Pose des plateaux en cours chez Yonne Laser à Monéteau Bientôt, le bâtiment sera hors d’eau, hors d’air  (DR)

 

Le parquet d'Auxerre a ouvert une enquête préliminaire (1) pour déterminer si la SEM (société d'économie mixte) Yonne Équipement (2), bras armé en matière de développement économique du conseil départemental avec l'association Yonne Développement créée en 1989 sous la présidence de Jean Chamant ,ne détournait pas des fonds publics dans l'exercice de sa gestion.

Le champ du détournement supputé est bien délimité : les subventions (conseil régional (80 000 euros) et du conseil départemental (60 000 euros) destinées à la construction du batiment dont le locataire est la brasserie créée à Saint-Père-sous-Vézelay, en 2012.

Une perquisition en bonne et dûe forme a eu lieu le lundi 2 mars, toute la journée, dans les locaux du siège de Yonne Équipement menée par la brigade financière de la police judiciaire d'Auxerre. On notera que personne n'a été mis en garde à vue.

L'enquête est donc en cours et il faut attendre les conclusions. Soit l'ouverture d'une information judiciaire sous l'autorité du juge si le dossier est consistant, soit un classement sans suite s'il est vide.

L'information a fait d'autant plus de buzz dans le landerneau qu'est mise en cause une véritable institution et un phare dans le paysage économique du département.

L'actionnaire principal de la SEM Yonne Équipement est le conseil départemental de l'Yonne à hauteur de 52 %. Les actionnaires minoritaires sont des banques, des communautés de communes etc (3).

L'information est diffusée dans un contexte particulier où le conseil départemental de l'Yonne est visé et dont l'image est dégradée par plusieurs affaires, des erreurs de gestion et défaut de contrôle des satellites Domanys premier bailleur social de l'Yonne (32 millions de déficit), l'EPCC (conservatoire de musique) 25 millions de déficit et les Arts Vivants également déficitaires dans une proportion nettement moindre.

La capacité humaine à faire des amalgames et à généraliser étant sans limite - et nous avons tous tendance à le faire si nous n'y prenons pas garde - la tentation est évidente de mettre tout ce monde, souvent sans savoir qui en-dehors des élus qui ont bon dos, dans le même sac. Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose ... (Francis Bacon).

 

Dénonciations

 

Et bien justement, si l'on prend soin d'examiner les choses d'un peu plus près et en détail, c'est sur des "dénonciations" (un fameux article 40), que le parquet d'Auxerre a été alerté. La brasserie de Vézelay fait de la bonne bière mais est en conflit avec Yonne Équipement depuis au moins deux ans. Elle ne paye plus ses loyers pour l'utilisation du bâtiment industriel construit par Yonne Équipement et qui est l'objet d'un bail (Yonne Équipement est bailleur mais ne fait pas de crédit-bail), car le propriétaire conteste les clauses du contrat.

La brasserie de Vézelay a ainsi vu le propriétaire du bâtiment, Yonne Équipement, opérateur du conseil général, brandir le spectre de l'expulsion au mois de mars 2015.

Le conflit a pris, au fil du temps, des proportions telles que le locataire de la brasserie, le dos au mur et sûr de son bon droit, a décidé d'attaquer.  Avant que le préfet de l'Yonne tente une médiation. En vain.

 

 

La brasserie a été condamnée à payer un lourd passif de loyers et à quitter les lieux par jugement en référé au mois de juin 2015, du tribunal de grande instance d'Auxerre et le bail commercial qui le liait a été rompu. Une procédure de sauvegarde est en cours et le gérant Marc Neyret, qui bénéficie de soutiens placés, toujours persuadé de son bon droit en dépit du jugement du tribunal, mène un combat perpétuel contre Yonne Équipement à différents niveaux.

