnes et la soupe à la tomate délicieuse, sans compter la vodka bien sûr, surtout celle que distillent nombre de polonais malgré l'interdiction, vodka aux fruits, aux oeufs, etc...Une merveille !
Depuis la disparition de l'ancien régime, l'évolution de la Pologne a été rapide et spectaculaire, que ce soit dans les villes ou dans les campagnes, les polonais ayant utilisé au maximum les fonds européens. Plusieurs séjours m'ont permis d'en mesurer les effets. Dommage que la France ait laissé passer l'opportunité de devenir le partenaire privilégié des polonais sur le plan économique ! Les attentes de ceux ci étaient pourtant fortes par rapport à notre pays, les deux nations n'ayant jamais eu à déplorer de relations conflictuelles au cours des siècles.
Petite information, un ancien maire d'Auxerre a épousé une polonaise originaire de Plock.