La SEM Yonne Équipement a subi en 2015, un contrôle de l'Urssaf et un contrôle fiscal portant sur les dernières années. Or il n'y a eu ni redressement fiscal, ni la moindre remarque négative. En une année donc, il y aurait eu des irrégularités comptables ou  spéculations de trésorerie concenant la somme de 80 000 euros servie par le conseil régional lors de la création, en juillet 2012, de la Brasserie bio de Saint-Père-sous-Vézelay ?

Il faut savoir que la subvention ne passe pas tout droit des caisses des conseils régional et départemental dans les poches du propriétaire de la Brasserie. Il y a des procédures et des règles de comptabilité publique à respecter. Heureusement d'ailleurs car il s'agit aussi de l'argent du contribuable.

Sur le fond, la subvention n 'est pas dans la trésorerie de Yonne Équipement car elle est inscrite dans le plan de financement du projet immobilier de la Brasserie de Vézelay et inscrite au passif de son bilan. Elle vient en déduction du montant de l'investissement  et il y contractualisation des prêts pour le différentiel. Cette subvention vient payer directement les fournisseurs. Ce n est pas un actif.

 

Qui a intérêt à mettre

Yonne Équipement en difficulté ?

 

Yonne Équipement est propriétaire du bâtiment de la Brasserie. Les banques sont propriétaires des machines par le truchement de prêts. Les aides publiques et un investisseur privé, financent les pertes d'exploitation de la société depuis 4 ans. Force est de constater que le business plan ambitieux n'a pas tenu ses promesses.

Les comptes 2015 de la Brasserie de Vézelay annoncent 150 K€ de chiffre d'affaires en plus (le CA global est de 650 ko). Il reste qu'il ne représente que  50 % du prévisionnel annoncé en 2011, avec des pertes à 40 K€. La société n''est donc toujours pas bénéficiaire.
Une augmentation de capital de 200 K€ a été nécessaire, il y a un mois, pour permettre à l'entreprise de rester en plan sauvegarde et lui éviter le redressement judiciaire.

Dossier sensible et difficile à vivre pour André Villiers, président du conseil départemental mais aussi dans son canton dont il est issu, où il a été maire à Vézelay.

On comprend mal ce dossier, ce conflit. D'un pur point de vue financier et comptable, les choses paraissent limpides. Pourquoi ces acharnements et aussi longtemps qui semblent s'auto-alimenter ? Comment se fait-il que la récréation n'a pas pu être sifflée ? Pourquoi des politiques dont François Patriat, ancien président de région, se sont-ils mêlés de l'affaire, en tentant d'influencer le cours des choses ?

Qui a intérêt à mette Yonne Équipement en difficulté, aujourd'hui ? Pourquoi ?

 

Un fleuron convoité

 

Yonne Équipement est un fleuron. En 20 ans dans l'Yonne, Yonne Équipement représente 77 millions d'investissement sur 120 000 m2 créés et 5 000 emplois effectiffs. Jamais la SEM n'a reçu du conseil départemental de l'Yonne, aucune subvention de fonctionnement mais des aides dites de droit commun dont peuvent bénéficier tous les investisseurs immobiliers.

Le Sénonais Gilles Groneau, homme de qualité, qui a conçu le concept de Yonne Équipement  au début des années 90, adossé à l'association Yonne Développement (2), doit être consterné. Cependant l'ingeneering apparaît solide, transparent et bien flèché. Ici au contraire d'ailleurs, pas de spéculation possible. Pourquoi ? Parce que dans les contrats sont intégrées les promesses de vente. Impossible donc d'espérer une plus-value dix ans après sur les bâtiments. Un concept par ailleurs copié par d'autres départements.

Et puis il y a un autre homme, Michel Pisani, le président du conseil d'administration de Yonne Équipement. Personnage discret, homme d'ombre qui oeuvre.

C'est lui qui, directeur général, avec Jean-Jacques Lenne (formation) et avec Jean Saint-Réquier (l'ingénieur administratif), furent les piliers de la création, en 1990, de la maison de l'Entreprise à Auxerre.

Un trio qui réussit contre vents et marées à créer en France la première école d'ingénieurs par la voie de l'apprentissage, projet auquel personne ne croyait et que d'aucuns ne voulaient pas, cfr le comité d'éthique des ingénieurs qui voyait là une dévalorisation du métier, alors qu'un rapport de 1990, montrait que la France allait manquer d'ingénieurs. Ce fut une épopée et une sacrée équipe qui ne lâcha jamais.

Mais en septembre 1990, la première école d'ingénieurs par alternance de ce type en France ouvrit à Auxerre appuyée sur l'UFR, l'unité de formation et recherche, sciences et techniques. Des enseignants chercheurs et doctorants, l'UFR sciences et techniques a permis ça avec les formations bac +2. Depuis ce type d'écoles s'est multiplié sur tout le territoire national.

Alors allez-vous dire, quel rapport avec notre affaire ?

 

Scénarios multiples

 

D'abord Michel Pisani, le président du conseil d'administration de Yonne Équipement, qui apparaît très rarement sur le devant de la scène, n'est pas un perdreau du mois d'août. Ensuite, ses compétences sont reconnues dans le temps ainsi que son éthique et sa probité dans un univers de compétition souvent cruel. Il a toujours gardé le cap quelles que soient les circonstances.

Alors à qui profite le crime ? Qui tirera les marrons du feu ?

La cession des 52% (les 3/4  des 52% exactement) du capital de la SEM Yonne Équipement détenus par le conseil départemental doit intervenir avant la fin de l'année, comme l'impose la loi de réforme territoriale NOTRe. La loi transfère la compétence économique des départements aux régions et intercos. Ils sont plusieurs candidats potentiels au rachat des 52%.

Le syndicat d'électrification de l'Yonne que préside Jean-Noël Loury (qui a dit non lors de l'AG du 26 février), la puissante SEM 92 qui veut étendre sa zone d'influence dans le cadre d'un rapprochement de l'Yonne avec l'Ile-de-France, les intercommunalités (Avallon, Sens et Auxerre, Migennes sont déjà actionnaires) associées à la compétence du développement économique, et enfin, la région Bourgogne France-Comté.

Comment dans ces conditions, le concept et l'identité de Yonne Équipement pourra-t-elle être préservée si elle tombe entre les mains d'un acteur subalterne au territoire limité ? On pourrait théoriquement envisager la création d'une nouvelle SEM à géométrie choisie (selon quels critères?) mais c'est long la création d'une SEM, plusieurs années parfois. On peut tout imaginer, c'est bien là le problème et la confusion d'autant que les inconnues sont réelles.

1/ Que va conclure l'enquête préliminaire de la justice ? Quelles en seront les conséquences ?

2/ Pour le moment, personne ne connaît le devenir de l'agence Yonne développement qui est une association. Laquelle est le navire amiral du bras armé du département pour le développement économique dans l'Yonne. Lié consubstantiellement à Yonne Équipement, bref indissociable en principe.

On pourrait logiquement imaginer dans une perspective départementale que le couple Yonne Développement-Yonne Équipement soit porté par les deux structures les plus importantes de l'Yonne, à savoir les PETR du grand Sénonais et du grand Auxerrois voire pourquoi pas les PETR de Puisaye et du grand Avallonnais qui n'existe plus juridiquement, mais qui pourrait renaître.

Cette logique de territoire fait cependant long feu sur le plan à la fois conceptuel et concret. Le Pays de Treigny-Perreuse est entrain de créer une structure spécifique pour le développement économique (cultures bios destinées à alimenter notamment les cantines scolaires entre autres) qui bénéficiera de subventions européennes, alors qu'existent un PETR de Puisaye et deux communautés de communes avec la Forterre.

En somme tout le monde peut prétendre à la compétence en matière de développement économique et accéder aux tuyauteries des mannes de subventions européennes, d'État et régionales, ... sauf les conseils départementaux.

Vers la dissolution ?

 

Yonne Équipement-Yonne-Développement apparaît comme la poule aux oeufs d'or, la structure qui marche bien et qui obtient des résultats probants. Sérieusement, quand on regarde bien, quel boulot d'aménagement du territoire en vingt ans !

Villiers le dépossédé est un maquignon et avant tout un paysan il ne faut pas l'oublier. Il ne va pas laisser faire. Il a commencé par réduire la subvention 2016 à Yonne-Développement de 70% la ramenant à 120 000 euros (370 000 l'année dernière). Il a mis la barre de l'action de la SEM Yonne Équipement, à céder, à 27 euros. On parie qu'il ne baissera pas son prix.

Conséquence : en fin d'année, la structure s'éteint, au 1er janvier 2017, Yonne Équipement n'existe plus juridiquement. Imagninez le préfet en bon soldat de la République porte-parole de l'État, dans le rôle du médiateur d'une AMI (appel à manifestation d'intérêt, sorte d'appel d'offre) s'acharner à prendre rang en fixant les propositions dans les offres d'achat éventuelles. "Monsieur le président Villiers, vous avez une offre à 18 euros, vous pourriez l'accepter...". Sachant que le préfet ne peut en aucun cas imposer le prix, ce pourrait donc bien être la foire aux vaches et le dépouillement de l'outil. Dissous de facto.

Qu'en pensent les maires auxquels on est en train de faire accepter l'idée qu'il faut sortir quelques centaines de milliers d'euros pour reprendre les actions de la structure Yonne Équipement ?

Par delà ce qui ne sont que péripéties le bon sens et la raison ne consisteraient-ils pas à préserver ce qui marche et améliorer ce qui ne fonctionne pas ?

 

 

 Pierre-Jules GAYE


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(1) L'enquête préliminaire est conduite sous l'autorité du procureur de la République. Contrairement à l'information judiciaire qui relève de l'autorité du juge d'instruction

(2) Yonne équipement est un partenaire dans le montage et le suivi des projets immobiliers d’entreprises : définition de la typologie du bâtiment, élaboration du cahier des charges, achat de la parcelle, financement et construction… Lorsque le bâtiment est achevé, signature avec l’entreprise d’un bail de location de 10 ans avec option d’achat. Le patrimoine de Yonne Équipement est aujourd’hui constitué de plus de 45 bâtiments.

(3) Actionnaires en  % de la SEM Yonne Équipement


Conseil Départemental de l'Yonne    52,3%
Communauté de l'Auxerrois    10,9%
Yonne Développement    5,0%
Caisse des Dépôts et Consignations    14,2%
Dexia    0,9%
Crédit Agricole Champagne - Bourgogne    0,9%
Banque Populaire Bourgogne    0,8%
Caisse d’Épargne Bourgogne    1,6%
Bernard Krief Consulting    0,1%
Chambre de Comm. Indus. de l’Yonne    0,7%
Chambre de Métiers de l’Yonne    0,2%
SAFIDI    1,3%
Communauté de Communes Forterre-Val d'Yonne    0,2%
Communauté de Communes de l’Agglomération migennoise    1,2%
Communauté d'agglomération du Sénonais    2,4%
Communauté de Communes Avallon-Morvan-Vauban    2,4%
Ville d’Auxerre    4,8%

(4) Les deux structures (agence de développement et SEM Yonne Équipement) ont deux objectifs différents : la 1ère s'occupe de conseiller les entreprises, de les accompagner dans leur implantation, de prospecter et de "vendre" le territoire, etc. La SEM s'occupe de construire des bâtiments industriels. "Comme elles sont de statuts et d'objets différents, elles ne peuvent pas fusionner ". Elles sont cependant complémentaires ainsi que leurs compétences. On ne confondra donc pas les idées et les mots : en l'occurence l'existence même de la structure et qui la finance

 

Fin de chantier EUROPAGRI à Tonnerre, les premières machines sont arrivées. Il ne reste plus qu’à mettre en service la chaudière à granulé. Deux personnes travaillent déjà à temps plein sur le site et une embauche est prévue pour le mois d’avril (DR)